Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON ŒUVRE ANCIENNE





L'emploi des tapisseries remonte, nous l'avons vu, aux âges les plus reculés de l'histoire. Il n'est guère possible de découvrir quels furent les premiers procédés de fabrication, mais tout porte à croire que le métier à tapisserie, que nous voyons en usage dans la Grèce et chez les Romains, fut d'invention égyptienne. Les Gaulois connurent aussi de bonne heure l'art de fabriquer des étoffes à plusieurs couleurs ou scutuli.
L'Orient, qui nous avait devancés dans tous les genres de civilisation, eut le monopole des tapisseries historiées et enrichies de métaux précieux.
L'usage des tapisseries importées ou fabriquées en Europe, dès le cinquième siècle, fut d'abord réservé, en France, aux monastères, aux églises et à la décoration des palais des rois de la première et de la seconde race.
Au moyen âge, cette industrie se répandit un peu partout, mais la Flandre n'en devint pas moins le grand centre de production de ces draps imagés.
Nous avons indiqué sous l'influence de quelles causes les manufactures flamandes, après une longue prospérité, finirent par disparaître de la Belgique.
Nous avons également donné les raisons qui nous font considérer les Flamands comme les véritables implanteurs de leur industrie dans la Marche.
Notons que les fabriques d'Aubusson, de Felletin et des Flandres sont les seules dont nous puissions fixer approximativement l'origine et suivre les développements. Quant aux autres, leur existence éphémère ne se soutint que grâce à la munificence des princes et au talent des ouvriers étrangers, appelés par eux pour fabriquer des tapisseries il leur usage particulier. Nous en citerons quelques uns :
La fabrique fondée à Florence, par Cosme de Médicis, celle de Mortlake, fondée par Jacques II, celle qu'en 1550, un peintre flamand d'Alost, J. Cooke, établit à Constantinople, fabrique de haute lisse qui permit à Amurath III d'envoyer en présent à Philippe II vingt tapisseries sur lesquelles étaient représentées (inertexœ et non brodées) les victoires du donateur.
C'est ainsi que Van Derlikeln exécuta, par les ordres de Christian V, douze grandes tapisseries qui existent encore à Copenhague, et que des ouvriers émigrés d'Aubusson travaillèrent pour le compte de l'électeur de Brandebourg. On montre également à Berne un tapis de table, qui est l'œuvre de tapissiers d'Aubusson, réfugiés en Suisse vers la fin du dix-septième siècle.
Les manufactures du Piémont doivent encore très probablement leur origine à des ouvriers français.
Le musée de Madrid possède un tableau de Vélasquez, appelé « las hilanderas » (les fileuses) et qui représente l'intérieur d'une fabrique de tapis. La tenture de rond est une grande verdure, encadrée d'une bordure. Des femmes du peuple sont occupées à préparer la laine pour les tapisseries. Malheureusement, ce tableau ne nous donne aucune notion sur les procédés de fabrication employés en Espagne, sous Philippe IV.
Comment l'art de la tapisserie s'introduisit-il dans ce pays? Nous pensons que c'est grâce aux Maures, dont les monuments couvrent son sol et attestent une éducation artistique des plus élevées. Peut-être est-ce par des ouvriers flamands.
Mais, à partir du seizième siècle, les rois d'Espagne, possesseurs des Flandres, semblent renoncer à encourager l'industrie des tapisseries dans leur pays, et prodiguent leurs commandes aux fabriques flamandes.
Les artistes français, ceux de la Marche principalement, malgré leur réputation déjà ancienne à cette époque, étaient loin de posséder l'habileté des ouvriers flamands, rompus à la pratique de leur métier. Aussi, voyons-nous les rois de France faire venir de Flandre des tapissiers éprouvés, pour décorer leurs palais, et affranchir le pays du tribut qu'il payait aux manufactures étrangères.
L'origine de l'établissement des Gobelins découle de là. Par le choix sévère de ses ouvriers, par les encouragements et les subventions de l'État, et surtout par ses peintres renommés dont le talent a, pour ainsi dire, marqué tous les produits de son empreinte, cette manufacture royale devint bientôt sans rivale, et la perfection de ses tapisseries resta inimitable.
M, Lacordaire, auteur d'une monographie des Gobelins, qui se recommande surtout par une richesse très grande de documents précieux, a divisé l'histoire de la fabrication dans cet établissement, en trois périodes.
Pendant la première, qui s'étend de la fondation à l'année 1662, les ouvrages de la tapisserie sont l'expression d'un travail industriel dans lequel l'ouvrier tapissier, coloriste lui-même, applique son coloris et ses procédés expéditifs.
Les œuvres de la deuxième période (de 1662 à la fin du dix-huitième siècle) se caractérisent par une imitation encore imparfaite de la peinture. Les tableaux qui servent de modèles ne sont pas fidèlement reproduits, par suite de la lutte de l'élément industriel et de l'élément artistique; - les entrepreneurs de la manufacture cherchent à sauvegarder leurs intérêts, compromis par les exigences sans cesse croissantes des peintres.
Dans la troisième et dernière période, les traditions industrielles achèvent de s'effacer. La tapisserie se transforme en art de pure imitation, mais procédant toutefois dans les limites imposées par la nature du tissu, par les ressources du teinturier, par l'emploi de la laine et de la soie, substitué à celui d'une couleur fluide. De ces diverses conditions résulte, non une copie, mais une traduction où le coloris du modèle est reproduit avec une fidélité, une vigueur, une harmonie, une science, inconnues des siècles précédents.
« Ce que l'époque moderne doit recueillir du dix-septième siècle, ajoute M. Lacordaire, « c'est d'employer le talent des peintres les plus habiles à créer des décorations et des modèles de tenture dans les conditions propres à la tapisserie, et en tenant compte des progrès de cet art, où la France n'a pas de rivaux. »
Rien n'est plus exact, mais ne pouvons-nous pas nous demander si l'on a bien tenu compte des conditions dans la limite desquelles doit s'exercer l'art du tapissier, lorsque, « se prévalant des admirables découvertes de la science, on tente l’impossible en imitant la peinture dans toutes ses finesses, condamnant ainsi à des recherches puériles un art à qui appartiennent en propre la magnificence et l'ampleur, un art qui est de sa nature imposant et majestueux (1) »
En effet, parmi les œuvres de la peinture, il en est qui ne permettent pas de traduction. S'il est possible de faire une belle art, en copiant les Noces de Cana, de Véronèse, ce serait commettre un contre-sens que d'essayer de traduire la Joconde.
Horace Vernet a pu dire, en voyant la tapisserie exécutée d'après son Massacre des Mameluks : « que les artistes des Gobelins avaient fait mieux que lui », parce que l'ordonnance du tableau et son coloris se prêtaient à la traduction. De même, nous pensons qu'on réussirait admirablement une tapisserie d'après le plafond de la Campagne d'Égypte, par M. Léon Coigniet, mais nous doutons fort que M. Ingres eût exprimé sa satisfaction au directeur d'une manufacture de tapisseries, qui aurait eu la hardiesse de traduire en laine le portrait de M. Bertin, ou l'apothéose d'Homère.
« Ceux qui ont voulu étendre le domaine du tapissier en éveillant son ambition, en lui inspirant le désir de s'attaquer aux grands-maîtres de la peinture, ceux-là lui ont rendu, ce nous semble, un mauvais service. Ils l'ont détourné de son droit chemin en lui faisant abandonner des travaux où il excelle pour entreprendre des ouvrages où il ne peut exceller. Comment, en effet, traduire en tissu un morceau qui sera remarquable par la finesse des tons, par la dégradation des plans, par la perspective aérienne! Peut-être le tapissier parviendra-t-il, grâce aux perfectionnements apportés dans la teinture des laines et par une habile combinaison de ses hachures à deux tons, c'est-à-dire par l'alternance de deux colorations qui se succèdent sans se mêler et qui, modifiées encore au gré de l'artiste par une troisième couleur, peuvent produire à distance l'effet des glacis. Mais, en supposant même qu'il ait réussi pleinement, il est bien certain que la fidélité de la traduction n'aura point de durée, parce que les couleurs rabattues, les couleurs de fines nuances étant celles qui résistent le moins aux agents atmosphériques, seront presque évanouies bien avant que les couleurs franches se soient affaiblies dans la même proportion, de sorte que cette inégale décoloration de l'ouvrage détruira la parfaite harmonie qu'on aura eu tant de peine à obtenir, si tant est qu'on l'ait obtenue (1) ».
Sans doute, ajouterons-nous, l'art du tapissier doit se maintenir à une hauteur que n'atteignent pas les productions les plus ordinaires de l'industrie ; et, quant à la manufacture des Gobelins, en particulier, elle doit tendre sans cesse vers la perfection, c'est la condition sine quà non de son existence.
Mais nous croyons, comme l'indique si bien M. Charles Blanc, qu'il faut « renoncer à des imitations qui, dans leur fidélité même, seraient si coûteuses et si peu durables. Il faut surtout renoncer à la reproduction de ces peintures de musées qui, en général, sont autre chose que d'agréables spectacles et dont la beauté supérieure tient à la finesse du trait, au sentiment du dessin, à l'expression. Le tisseur ne pouvant atteindre à la perfection dans le rendu d'un tableau expressif, exécuté avec des moyens qu'il ne possède pas, doit se borner à reproduire des tableaux décoratifs, peints tout exprès en vue des moyens qu'il possède, car c'est une loi de goût, et une loi particulière aux industries exercées par des artistes, qu'il ne convient pas de faire dans un art ce qui peut être mieux fait dans un autre. »
La traduction, en tapisserie, d'un tableau de chevalet d'un grand maître, si parfaite qu'on veuille la supposer, ne remplacera jamais, aux yeux des gens de goût, une belle tenture d'après Berain ou Lebrun.
« En revanche, la tapisserie, chose admirable, n'a pas un défaut qui ne puisse devenir une qualité, quand elle ne sort pas de sa sphère, quand elle reste conforme à sa destination. »
Pourquoi ne pas s'adresser à nos peintres modernes, et ne pas leur demander des modèles ? Connaissant les ressources et les exigences de l'art du tapissier, ils sauraient créer des œuvres décoratives qui, sans rien retrancher à leur gloire, ajouteraient peut-être à celles de notre siècle. La France, il est vrai, n'a plus ni Poussin, ni Lebrun, ni Mignard; elle a perdu Delacroix. Ingres, Flandrin, mais elle compte encore des peintres comme Baudry, Cabanel et tant d'autres qui n'ont plus leurs preuves à faire.
La manufacture des Gobelins, ne l'oublions pas, doit justifier son titre de manufacture nationale qu'elle porte désormais. Après avoir, à toutes les grandes luttes internationales de la paix, à toutes les expositions, porté si haut le drapeau de la France, et conservé à notre patrimoine le premier rang si noblement conquis par elle dans les arts, il faut que les directeurs de la manufacture, ces habiles hommes, comme on disait déjà du temps de Colbert. aient à cœur de faire de ce grand établissement une école pratique de l'art décoratif de la tapisserie.
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco en 2009
Tapisserie d'Aubusson
Tapis d'Aubusson
Tapisserie à réaliser soi-même
e-boutique http://www.tapisserie-royale-aubusson.fr



FIN


(1) Charles Blanc, Etudes sur les arts décoratifs

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