Tapisserie-royale

TAPIS D'AUBUSSON II






Les tapissiers sarrazinois et les tapissiers en haute lisse. - Le 1"' Livre des mestiers d'Estienne. Boyleaux, -Différents statuts organisant la corporation des tapissiers depuis saint Louis jusqu'en 1789.
tapis

Sans vouloir fatiguer le lecteur par une longue dissertation sur le genre véritable auquel appartenaient les tapis désignés au moyen âge, sous le nom de topu Sarrasinois, tapis Nostrez, tapis Velutz, tapis de Turquie, nous croyons utile d'indiquer quelles étaient les étoffes ainsi désignées.
Sarrazinois veut dire, selon nous, travail fait à la mode des Sarrasins. Comme les premiers tissus brodés étaient venus de l'Orient, on donna par extension le nom d'œuvre de Sarrazins à tout ce qui avait un cachet oriental. Bien avant les croisades, le goût pour les modèles venus de ces contrées s'était développé et, particulièrement pour les riches étoffes, de précieux spécimens étaient répandus en Occident. Le style arabe fut surtout recherché. Venise, qui faisait presque à elle seule tout le trafic des objets orientaux, ne se contenta pas de les importer, elle fabriqua à s'y méprendre des étoffes, des broderies, des bijoux imitant ceux de l'Orient et les répandit en Europe. Paris, les Flandres, Arras, adoptèrent ce genre avec succès, et on appela longtemps œuvre sarrazinoise , œuvre de Damas, des objets de fabrication occidentale, mais dont les premiers modèles avaient été apportés d'Orient.
Dans tous les inventaires ou comptes, les tapisseries sarrazinoises sont distinguées des tapisseries de haute et basse-lisse. Les premières sont désignées sous le nom de broderies, les autres sont appelées fil d'Arras, façon d'Arras, de Brabant, de Tournay.
Nous voyons dans l'inventaire des meubles, joyaux, tapisseries de Charles-Quint, à l'article Chambres (on appelait chambre non seulement une pièce de l'appartement, mais les tentures, tapis et tapisseries, qui composaient la décoration ; ce nom était donné particulièrement à la chambre à coucher) :
«Une riche tapisserie or et soye, assçavoir le chiel, dossier et couverture de lit, appelée la Chambre des Dames, faicte de font de soye cramoisi rouge, richement ouvrée, contenant, assçavoir :
«Neuf pieces de tapisserie vieille, trouées et faites à or de fille d'Arras, plains de dames portants oiseaulx et semez d'arbres et herbages... et le champ rose.» Cette chambre était évidemment tendue de tapisseries d'Arras, c'est-à-dire faites en haute ou basse lisse.
La description qu'on nous donne des étoffes garnissant d'autres chambres, montre qu'il s'agit de
tissus bien différents. .
«Une chambre appelée la chambre d'Utrecht, faicte à personnages d'or et de soye et de brodure sur satin cramoisi rouge... le tout doublé de toile rouge.
«Une vieille chambre de velours cramoisi, semée de brodures, etc., et au -milieu les armes de Hollande et de Bavière faictes d'or et d'argent en broderie.» :
Ces deux dernières chambres étaient donc tendues de tapisseries faites de broderie en soie et or, sur velours et satin, en travail sarrazinois,
Quelques articles de l'inventaire des' tapisseries du roi Charles VI, 11 mars 1421, lèvent tous nos
doutes à ce sujet :
« X. Item, Une chambre à façon sarazinoise vieille et usée, contenant ciel, dossier et couverture brodée autour de velours pers (bleu) brodée à fleurs de lys et doublée de toile vermeille, et en la couverture et dossier, les peaux de deux bêtes sauvages, en manière de panthère. Prisée quatorze livres parisis.
« XVII. Item. Une petite courte-pointe de façon sarrazinoise brodée sur cuir au milieu à veluyau pers (de velours bleu) un escu aux armes de Bourbon et deux pappegaulx doublé de toile perse (bleue) ; prisée quatre livres parisis.
« LV. Item. Une nappe de toile pour autel, brodée à façon des Sarrasins, contenant quatre aulnes trois quartiers de long et sept quartiers de large Prisée soixante sous parisis. »

Tapis point plat

Nous avons en France un des plus intéressants spécimens de la tapisserie sarrazinoise au moyen âge. C'est la célèbre tapisserie dite de Bayeux, qu'on attribue généralement à la reine Mathilde, femme de Guillaume le Conquérant. Sur une immense toile de lin de soixante-dix mètres de longueur sont brodés en laine les principaux faits de la conquête de l'Angleterre par les Normands.
Cet art de la broderie paraît être resté longtemps l'apanage des femmes en Occident ; nous savons que la reine Berthe filait, et que Charlemagne avait fait apprendre à ses filles à broder et à filer. Les Angles avaient inscrit dans un de leurs codes que l'amende ou la composition à payer pour le meurtre d'une femme sachant broder ou tisser les étoffes devait être d'un tiers plus élevée que le meurtre d'une autre femme appartenant à la même condition.
Les tapis nostrez (nost-rez), noués ras, étaient des tissus ras, lisses, qui s'employaient le plus souvent comme tapis de pied et qu'on appelait ainsi par opposition aux tapis veluz de Turquie, lesquels sont selon toute apparence les tapis qu'on désigne encore de nos jours sous le nom de tapis de Turquie ou de Smyrne.
Les inventaires les désignent d'une manière qui ne permet pas de les confondre avec les tapisseries de haute et basse lisse :
Ainsi dans l'inventaire des ducs de Bourgogne, de 1398, on lit:
« Pour douze tappis velutz du païs de Turquie, dont il y ena deux moyens et dix petits. »
Quoique nous n'ayons pas l'intention de faire, dans ce petit travail, l'histoire de la broderie, nous croyons utile de donner un extrait du Livre des mestiers d'Étienne Boyleaux, prévôt de Paris sous
Louis IX parce que c'est la plus ancienne pièce authentique que nous possédions concernant l'organisation du travail au moyen âge, les obligations auxquelles les mestiers étaient astreints et les privilèges dont ils jouissaient.
Louis IX avait réformé la prévôté de Paris, fonction qui se vendait à l'enchère et qui était remplie par deux bourgeois de la ville, lorsqu'un seul n'était pas assez riche pour l'acheter. Cette prévôté, comme la plupart des magistratures féodales, investissait le titulaire de droits arbitraires qu'il rendait souvent très onéreux pour les habitants, en même temps qu'il savait s'affranchir des devoirs de protection qu'elle lui imposait. Le roi nomma Étienne Boyleaux prévôt de Paris, et lui assigna des gages.
Boyleaux exerça ses fonctions avec zèle et intelligence ; c'est à lui qu'on doit l'établissement de la police de Paris ; il modéra et fixa les impôts qui, sous les prévôts fermiers, étaient perçus d'une manière tout à fait arbitraire sur les marchandises et le commerce. Il divisa les marchands et artisans en différents corps, et leur donna des statuts et règlements connus sous le nom de Livre des mestiers. Nous reproduisons plus loin le titre LI concernant les tapissiers sarrazinois, à la suite duquel on lit une requête que ces tapissiers présentèrent au roi Louis IX, pour réclamer l'exemption de faire le guet.
La police de Paris, composée de soixante sergents, moitié à pied, moitié à cheval et commandée par le chevalier du guet, était devenue insuffisante ; chaque nuit était marquée par des vols, des incendies et des crimes de toutes sortes. Paris et ses environs, dit Joinville, étaient remplis de voleurs et de malfaiteurs. Les Parisiens demandèrent au roi la permission de veiller eux-mêmes à leur sûreté et de faire le guet pendant la nuit, ce qui leur fut accordé en 1254, et c'est à cette garde, qui fut nommée le guet de mestiers ou des bourgeois, que la requête des Sarrazinois fait allusion.

Livre des métiers, par Etienne Boyleaux : prévôt de Paris sous Louis IX. Rédigé vers 1260.

TITRE LI. - Des tapissiers de Paris sarrasinois,

Quiconques veut estre tapicier de tapis sarrazinois à Paris, estre le puest franchement, pour tant qu'il œuvre aus us et aus coustumes del mestier, qui telz sont. .
Nus tapicier de tapis sarrazinois ne puet ne ne doit avoir que J (un) apprentiz tant seulement, se ce ne son si enfant nez de leaul mariage, et li enfant de sa fame seulement.
Nus tapicier ne doit ne ne puet prendre son apprentiz à mains de VIIJ ans de service et cent S. (cent sons) de Paris, ou à X anz , et en prendre tant d'argent comme il en puet avoir, soit pou (peu) ou grant ne nient (rien) : mès plus service et plus argent puet il bien prendre, se avoir le puet.
Se li apprentiz s'en part d'entour de son maistre sans congiet ou a tout (avec) congiet, li mestre ne puet ne ne doit prendre autre apprentiz devant que li VIIJ am en soient enterrinement accompliz, que li apprentiz qui partiz s'est devait accomplir.
Si li apprentiz se rachate ainz que li. VIIJ ans soient accompliz, le mestre ne puet ne ne doit prendre autre devarit que li VIIJ ans seront passez.
Si li apprentiz s'en va sans congiet, li mestre le doit querre (chercher) une journée tant seulement à ses propres couz.
Nul fame ne puet nene doit estre aprise au mestier devant dit, pour le mestier qui est trop grevens (pénible). Nus ne puet ne ne doit ouvrer de nuiz ; car la lumiere de la nuiz n'est pas souffisans à ouvrer de leur mestier.
Nus du mestier devant dit ne puet ne ne doit ouvrer de file se il n'est de lainnes et retors bons et loiaux : et qui se mettroit autre chose l'œuvre seroit fausse.
Nus ne puet ne ne doit prendre apprentiz se il ni a IJ prudes homes ou trois an mains, dei mestier, au prendre ou racorder le marchié et la convenance ; ne ne doit li apprentiz mettre main en l'œuvre devant donc que li convenance ait esté raccordée ou li marchiez faiz en la manière desus devisée. El mestier devant dit ne puet ne ne doit nus ouvrer come valez ou come ouvrer, se il ne se fet creables (s'il ne prouve) au mains par son serement, que il ait ouvré à son mestre bien et loiaument, tant que ses mestres lait quité.
El mestier devant dit a IJ preudes homes jurez et serementez de par lou Roy que li prévôz de Paris met et oste à sa volonté; liquex jurent seur seinz que il mestier devant dit en la manière desus devisée garderont bien et loiaument à leur pooir, et clue il toutes Ies entrepresures que ils sauront que fétes i seront, au plutost que ils pourront par reson au prevost de Paris ou à son comendement le feront savoir.
Quiconques mesprendra ou fera contre nus des articles del mestier devant dit, il l'amendera toutes les foiz que il en séra reprins de X S. de Paris. à poïer au Roy V S. et au pauvres de saint Innocent VS.
Li dui preudome establis à garder le mestier devant dit doivent départir les V S. de Paris devant diz, aus pauvres, si comme il est dit devant, bien et loiaument par leur serement,
Li dui preudome 'qui gardent le mestier devant dit, de par lou Roy, sont quites du guet pour son mestier que il li le gardent.
Tous cil qui ont soissante ans d'aage, et cil que leur fames gisent d'enfant, tant come il les gisent, sont quites du guet. Et salaient estre tuit li autre del mestier devant dit fors puis IIJ anz en ça que Jehan de Champiaus, maistre des toisseranz, les a fait guetier contre droit el contre reson, se come il semble auspreu des hommes du mestier ; car leur mestier n'apartient qu'ausyglises et aux gentishomes 'et aus hauz homes, come au roi et .à contes, et par tèle reson avaient il esté frans de si au tens devant dit que ici ! Jehan de Champiaus à qui le gilet des toisserans est, les a fait giletier contre reson, si come il est devant et met le pour fit en sa bourse, et non pas en la bourse du Roy. Pour laquel chose li preudome du mestier devant dit prient et requèrent au roy que il i mette sa gras ce et son conseil sur ceste chose, à ce que ils soient quites du guet tout communement, si come ils ont esté en son tens, fors que puis IIJ anz en ça, etau tens son père le roy Leouis et son bon aïeul le roy Felippe (Philippe-Auguste). .
« Li preudorne du mestier devant dit doivent la taille et toutes les autres redevances que li antres bourgeois de Paris doivent au roy . Mès ils ne doivent rien de chose que ils vendent et achatent, apartienant à leur mestier, ne se devroient du guet se il pleisoit à l'excellence et à la débonaireté du roy. »
On le voit, les tapissiers sarrazinois forrnaient une des plus anciennes corporations de Paris qui remontait au moins au «bon roy Felippe» et leur requête fut entendue, très probablement en considération de ce que leur mestier n'appartenait qu'aux églises et aux grands personnages, comme au roy et et contes.
Les statuts promulgués, dans les années 1277, 1280 et 1302, n'imposent aucunement aux Serrazinois l'obligation de faire le guet, comme voulait les y obliger Jehan de Champiaus, maître des tisserands ; une ordonnance du 8 février 1484 les en déclare francs et quittes ; sans qu'ils soient tenus de rien payer pour jouir de cette exemption.
Le titre LII du Livre des mestiers des « tapisseiers de tapis nostrez » portait que « nus du mestier ne puet ne ne doit comporter ne faire comporter par la ville de Paris tapis pour vendre, se ce n'est au, jour du marchié, c'est à savoir au vendredi et au samedi , et ce ont establi li preudome du mestier pour le larrecin que l'on puet faire en leur hostiex (hotels) du mestier devant dit, que on a l'et aucune fois. »
Dès le XIIIe siècle, les tapisseries figuraient au nombre des objets qu'on apportait pour vendre à la foire du Lendit, qui se tenait en juin ; le mercredi avant la fête de saint Barnabé et jours suivants, entre le village de la Chapelle et Saint-Denis, dans un champ appelé le champ du Lendit.
On trouve sur les registres de la taille que Philippe le Bel leva en 1299 sur les bourgeois de Paris, que le nombre des maîtres tapissiers figurant aux rôles est de vingt-quatre.
Les tapissiers de haute lisse furent définitivement incorporés aux tapissiers sarrazinois, le second samedi de Carême de l'année 1302 Les nouveaux articles ajoutés ce jour aux statuts de 1277 et 1280 sont ainsi motivés. «Après ce discours, fut meu entre les tapiciers sarrazinois devant diz d'une part, et une autre manière de tapiciers que l'on appelle ouvriers en la haute lice, d'autre part, de ce que les mestres des tapi ciers sarrazinois disaient et maintenoient contre les ouvriers. enla haute lice, que ils ne pooient ne ne devoient ouvrer en la ville de Paris jusques à ce qu'ils fussent jurez et serementez, aussi come ils sont de tenir et garder tous les poinz de l'ordonnance dudit mestier, en la manière qu'il est contenu ès lettres dessus transcriptes et un registre du Chastelet, pour ce que c'est aussi un semblable mestier... de la volonté et de l'assemblement, Henaud le tapicier, Simon le breton... pour eux et pour le commun des tapiciers sarrazinois, voulurent, louèrent et approuvèrent... ce adjouté par nous de leur commun accord, qu'iceux mestres ouvriers en haute lice, pourront prendre et avoir apprentis .... pourront ouvrer en la haute lice tout comme ils pourront veoir de lueur de jour et pourront travailler dans la ville... et pour les choses dessus dites faire tenir et garder, seront establis, à savoir : un maistre du mestier de tapis sarrazinois et un autre maistre du mestier de haute lice. »
De ce que le métier des tapissiers sarrazinois était plus ancien à Paris que celui des ouvriers en haute lisse, il ne faut pas conclure que l'industrie des premiers ait en France une origine plus éloignée que celle de la haute lisse. Suivant nous cela prouve uniquement, que les hauts-lissiers n'exercèrent que plus tard leur industrie à Paris. Pendant presque toute la durée du règne des Carlovingiens, la ville fut assiégée et ravagée par les Normands. Les successeurs de Philippe 1er furent obligés de détruire un à un les repaires des seigneurs féodaux qui tenaient la campagne, rançonnaient les voyageurs et rendaient l'accès de Paris pour ainsi dire impossible. Pendant ce temps les ouvriers en tapisseries vécurent sous la protection de l'Église ou des hauts barons, dont quelques-uns étaient aussi puissants et plus riches que leur suzerain ; à mesure seulement que le pouvoir royal grandit et que son autorité s'affermit, les ouvriers des industries de luxe vinrent se grouper à côté de la cour du roi de France.
En 16251es tapissiers en haute lisse et les Sarrazinois, qui jusque-là m'aient formé entre eux un corps à part, furent réunis aux couverturiers-nostrés serqiers et aux courte-pointiers-coutiers .
Lorsque la corporation des tapissiers de Paris fut, dissoute en 1789, elle était composée de six communautés réunies sous le nom de Corps et Communauté des Maîtres Marchandstapissiers, comprenant : 1° les tapissiers snrrazinois ; 2° les tapissiers haute-lissiers, marchands et fabricants de tapisserie de haute et basse lisse, faisant aussi la rentraiture ; 3° les tapissiers nôtrez marchands et fabricants de serges, de tiretaines, couvertures de soie, etc. ; 4° les tapissiers contre-pointiers, marchands, de toutes sortes de meubles et tapisseries ; 5° les tapissiers courte-pointiers faiseurs de tentes, pavillons,etc. ; 6° les courtiers fabricants de coutils.
La corporation des tapissiers avait des armoiries reçues et enregistrées par Charles d'Hozier le 26 mai 1698. C'est un écu mi-parti, azur à senestre et argent à destre, portant sur azur effigie de saint Louis, avec la main de justice, le sceptre et la robe fleurdelisée, et sur argent, l'effigie de saint François d'Assise en prière, sa mitre déposée près de lui à senestre.
La patronne des Sarrazinois, rentrayeurs et hautslissiers était sainte Geneviève de Paris ; saint Sébastien était le patron des couverturiers nôtrez ; les courte-pointiers étaient sous la protection de saint Louis roi de France et de saint François d'Assise. En dernier lieu, on ne célébrait officiellement que la fête de saint Louis.
Malgré l'ancienneté de l'origine de leur corpora tion à Paris ; il paraît qu' au XVIIe siècle, les Sarrazinois avaient perdu beaucoup de leur importance ou que leur métier avait subi de telles transformations qu'il' était déjà fort difficile de préciser au juste la nature de leur, fabrication.
En 1632, Pierre du Pontdit dans son livre de la Stromatourqie, à propos de cette industrie :

« Il est à présumer qu'après l'entière ruine des Sarrasins par Charles-Martel en l'an 726 quelques-uns d'iceux qui sçavoient faire de ces tapis, fugitifs et vagabonds, ou possible rechappés de sa defaite, s'habituèrent en France pour gagner leur vie et commencèrent à faire et establir cette manufacture de tapis sarrazinois. De savoir de quelle fabrique ni de quelle metode ou estoffe estoient faits les dits' tapis, on n'en peut que juger, sinon que l'on voit par ladite sentence de 1302) que ces tapissiers sarrazinois sont institués beaucoup devant les tapissiers de haute lisse et estoient en possession de longtemps, mais sur leur déclin et que les dits tapissiers de haute lisse commençoient à naistre pour, ensevelir et mettre hors lesdits sarrazinois comme ils ont fait.
« Tant il y a que ceste manufacture, si c'est la mesme, estant manquée en ces pays, soit qu'elle soit demeurée entre ces Turcs, soit qu'elle ait esté perdue depuis ce temps, nous la voyons neanmoins estre relevée et retablie, avec' plus de, perfection qu'elle n'a jamais esté et qu'elle n'est dans la Turquie. »
Pierre du Pont, qui fut le premier ouvrier de la Savonnerie, a été dérouté probablement par le mot Sarrazinois, qui lui a fait confondre les tapis fabriqués par ces derniers, avec les tapis de Turquie, dont il a introduit la fabrication en France et dont il vante avec raison l'excellence. C'est peut-être d'après le récit de Pierre du Pont, qui attribue l'origine de la fabrication dès tapis sarrazinois en France aux Maures échappés aux coups de Charles-Martel, tout en avouant pourtant ne pas savoir « de quelle fabrique ni de quelle methode estoient faits lesdits tapis » que les premiers écrivains qui ont eu à parler de l'histoire de la tapisserie, n'ont pas hésité à attribuer aux Sarrazins qui ont envahi la France en 732 la fondation des fabriques de haute lisse.
Les Sarrazinois figurent encore sur les statuts de 1625 et 1627, que nous reproduirons en partie,
à cause de la similitude que présentent certains de ces articles avec les ordonnances de Charles- Quint, qui avaient été promulguées en 1544 à Bruxelles . «sur lemestier et styl des tapisseries.»
« Art. VIII. Il sera enjoint à tous les maîtres et ouvriers de haute lisse sarrazinois et de rentraitures, courte-pointiers, nôtrez, coutiers, de bien et duement travailler et œuvrer de bonnes étoffes, scavoir de faire et œuvrer de toutes sortes de tapisseries de haute lisse, tapis sarrazinois pleins et velus de toutes sortes de façon, de Turquie et du Levant, qu'ils ne soient de toute fine laine, soie et fleuret (l'on nommait fleuret à cette époque, un fil de bourre de soie qu'on mêlait avec de la soie ou de la laine) ; or et argent et d'imiter les desseins à patrons au plus près que faire se doivent, à peine d'amende, et qu'à le faire autrement l'ouvrage sera tenu pour faux, et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'amende, sçavoir la moitié au Rayet l'autre moitié aux maîtres jurez.
IX. Il sera défendu à tous maîtres, savoir : d'employer du faux or et argent pour du fin, ni or de Boulogne pour or de Milan, ni fleuret pour de la soie, ni autre chose de semblable ; et sera défendu d'employer ni mettre en œuvre du fil, tant pour servir de laine, que soye et fleuret, attendu que c'est chose fausse ; ne mettra-t-on peinture sur l'œuvre achevé : et toutes tapisseries et tapis qui seront trouvez sur aucune, qui ne soient tout de laine, seront tenus pour faux et le maître l'amendera de vingt livres parisis, la moitié au Rayet l'autre aux jurez.
X. Que nul ne pourra rentraire aucune tapisserie ni tapis sarrazinois, dit de Turquie ou du Levant, de toutes les sortes, se rompuz et gâtez qu'ils puissent être si ; premièrement, elle n'est chaînée de bonne et fine chaîne de laine, et comme elle est étoffée et fabriquée, et assortira les laines, soye et fleuret, or et argent au plus proche que faire se doivent, et le tout comme elle était fabriquée auparavant, et quiconque chaînera de fil, ni n'assortira au plus proche les couleurs ; ni qui n'imitera le dessein, toutes fois l'œuvre sera tenu pour faux, et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'amende, savoir la moitié au Rayet l'autre aux jurez.
XI. Que nul ne pourra nettoyer. ni rafraîchir toutes sortes de tapisseries et tapis, si premièrement que ce ne soit de bonne étoffe pour faire couleur, de teinture cramoisy commune, suivant et conformément à celle comme la dité tapisserie est fabriquée et étoffée ; et quiconque emploira peinture ou malfaçon en icelle, l'œuvre sera tenu pour faux et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'a-
mende, comme dit est. .
XII. Que nul ne pourra doubler aucune tapisserie ni tapis, si, premièrement, la toile n'est lessivée ou du moins mouillée, et sera défendu de coudre les relais desdites tapisseries de fil blanc ; mais de toute autre sorte, de fil de couleur, les pourra-t-on coudre, et le tout par l'envers, à peine d'amende comme il est dit ci-dessus.


XIX. Il sera défendu à toute personne, de quelque condition et qualité qu'elle soit, de s'ingérer de travailler et se mêler des fonctions de tapissier, s'il n'est maître en cette ville de Paris, à peine de confiscation des marchandises, outils et ustenciles, et de cent livres d'amende, moitié au Roy et l'autre moitié aux jurez. »
Dans ces règlements, les tapissiers de haute et basse lisse sont tenus à observer les mêmes statuts. Il paraîtrait que les métiers dont se servaient les tapissiers parisiens étaient des métiers à hautes lisses ; en effet ; lorsque les fabricants flamands vinrent s'établir à Paris sous Henri IV, les prévôts et échevins représentèrent dans une supplique que « la tapisserie de haute lisse qui a cy-devant fleury en ceste ville est délaissée et discontinuée depuis quelques années, est beaucoup plus precieuse et meilleure que celle de la marche (ou de basse lisse) dont ils usent aux Pays-Bas, qui est celle que l’on veut à présent establir. Nous prions nosdits sieurs de la court de supplier sadite Majesté de donner mooyen aux tapissiers de haute lisse en cette ville de nourrir et entretenir nombre d’apprentiifs françois dont la dépense sera fort petite. »
Tapisserie tissée main à Aubusson Patrimoine de l'Unesco en 2009
Tapisserie d'Aubusson
Tapis d'Aubusson
Tapisserie à réaliser soi-même
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