Les
Tapisseries
des Rois de France et des Princes de la maison de Valois. -
Manufactures de Fontainebleau et de la Trinité. - Dubourg et Henri
Lerambert. - La Flandre sous Philippe II.
« Si quelqu'un des
prédécesseurs de François Ier établit des manufactures à Paris ou aux
environs, je n'en trouve rien nulle part, dit SauvaI. En effet, si nous
jetons un coup d'œil sur les anciens inventaires, nous voyons que
presque toutes les tentures qui décoraient les châteaux royaux et les
habitations princières étaient, comme nous l'avons déjà fait observer,
d'origine flamande et que la plupart représentaient les mêmes sujets
que celles qui faisaient partie du mobilier de la maison de Bourgogne.
Nous pouvons citer :
Dans
l'inventaire de Charles V : « un drap de l'œuvre d'Arras, hystorié de
faicts et batailles de Judas Maochabeus et d'Antoqus ; »
Dans celui de Charles VI : « une chambre de
tapisserie
d'Arras, sur champ vermeil, de l'ystoire de, Plaisance, appelée la
chambre d'honneur, dont les ciel, dossier et couverture sont d'or et de
soye, à plusieurs petits personnages, à pié et à cheval, et six tapis
de fil de laine, d'or et de soye, prisé c'est à savoir, la dite
chambre, neuf cent vingt huit livres parisis, et les dits six tapis de
laine, cinq cent quatre livres parisis : pour tout mil quatre cent
trente-deux livres parisis »
En 1391 Louis d'Orléans achète à Bataille Collin « l’histoire de Theseus et de l'Aigle d'or. »
Le
24 novembre 1395, « à Dourdin Jacquet, marchant et bourgeois de Paris,
trois tapis de haute lisse en fil fin d'Arras, ouvré à or de Chypre,
contenant le Credo, les douze Prophètes, les douze Apôtres et le
couronnement de Notre-Dame. En 1398, à Nicolas Bataille, plusieurs
chambres et un tapis de chapelle de l'Arbre de la Vie et des douze
Prophètes. »
Au nombre des tapisseries qui
appartenaient à ce prince, nous remarquons celles de Penthésilée, des
enfants de Renaud de Montauban, de Dieu, de saint Louis, de
Charlemagne.
Le chevalier de Saint-Lenoir, dans un volume avec figures coloriées, nous donne la description d'une tapisserie faite à Bruges et représentant, sous des formes allégoriques, le mariage de Charles VIII avec Anne de Bretagne.
Cette princesse possédait un nombre considérable de tapisseries, dont la majeure partie devait provenir du riche mobilier des princes d'Orléans.
Les
titres de tous ces inventaires, tirés d'un manuscrit de la Bibliothèque
nationale, ont été donnés par M. Leroux de Lincy dans l'histoire de la
vie privée d'Anne de Bretagne.
Les châteaux royaux, à cette époque,
regorgeaient de tentures. En 1494, lorsque le duc et la duchesse de
Bourbon vinrent à Amboise faire une visite au roi et à la reine, il ne
fallut pas moins de 4,000 crochets pour tendre les deux cours de tapisseries
représentant la Cité des Dames, l'histoire des Ages, l'histoire
d'Alexandre le Grand, l'histoire du roi Assuer et de la roynz Ester,
l'histoire de David, d'Hercule, de Jonathas, de Nabuchodonosor, de la
papesse Jeanne, des neuf Preux, de llenaud de Montauban, du Roman de la
Rose, de la bataille de Formigny, etc.
Une tapisserie,
représentant l'histoire du roi Assuer et de la royne Ester se trouvait,
trente ans auparavant, à la cour de Bourgogne ; elle avait été achetée
à Pasquier Grenier, marchand tapissier, demeurant à Tournai. Marguerite
d'Autriche posséda aussi une tenture de la Cité des Dames, qui
provenait aussi de Tournai.
Dans l'histoire du château de Blois,
par M. de la Saussaye, on lit que, lorsque l'archiduc Philippe le Beau
et son épouse, Jeanne de Castille, se rendant en Espagne, séjournèrent
au château de Blois en 1501, on étala les tapisseries du garde meuble. « Ces tapisseries
estoient aussi fraîches que neuves, celles qu'estoient tendues, tant
aux logements du roy et de la royne que desdits archiduc et
archiduchesse, estoient toutes pleines d'or ; et celles de draps d'or
et de draps de soye en avoient d'autres dessous à personnages et
histoires presque aussi riches que celles qui estaient dessus ; il n'y
avoit chambre ni garderobe qui' n'en fût pleine. »
Anne de Bretagne mourut dans ce château, et son corps fut transporté dans la salle d'honneur ornée d'une tapisserie « ouvrée de soye et fil d'or et hystoriée de la vengeance de Notre-Seigneur, que fit Titus Vespasianus. »
Nous trouvons dans les archives de la ville de Pau plusieurs inventaires des tapisseries ayant appartenu aux rois de Navarre, au sujet desquelles M. Charles Bahlenbeck a publié une brochure à Gand.
L'inventaire d'Anne d'Armagnac, dame d'Albret, dressé le mardi 27 décembre 1472, mentionne douze tapisseries, parmi lesquelle s:
Des tentures aux armes des maisons d'Armagnac el d'Albret.
Un grand pane (pour panneau) de tapisserie surnommé l'Amoureux de Plaisance, à personnages d'or et de soie, et d'autres tapisseries à personnages et feuillages.
Ces tentures provenaient du château de Nérac.
Le
petit fils d'Anne d'Armagnac, Alain d'Albret, possédant du chef de sa
femme les pairies d'Avesnes et de Landrecies, avait pu faire un choix
des plus : belles pièces rehaussées d'or et d'argent, au nombre
desquelles on admirait :
L'Annonciation, le Couronnement et le
Trépassement de Notre-Dame, les sept Péchés mortels, Guyon de Tournay,
les douze Pairs, le roi Arthus, l'hystoire du Loup, tirée probablement
du roinan du Renard, qui raconte les aventures du Renard et du Loup
Ysengrin, « ces deux barons, qui, comme le dit l'auteur, Pierre
Saint-Cloud, ne s'aimèrent jamais. »
L'histoire d'un homme sauvage
qui dit à la Licorne « Je n'y boirai » l'histoire de l'Ancien
Testament, des bergeries, des voleries et enfin, la fameuse chambre des
Petits Enfants.
Henri II, roi de Navarre, hérita des tapisseries que, César Borgia avait laissées à sa veuve, Charlotte d'Albret, entr’autres :
L'histoire
de Babylone, l'histoire de la Façon de la vigne, trouvée par Noé, les
faits et gestes d'Alexandre le Grand, l'histoire du grand Moïse, une
autre pièce où l'on voyait paraître Mané, Thécel, Phales (le festin de
Balthazar).
En parcourant ces documents, il serait facile de se
faire illusion et de croire qu'on a sous les yeux l'énumération des
richesses de Charles le Téméraire.
A la célèbre entrevue du camp
du Drap d'Or, où Henri VIII et François 1er rivalisèrent de
magnificence ; le roi de France, d'après Martin du Bellay, étala «
quatre pièces de tapisseries principales, qui sont
les victoires de Bcipion l'Africain, faites en haute lisse, tout de fil
d'or et de soye. Ces personnages, les mieux faits et au naturel qu'on
pourrait faire, et n'est possible à peintredu monde de faire, mieux sur
tableaux, de bois, et dit que l'aulne en cousta cinquante escus. »
Brantôme parle aussi des tapisseries
dit-il, 22,000 écus et en valaient plus de 50,000. « C'était,
ajoute-t-il un chef-d'œuvre des Flandres présenté au roy plustot par le
maistre qu'à l'empereur, ayant ouy parler de la libéralité; curiosité
et magnificence de ce grand roy, et qu'il en tirerait bien davantage de
lui que de l'empereur son souverain. » Les cartons de ces tapisseries
de Scipion étaient de Jules Romain. Henri II compléta la collection en
commandant aux ouvriers de Flandre le Triomphe de Scipion. Félihien
prétend même que Henri II y était représenté sous les traits de
Scipion.
Nous lisons, dans Paul Jove, que François Ier donna au pape Clément VII une large tapisserie
de Flandre, rehaussée d'or et de soie, sur laquelle on voyait
représentée « la dernière cène de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec ses
disciples, » en échange d'une corne de Licorne, de deux coudées de
long, enclose et enchâssée dans une base d'or « pour déchasser le
poison des viandes. » C'est à cette propriété de déchasser le poison
des viandes, qu'on attribuait à la corne de la Licorne, que fait
allusion la devise « Je n'y boirai » écrite dans la tapisserie d'Alain d'Albret.
En 1538, la cour de France fit acheter à Melchior Baillif, marchand de Bruxelles, cinq pièces de tapisserie à or et soie (les cinq Ages du monde), que le roi acquit lui-même pour la somme de 1775 livres. Elles mesuraient 88 aunes 3/4.
Ce
fut très probablement pour affranchir la France du tribut qu'elle
payait à l'étranger, que François Ier fonda la première manufacture
royale de tapisseries. L'édit de Tonnerre, publié en
1542 « concernant les droits, l'imposition foraine, etc., touchant les
marchandises et appréciation d'icelles, pour sçavoir ce que l'on doit
payer pour raison d'icelle, » mentionne les tapisseries fines de Marche (en basse lisse) et celle de haute lisse, sans or, et nous dit que concernant la tapisserie
de Marche, « en haute lisse estoffée d'or et de soye, elle ne sera cy
ni estimée ni prisé, pour-ceque c'est ouvrage de prince et t'en tire
peu ou point hors du royaume. »
Le roi réunit à Fontainebleau
quelques ouvriers tapissiers venus de Flandre, et les plaça, par
lettres patentes du 22 janvier 1535, sous la direction de Philibert
Babou, auquel fut plus tard adjoint Nicolas de Neufville, sieur de
Velleroi, et, en 1541, Sébastien Sorlio, son peintre et architecteur
ordinaire.
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco en 2009
Tapisserie d'Aubusson
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