Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON ŒUVRE ORIGINALE
IX

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Toutes les pièces de tapisseries devaient, au plus tard vingt-quatre heures après qu'elles étaient descendues du métier, être soumises à la visite des jurés, qui scellaient d'un plomb, portant d'un côté les armes du roi, avec la légende : Manufacture royale d'Aubusson, et de l'autre les armes de la ville, les tapisseries reconnues bien fabriquées et composées de bonnes matières, et qui confisquaient celles déclarées par eux défectueuses, Chaque pièce trouvée en contravention rendait le fabricant passible d'une amende de 50 livres (art. 14 et 15).
Les tapisseries marquées de ce plomb, dont l'apposition coûtait un sou par pièce aux fabricants ; pouvaient être vendues dans toute l'étendue du royaume, et même à l'étranger, sans être assujetties à de nouvelles visites ou marques (art. 18)
Les marchands et maîtres fabricants de la ville d'Aubusson étaient tenus de s'assembler tous les ans, le lendemain de la fête de Sainte-Barbe (patronne des tapissiers d'Aubusson), devant le juge de police de ladite ville, pour choisir et nommer à la pluralité des voix deux jurés-visiteurs, l'un parmi les marchands de tapisseries, et l'autre parmi les maîtres fabricants, pour remplacer les deux anciens jurés-visiteurs qui sortaient d'exercice ledit jour, lesquels jurés nouvellement élus servaient, pendant deux années, la première avec les deux jurés visiteurs de la précédente élection, en qualité de nouveaux, et la seconde en qualité d'anciens jurés, et prêtaient serment devant ledit juge de bien et dûment exercer leur commission (art. 20).
Leurs fonctions consistaient, comme nous l'avons vu, à visiter les tapisseries, à les plomber, à tenir un registre sur lequel étaient inscrites les pièces de tapisseries qui leur étaient soumises, avec les noms des fabricants ou marchands qui les avaient fait fabriquer, et les noms des ouvriers et compagnons qui les avaient fabriquées.
Il leur était ordonné (art. 21) de « visiter quand bon leur semblait, au moins une fois la semaine, tous les ateliers de fabrication, afin d'examiner si les fabricants n'employaient pas, tant dans la chaîne que dans la trame, des soies et des laines défectueuses, ou de laines de moutons ou de brebis morts de maladie, ou une sorte de filasse de lin, nommée fil de coton d'Epinay, ou de fil de lin et de chanvre, ensemble chez les blanchisseurs de laines, pour connaître s'ils dégraissaient avec du savon et de la gravelée, et chez les teinturiers pour examiner s'ils se servaient dans les teintures des ingrédiens prescrits par les règlements généraux. »
Toutes les matières défectueuses étaient saisies ; puis, suivant la nature de la contravention, le juge condamnait les délinquants soit à la confiscation de leurs marchandises saisies, soit à l'amende, dont il avait l'appréciation.
Les jurés visiteurs étaient, durant le temps de leur exercice, exemptés du logement des gens de guerre, de la collecte des tailles, de la tutelle, curatelle et autres charges publiques. En outre, lorsqu'au moment de leur entrée en exercice, ils se trouvaient imposés à plus de douze livres de taille, leur cote était diminuée de douze livres pendant chacune des deux années de leur exercice. Ceux qui se trouvaient imposés à la somme de douze livres et au-dessous ne payaient plus que vingt sols (art. 22).
De plus, le tiers des amendes et des confiscations prononcées pour infractions aux règlements leur appartenait (art. 27).
Il était défendu aux maîtres et aux compagnons et ouvriers de quitter les marchands ou les fabricants chez lesquels ils étaient occupés pour aller travailler ailleurs sans leur congé par écrit, à peine de dix livres d'amende.
Dans le cas où lesdits maîtres et lesdits compagnons et ouvriers devaient quelques sommes aux marchands et aux maîtres fabricants qu'ils quittaient, elles devaient être remboursées par celui chez lequel ils entraient pour travailler (art. 23).
Lorsque le marchand ou le maître fabricant ne pouvait ou ne voulait donner à,travailler à son ouvrier, il était tenu de lui donner un congé par écrit pour aller travailler ailleurs, et si son ouvrier lui devait quelque somme pour avance à lui faite, elle devait lui être remboursée à raison de trois livres, et de trois mois en trois mois, jusqu'à l'entier payement (art. 24),
Tout ouvrier qui ne rendait pas un compte fidèle des matières premières qui lui avaient été confiées pour exécuter un travail ; était condamné pour la première fois à payer la valeur de ce qu'il en manquait, et en cinquante livrés d'amende, et, en cas de récidive, outre les peines ci- dessus, il était déchu de sa maîtrise ou censé incapable d'y parvenir (art. 25).
Il était défendu à tous peintres, marchands, maîtres fabricants et ouvriers de tapisseries de copier ou faire copier les dessins qui avaient été faits ou achetés aux dépens des marchands et maîtres fabricants, à peine de cinq cents livres d'amende contre chaque contravention (art. 26).
Conformément aux lettres patentes du mois de juillet 1665, un peintre entretenu aux frais du roi, devait être envoyé incessamment à Aubusson pour faire les dessins de tapisseries qui y seraient fabriquées, former des élèves et avoir inspection sur les ouvriers de ladite manufacture, pour la beauté et régularité des nuances desdites tapisseries (art. 28).
Le roi envoyait également à ses frais à la manufacture d'Aubusson un teinturier habile pour instruire les teinturiers de cette ville dans l'art de faire le grand et bon teint, et teindre concurremment avec eux toutes les laines qui devaient être employées.
Le contrôleur général des Finances était chargé du choix du peintre et du teinturier, lesquels étaient exempts de toutes impositions, logement des gens de guerre et autres charges. publiques en ladite ville (art. 29).
Enfin, l'article 30, conformément aux lettres patentes de juillet 1665, ordonnait « que les procès et différends qui pourraient naître entre les marchands, maîtres fabricants, compagnons et ouvriers de la manufacture d'Aubusson, lesdits procès et différends mus et à mouvoir pour raison de ladite manufacture, circonstances et dépendances seraient traités sommairement par devant le juge de ladite ville, et par lui jugés en la forme et manière que le sont les causes de la compétence des juridictions consulaires, sans que lesdits procès ou différends pussent être distraits ni évoqués ailleurs, sous prétexte de Committimus ou autres priviléges de quelque nature qu'ils pussent être. »
Cet article ordonnait en outre « que lesdits Procès et différends seraient terminés et jugés en dernier ressort et sans appel par ledit juge d'Aubusson, pourvu que la condamnation n'excédât pas la somme de deux cent cinquante livres et par provision, sauf l'appel au Parlement, si la condamnation excédait ladite somme. »
Divers jugements, rendus dès 1724, dans les audiences de police du lieutenant général des Manufactures royales, nous donnent la preuve que ce règlement n'était que la confirmation de règlements plus anciens et qui recevaient depuis longtemps leur application. .
C'est ainsi que le 3 mars 1724, deux tapissiers, d'après le procès-verbal des jurés en charge, sont condamnés pourait filgros à vingt sous d'amende chacun. Un autre est condamné pour récidive à dix livres.
Dans une autre audience, sur les rapport et procès verbal, des jurés des Manufactures royales des tapisseries d'Aubusson, à propos de contraventions pour défectuosités dans le dégraissage et la teinture des laines, quatre marchands et ouvriers tapissiers, en contravention, sont frappés d'amende, et les laines confisquées au profit de l'hôpital, suivant les règlements de la Manufacture.
Le règlement du 17 décembre 1730, autorisé par les lettres patentes du 28 mai 1732, fut bientôt suivi d'un arrêt du Conseil d'État en date du 14 avril 1733, par lequel le roi nommait le sieur Laboreix de la Pigne, juge ordinaire et de police en la ville d'Aubusson, en qualité d'inspecteur des manufactures et fabriques de ladite ville, afin d'assurer d'une manière plus efficace l'exécution du règlement précité.
Nous avons vu avec quelle vigueur les fabricants d'Aubusson et de Felletin combinèrent leurs efforts pour résister en commun aux prétentions des tapissiers de Paris, Malheureusement, la rivalité qui séparait les deux villes, une fois le danger écarté, se faisait jour de nouveau. Après avoir raconté les grandes luttes industrielles de Gand et de Bruges,
nous épargnerons au lecteur le récit des petites querelles des marchands tapissiers d'Aubusson et de Felletin.

Il nous suffira de dire que, dès 1717, les fabricants d'Aubusson, voulant établir leur suprématie sur ceux de Felletin, demandèrent : « que toutes les tapisseries de Felletin qui seraient achetées par les marchands d'Aubusson ne pussent être transportées dans aucune ville qu'au préalable elles n'aient été visitées par les jurés de la manufacture d'Aubusson, qui, si elles se trouvaient bien fabriquées, les marqueraient d'un plomb sur chaque pièce, portant au revers cette inscription : « Tapisserie de Felletin, visitée par jurés de la manufacture d'Aubusson », afin, disaient-ils, de distinguer les bons ouvrages d'avec les défectueux. »
Cette prétention fut repoussée par le régent. Mais, comme les fabricants de Fellelin, malgré l'ordonnance de 1732 et pour donner plus de valeur à leurs produits, ne se faisaient pas faute d'encadrer leurs tapisseries de la bande bleue traditionnelle d'Aubusson, sur laquelle ils inscrivaient le nom de cette ville, une ordonnance du 20 novembre 1742 les assujettit à entourer leurs tentures « d'une bande de couleur brun foncé, d'un seizième d'aulne de largeur. » Cette ordonnance qui portait un préjudice sérieux aux tapisseries de Felletin ne fut rapportée qu'en 1770.
Le plus grand service que Fagon rendit aux manufactures d'Aubussontte ville un peintre d'un talent réel, Joseph Dumont, dit « le Romain, »auquel, s'il est permis de lui reprocher une certaine dureté comme coloriste, il faut accorder une grande habileté comme dessinateur. C'est à lui qu'Aubusson doit sa première école de dessin ; grâce à ses leçons, toute une classe de peintres instruits dans leur art se forma dans cette ville, et leurs modèles contribuèrent plus tard à élever considérablement le niveau artistique de la fabrication.
Mais ce ne fut qu'au prix de luttes incessantes avec les ouvriers et les fabricants que Dumont parvint à obtenir de ces derniers qu'ils se conformassent à ses modèles. Les peintres des fabriques, au lieu de copier fidèlement les originaux de Dumont, se permettaient d'altérer l'ordonnance de ses compositions, d'en déplacer les figures et même d'en supprimer certaines parties, sous le prétexte que les ouvriers exigeaient d'eux de pareilles mutilations.
L'intendant de Moulins, François de la Porte, fut informé de ces faits. En conséquence, il donna l'ordre à M. de la Pigue, son subdélégué à Aubusson, de tenir la main à ce que désormais les modèles de Dumont fussent exactement reproduits, que toutes les copies fussent confrontées avec l'original avant d'être délivrées aux ouvriers ; et il enjoignit aux jurés d'avoir à rejeter toutes les tapisseries qui ne seraient pas exécutées conformément à ces prescriptions et de frapper les récidivistesde trente livres d'amende (20 novembre 1741).
M. de la Pigne (Gabriel Laboreys), conseiller du roi, Président châtelain, juge royal, criminel, civil, commissaire examinateur en la ville et châtellenie d'Aubusson, réunissait à ces charges celles d'inspecteur de la manufacture d'Aubusson depuis 1733, et de Felletin depuis 1735.
L'importance toujours croissante de la fabrication d'Aubusson et de celle de Felletin, la création de l'industrie des tapis de pied dits veloutés nécessitèrent bientôt la nomination d'un second inspecteur ; et, par commission spéciale, en I745, M. Michel Laboreys, de Chateaufavier, fils de M. de la Pigne, fut investi des fonctions d'inspecteur des manufactures d'Aubusson et de Felletin, avec un traitement annuel de 1200 livres payable au trésor royal, et qui fut élevé à 2,000 livres à dater du 1er février 1753. Jusqu'en 1759, ces fonctions d'inspecteur restèrent dans la famille Laboreys, dont tous les membres se distinguèrent autant par leurs talents que par leurs bienfaits.
Afin de remédier aux inconvénients que, nou avons signalés plus haut, et pour soustraire les manufactures à l'influence des mauvaises copies, deux écoles gratuites de dessin, comprenant douze élèves chacune, furent créées à Aubusson, sur la proposition de M. de la Porte, qui en confia la direction à deux des meilleurs élèves de Dumont : Finet et Roby.

Chaque année, des prix étaient distribués à ceux des élèves qui, au jugement de M. l'Intendant de la province, s'en étaient montrés dignes par la supériorité de leurs travaux. « Le désir d’atteindre à cette distinction développe dans ces jeunes sujets et féconde le germe des talents, » dit un rapport de M. de Chateaufavier.
Dumont, qui, de 1731 à 1755, remplit les fonctions de peintre en titre des fabriques d’Aubusson, recevait sur les fonds des fermiers-généraux 1800 livres par an. Il devait faire un voyage à Aubusson tous les deux ans, ce qui lui valait une indemnité de 800 livres. Il s’engageait à livrer, chaque année, à la Manufacture royale, six tableaux et trois dessins pour les tapis de pieds, le tout pour la somme de 300 livres.
En 1754, la subvention que le roi accordait aux fabriques d’Aubusson s’élevait à 6,400 livres, qui se répartissaient entre l’inspecteur, les peintres, teinturier et assortisseur, et servaient en outre à diverses gratifications.
Un teinturier des Gobelins, nommé Fimazeau, arriva à Aubusson en même temps que le peintre Dumont. Fimazeau perfectionna les anciens procédés de teinture et indiqua de nouveaux. A son départ, en 1733, Pierre de Montezert, d’une ancienne famille de teinturiers de la ville, fut nommé teinturier pour le Roy à Aubusson, avec une gratification de 100 livres par an.
Quant au peintre Dumont, dès 1751 il avait été remplacé comme peintre des manufactures royales d’Aubusson et de Felletin par Jacques Juliard, dont le traitement était de 3,400 livres. En outre, à la même époque, Roby, l’un des meilleurs élèves de Dumont, avait été chargé par l’intendant de Moulins de la fourniture des dessins pour tapis de pied. Son fils, François Roby (de Faureix) lui succéda ; il avait étudié à Paris et fut, sans contredit, l'un des peintres les plus distingués qu'ait possédés la manufacture royale. A partir de 1770, il accompagnait les jurés-gardes dans leurs opérations, pour la visite et la marque des tapisseries. Chaque année, conjointement avec le peintre La Seiglière de la Cour, il devait fournir aux fabriques de Felletin deux dessins de verdure, au prix de 110 livres chacun, payés par le roi.
La plupart des dessins que Roby, La Seiglière de La Cour et Finet (fils d'un professeur de l'école de dessin de Dumont) exécutaient pour les manufactures d'Aubusson et de Felletin étaient peints sur papier et en grisaille, au moyen de couleurs à cinq tons (composées ordinairement avec de la suie délayée dans l'eau), et de quelques rehauts de blanc et de bistre.
Les, meilleurs élèves sortis des écoles de dessin d'Aubusson étaient admis à suivre les cours de l'Académie royale de peinture à Paris ; ils y étaient entretenus aux frais de l'État, et ils rapportaient plus tard dans leur ville natale les copies des tableaux les plus remarquables de l'époque et des tapisseries exécutées aux Gobelins et à Beauvais.
Avec le concours de ces peintres distingués et de ces teinturiers habiles, la manufacture d'Aubusson atteignit un degré de prospérité qu'elle ne connaissait plus depuis Colbert. L'emploi, de plus en plus répandu, de la tapisserie pour recouvrir les meubles apporta un nouvel élément de succès au développement de sa fabrication. La gravure avait popularisé les œuvres de tous les maîtres et les archives industrielles sont riches en spécimens de tous les peintres de cette époque. C'est ainsi que nous y trouvons, pour les tentures, des chasses de Wouwermans, de Van Falens, de Bénard ; les comédies de Molière d'après Boucher ; - des scènes de Télémaque d'après Cazes, Coypel (N.), Sanville, Humblot, Monnet ; -les aventures de Don Quichotte par Coypel (Ch.) ; les œuvres de Sébastien Le Clerc, de Cochin, de Watteau ; les âges de Lancret, etc ...
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