Tapisserie-royale

TAPIS DE SAVONNERIE D'AUBUSSON
III

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Ayant vu ses tentatives de paix se briser devant l'inflexibilité du comte, qui ne voulut entendre parler de capitulation autre « que tous les Gantois ne vinssent, la corde au cou, se mettre à sa discrétion, » Philippe, assiégé dans sa ville, près de succomber par la famine, prit cinq mille hommes de choix, et suivi de quelques charretées de vivres, il marcha droit à Bruges où était le comte.
Les Gantois rencontrèrent à une lieue de Bruges l'armée ennemie, forte de 45,000 hommes environ, et en majeure partie composée des milices de la ville ; ils se jetèrent piques baissées sur leurs adversaires, les renversèrent du premier choc et les poursuivirent jusque dans les rues de Bruges, où ils pénétrèrent en même temps que les fuyards.
La ville fut sacagée ; d'après Froissard et Meyer, la fureur des vainqueurs s'abattit principalement sur les gens des métiers; des corporations entières furent passées au fil de l'épée (3 mars 1382), et le comte, caché sous le lit d'une pauvre femme, ne put se sauver que le lendemain à la faveur d'un déguisement.
Artewelde, auquel toutes les villes se soumirent, prit le titre de Régent de Flandre, se donna pour armes « trois chaperons d'argent sur champ de sable, pour ce que ce chapeau estoit autrefois le symbole de la liberté », et rivalisa de faste avec les plus grands seigneurs féodaux. ,
La bataille de Bruges eut un profond retentissement en France ; les princes, sachant que les bourgeois de Paris étaient en relations suivies avec les Gantois, décidèrent facilement le jeune roi à déployer l'oriflamme et à marcher contre les révoltés. « Car, si on laissoit telle ribaudaille, disoit le duc Philippe le Hardi, comme ils sont en Flandre, gouverner un pays, toute chevalerie et gentillesse en pourrait estre honnie et destruite, et par consequent toute chrestienté, »(Froissard.)
L'armée royale, composée de 10,000 lances, sans compter des nuées d'arbalétriers, routiers et varlets, opéra à Hesdin sa jonction avec l'armée du comte, forte de 16,000 hommes, et entra dans l'Artois au commencement d'octobre 1382.
Les tisserands de Bruges, qui voulurent défendre le pont de Commines, furent taillés en pièces ; Ypres se rendit sans combat, et tout ce pays de la West-Flandre, où il y avait tant à prendre, devint la proie des pillards. Les soldats bretons se signalèrent par leur rapacité, et les marchands de Lille, d'Arras, de Douai, de Tournay achetèrent à vil prix les dépouilles des villes qui regorgeaient de draps et de pennes d'or et d'argent.
Artewelde, craignant de se voir enlever Bruges, passa la Lys à Courtrai, et vint avec 40,000 hommes environ, camper à Rossebeck, en face de l'armée du roi et des princes. ..
Le 27 novembre 1382, eut lieu cette effroyable bataille de Rossebeke, où la chevalerie prit une épouvantable revanche de Courtrai : on ne fit pas de prisonniers ; 25,000 hommes jonchèrent de leurs cadavres le champ de bataille. Artewelde gisait auprès de ses compagnons de Gand ; tous étaient morts : pas un n'avait fui! « Faites. miséricorde au roi, avait dit Artewelde à ses compagnons, la veille de la bataille ; c'est un enfant qui ne sait ce qu'il fait: il va où on le mène. Nous le mènerons à Gand apprendre à parler et à être flamand. Mals des ducs, comtes et autres gens d'armes, occiez tout ; les communautés de France ne vous en sauront nul mal gré, car elles voudroient, et de ce je suis tout assuré, que nul d'entre eux ne se retournât en France. »
Artewelde disait vrai, les communautés de France étaient d'accord avec les Flamands ; aussi ce roi, cet enfant qu'on avait recommandé d'épargner, laissa réduire Courtrai en cendres pour venger la mort de Robert d'Artois ; les princes, qui se souvenaient des Maillotins, et connaissaient les promesses échangées entre les révoltés de Flandre et les mécontents de Paris, entrèrent dans cette ville par la brèche et firent décapiter douze bourgeois.
Louis de Nevers (dit de Male) mourut en 1384, et Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, son gendre, hérita des comtés de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, de Rethel et de Nevers.
TAPIS HAUTE LISSE
Le nouveau suzerain de Flandre, qui était un politique habile, ne se montra pas difficile avec ses sujets sur les conditions de paix, et jura toutes les chartes qu'ils lui donnèrent à jurer. Il s'allia, par un double mariage de ses enfants, avec la maison de Bavière, qui possédait le Hainaut, la Hollande et la Zélande, préparant ainsi la grandeur de sa' maison, dont les princes allaient être bientôt les souverains les plus riches et les plus puissants de l'Europe.
« Quelle époque pour la Belgique que celle qui s'ouvre avec le mariage de Philippe le Hardi et de l'héritière de la Flandre, et qui s'arrête devant le berceau de Charles-Quint ! Quelle époque que celle qui fut illustrée par les écrits de Chastelain et de Commines, par la construction de nos hôtels de ville et de tant d'édifices grandioses, par la li découverte de la peinture à l'huile et de la taille du diamant, par tant de statuts municipaux, que les juri consultes admirent encore ! Nos contrées furent alors le théâtre de luttes terribles ; mais pendant qu'au dehors les guerres sont entretenues par des querelles dynastiques, chez nous elles sont surtout le résultat de l'antagonisme de grands principes. C'est tantôt l'esprit de centralisation aux prises avec les libertés communales, tantôt les conseillers de la couronne et les états généraux se disputant la direction des affaires politiques. Quelles journées ! et ajoutons, quels lendemain ! Après Othée, Gasvre et Brusthen, le sac de Liége et de Dinant, la ruine industrielle et commerciale de Gand et de Bruges1 ! »
Malgré ces dissensions intérieures, le règne des princes de la maison de Valois fut pour la Flandre l'époque de sa grande prospérité industrielle. L'influence que l'art flamand exerça sur l'Europe fut
prépondérante, et partout on vit se multiplier les chefs-d'œuvre de l'art et de l'industrie : tableaux
verrières, orfévrerie, tapisseries, etc.
Les historiographes de la maison de Bourgogne, étrangers pour la plupart, ne fréquentant que les palais et les châteaux, ne se rendirent pas plus compte que leur souverain des entraînements du peuple au milieu duquel ils vivaient ; ils méconnurent le caractère national, et rie comprirent pas que sous cet étalage de magnificences et ce brillant déploiement de forces militaires se cachaient des germes rapides de décomposition, développés par une centralisation excessive et par l'entretien d'une armée trop nombreuse, qu'on ne pouvait maintenir qu'en forçant les impôts et en ayant recours aux mesures fiscales les plus vexatoires.
De 1355 à 1482, une sourde fermentation ne cessa de régner dans le pays, elle se traduisit par des révoltes répétées, suivies de sanglantes répressions.
Après sa victoire de Hasbain sur les Liégeois (1408), le duc Jean fit jeter dans la Meuse 800 prisonniers ; on l'appela dès lors Jean sans Peur ; l'histoire aurait dû lui donner le même nom qu'à son cousin, Jean de Bavière, évêque de Liége, qu'elle a flétri du surnom de Jean sans Pitié, en raison de la cruauté dont il fit preuve envers les vaincus.
Grâce aux travaux de M. A. Wauters sur les premiers peintres flamands de MM. Michelant et de Laborde sur les ducs de Bourgogne, nous possédons des 0 données assez exactes sur la fabrication des tapisseries pendant cette importante période de transition, où les maître tapissiers, suivant pas à pas les peintres flamands dans l'ère de splendeur qui s'ouvrait devant eux, purent abandonner leurs modèles habituels (qui n'étaient souvent que la reproduction en grand des enluminures des manuscrits) pour copier les belles créations de Roger Wan der Weyden, de Van der Goes, de Thierry Bouts, et jusqu'aux plus sublimes pages de Raphaël. .
Les tapisseries, qu'on appelait aussi draps imagiés, résumèrent pour ainsi dire, jusqu'au XVIIe
siècle, toute la décoration des appartements. Le nom qu'elles portent dans le nord de l'Europe, Ruckelacken, ou Rekkelaken, tentures mobiles, indique assez leur usage. Les tapissiers décorateurs tendaient à de longues traverses de bois, attachées autour des salles ou des chambres, les tapisseries ou couvertures, qu'ils assortissaient avec les meubles ; quelquefois ils faisaient succéder avec rapidité une décoration de tapisserie à une autre. On avait dîné au milieu des danses de bergers ; le soir, au souper, on se trouvait au milieu de batailles, de forêts remplies de bêtes fauves et de voleurs (Alex. Monteil, tom. 1er, epist. LXXXI).
« Il faut en convenir » - dit M. Charles Blanc dans son Étude sur l'art décoratif, travail rempli d'appréciations si justes et si élevées, - « ils vivaient dans un monde plus poétique et plusattrayant que le nôtre, nos ancêtres du moyen âge. Poètes, ils l'étaient dans leur architecture,
toute pleine de sentiments religieux et chevaleresques ; ils l'étaient dans la peinture de leurs
vitraux qui interceptaient la lumière pour faire resplendir un paradis de couleurs. Ils l'étaient aussi dans leurs tapisseries dont ils se faisaient des murailles, et qu'ils savaient convertir en clôtures, lorsqu'ils divisaient en petites alcôves une grande chambre. Ces tapisseries les enveloppaient de mystère. Intrigues d'amour, secrets d'État, conspirations, surprises, issues dérobées, tout cela dans un temps de chevalerie, de guerres, de ruses, était tour à tour caché et découvert par ces
1. Alph, Wauters, Hugues Van der Goes. Bruxelles, 1872

lourdes tentures qui couvraient les parois et dont les franges traînaient sur le plancher. Quand la châtelaine, dans quelque circonstance solennelle, écartait les pans de la tapisserie, qui, le plus souvent, tenait lieu de porte, son entrée, sans bruit, dans la grande salle du château, devait produire l'effet d'une apparition. Au moyen âge, comme au temps de l'antiquité historique, les tapisserie sont des murailles qui ont des oreilles et qui couvrent quelquefois des tragédies. Alexandre, faisan donner la torture à Philotas, impliqué dans la conspiration de Dymnus, écoute derrière une tapisserie les réponses de l'accusé. Agrippine, cachée par une tenture, assiste secrètement aux délibérations du Sénat. Dans Shakespeare, Polonius épiant l'entretien d'Hamlet avec sa mère reçoit une mort obscure et tragique à travers la tapisserie. »
Les grands ducs de Bourgogne avaient de magnifiques occasions d'étaler leurs splendides tapisseries, rehaussées d'or et d'argent, lors de leurs joyeuses entrées dans leurs bonnes villes, lorsque les façades des palais disparaissaient sous de riches tentures, comme à Bruges en 1430, où les bourgeois et les marchands des dix-sept nations, qui avaient leurs comptoirs, tivalisèrent, de luxe avec les seigneurs pour fêler leur duc qui.épousaitune, infante de Portugal.
C'étaient les tentures de Jason et de Gédéon, dont nous voyons l'énumération dans les inventaires de la maison de Bourgogne, qui tapissaient la salle dans laquelle se tenait le chapitre de la Toison d'or. D'autres, aussi célèbres, servaient de décors dans ce fabuleux gala, donné à Lille, en 1454, et dont Ollivier de la Marche nous a laissé la description.
Ces fêtes somptueuses, qui étaient de tradition chez les ducs de Bourgogne, coûtaient autant qu'une guerre. Lorsque Philippe le Hardi maria son second fils, il donna à tous les seigneurs des Pays-Bas qui assistaient à la cérémonie des robes de velours vert et de satin blanc, et distribua pour dix mille écus de pierreries ; aussi, malgré ses gros revenus, malgré les sommes énormes qu'il avait pillées dans le trésor de France, ce prince mourut insolvable, et sa femme, la duchesse Marguerite, pour ne pas payer les dettes, ne recula pas devant un acte que n'osait pas accomplir là plus petite bourgeoise de Flandre : elle renonça à la succession mobilière de son mari, mit sur le cercueil sa ceinture, sa bourse et ses clefs, puis en requit un acte à un notaire public, qui était là présent. .
Philippe laissait pourtant une valeur énorme et inestimable en tapisseries, joyaux, meubles et objets d'art de toutes sortes ; en relisant les comptes de dépenses de sa maison, on voit que les tapisseries figuraient pour une somme considérable et le soin minutieux avec lequel chacune des pièces est décrite indique le prix attaché à ce genre de travail, qu'on estimait à l'égal des plus riches joyaux.
La renommée de ces belles tentures était européenne.
Après la bataille de Nicopolis, lorsqu'on demanda à Jacques de Helly, tenu en France pour traiter de la rançon du comte de Nevers et des autres chevaliers qui n'avaient pas été massacrés par Bajazet, quels joyaux précieux on pouvait offrir au vainqueur pour adoucir le sort des captifs, Jacques de Helly répondit que « l'Amorath prendrait grand plaisance à voir draps de hautes lices, ouvrés à Arras en Picardie, mais qu'ils fussent de bonnes histoires anciennes ... avecques tout, il pensoit que fines blanches toiles de Rheims seroient de l'Arnorath recueillies à grand gré, et fines escarlates, car de draps d'or et de soie, en Turquie ; le roi et les seigneurs en avoient assez largement et prenoient en nouvelles choses leures battement et plaisance. » (Proissard.)
Nous savons que parmi ces bonnes histoires anciennes envoyées à Bajazet figurait l'histoire d'Alexandre. La majeure partie des tapisseries était alors fabriquée à Arras du moins c'était la ville la plus renommée pour ce commerce ; celles qui étaient confectionnées ailleurs portaient cette désignation façon d’Arras : en Italie, le mot Arrazi était le terme générique comprenant toutes tapisseries de haute ou de basse lisse originaires de Flandre ; c'est le nom que portent encore les tentures fabriquées à Bruxelles, en 1516, sur les cartons de Raphaël.
Philippe le Hardi avait pris sous sa protection l'industrie d'Arras et rendit une ordonnance pour la réglementer ; les tapisseries de haute lisse n'y sont pas spécialement désignées, mais elles doivent être comprises dans les objets appelés Panni.
On connaît par les comptes de dépenses du duc Philippe le nom de ses fabricants de tapisserie d'Arras et autres villes ; ce sont :
Huwart Vallois, d'Arras (1385) ; Jehan Gosset, bourgeois d'Arras (1385) ; Michel Bernart, bourgeois d'Arras (1385) ; Jehan Hennin (1403) ; Jehan de Nuesport (l393),
Plus tard, on trouve sous les regnes suivants:
Jehan Renoult, d'Arras (1413) ; Jehan Vallois, d'Arras (1413) ; Guy de Termois (1419) ; Jehan de Florenne, rentrayeur à Valenciennes (1418) ; Guillaume Conchyz, de Bruges (1441) ; Jehan Arnoulphin (1422) ; Jehan Codyc, Robert Davy, Jehan de l’orthie (1448) ; Jehan de Rave (J466) ; Camus de Gardin (1495) ; Anthoine Grenier.
Outre la cour de Bourgogne, Arras avait le monopole, pour ainsi dire, de toutes les commandes princières. Il est fait mention, dans l'inventaire de Charles V, d'un drap de l'œuvre d'Arras : Histoire des faits et batailles de Judas Machabée et d'Antiochus.
Nous avons la preuve que beaucoup de tapisseries, vendues à cette époque par les marchands de Paris, provenaient des fabriques d'Arras. Le 24 novembre 1395, Louis d'Orléans fait payer à Dordin Jacquet, marchand et bourgeois de Paris, 1800 L. pour trois tappis de haute lice, en fil fin d'Arras, ouvrés à or de Chypre contenant deux histoires ; celle du Credo, avec les douze Prophètes et les douze Apôtres, l'autre représentant le couronnement de Notre-Dame.
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco en 2009
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