Tapisserie-royale

HISTOIRE DES GOBELINS
VIII

« La laine en chaisne vaut un écula livre. On fait venir de Lyon les soies que les marchands vendent à la botte, qui n'a que 15 onces et que l'on vend aux tapissiers dans la maison, à la livre de 16 onces, réduisant, pour cet effet, le prix de la botte à la livre, ce qui revient à la même chose. La botte de grenadine très fine, couleur de nuances ordinaires; vaut 14
« La botte de Cramoisy . . . . . . . . . . . .. 18
« La botte de Ponceau . . . . . . . . . . . .. 38
« II faut observer qu'en la présente année 1688, Mgr de Louvois a projet de faire venir de Lyon de la soie toute blanche et de la teindre dans la maison comme laine. » (Extrait d'un Mémoire sur la manufacture des Gobelins par M. de la Chapelle Bessé, architecte intendant des bâtiments du Roy, etc.).
Le prix des façons de la haute lisse était à peu près le double de celui du travail en basse-lisse. La valeur des estoffes (des matières premières) dans les tapisseries en haute lisse était évaluée au quart du prix des façons, et dans celles en basse lisse à la moitié.
Les ateliers des Gobelins comptaient, à cette époque, deux cent cinquante ouvriers environ. L'entrepreneur Jans en avait, à lui seul, soixante-sept sous sa direction : La plupart étaient Belges, d'Anvers, de Bruxelles, de Bruges, etc. De 1663 à 1690, on exécuta, dans la manufacture royale, 19 tentures en haute lisse, d'une surface totale de 4100 aunes carrées, payées aux maîtres, tapissiers entrepreneurs 1 106 275 livres, et 34 tentures en basse lisse. représentant 4294 aunes carrées, payées aux entrepreneurs 623 601 livres, soit 145 liv.70 1’aune carrée.
Voici le détail des travaux exécutés en haute lisse (1) :
Les actes des Apostres, en dix pièces, rehaussées d'or, 40 aunes 1/2 de cours sur 3 aunes 2/3 de haut , d'après Raphaël, et une ancienne tenture de la Couronne, copiée, dit-on, par le frère Luc, religieux de l'ordre de saint François.
Trois tentures des Eléments, rehaussées d'or, en huit pièces, de 38 aunes 10/16 de cours sur 4 aunes 2/16 de haut. Dessins de Lebrun, peintures d'Yvart père, Dubois, Genouëls, Houasse et de Sève.
Une tenture rehaussée d'or, de l'hystoyre du Roy, en quatorze pièces, d'après Lebrun et van der Meulen.
L'entrevue des Roys, l'Audience du Légat, la prise de Dunkerque, la prise de Lille, le Mariage du Roy, la prise de Dôle, la prise de Marsal, l'Alliance des Suisses, la prise de Tournay, la défaite de Marsin, l'entrée du Royaux Gobelins, le Sacre du Roy, la prise de Douay.
Ce que Laurent et Lefebvre firent de cette tenture leur fut payé 400 livres l'aune carrée; le reste fut payé à Jans 450 livres l'aune carrée.

(1) Extraits d'un mémoire de M. Mesmyn, premier secrétaire des bâtiments

Quatre tentures de l'histoire d'Alexandre, sur les dessins de Lebrun qui, en outre, peignit les originaux de cette tenture.
Deux tentures des mois, rehaussées d'or, d'après Lebrun et van der Meulen. Plusieurs peintres travaillèrent aux tableaux, suivant leur spécialité: Yvart père fit la plupart des grandes figures; Baptiste, les fleurs et les fruits; Boulle, les animaux et les oiseaux; Anguier, l'architecture ; van der Meulen, les petites figures et une partie du paysage; Genouels et Baudouin, le reste du paysage.
La première tenture coûta au roi 70 500 livres, la deuxième, 79 981 livres.
Deux tentures de l 'hystoire de Moïse, rehaussées d'or; d'après le Poussin et Lebrun.
La première de ces tentures en dix pièces, la seconde en onze pièces ; 46 aunes 1/2 de cours sur 2 aunes 14/16 de haut.
La première a coûté 3 542 livres; La seconde, 32 924 livres.
Deux tentures, rehaussées d'or, d'après les dessins de Raphaël, sur les copies faites par les élèves de l'Académie; de 65 aunes 8/16 1/2 de cours, sur 4 aunes 1/4 de haut.
La première tenture coûta 67 062 livres; La seconde, 66 285 livres.
La Vision de Constantin, l'École d'Athènes, Héliodore battu de verges, sont de Lefebvre.
La bataille contre Maxence, saint Léon arrêtant Attila, l'Incendie del Borgo, la Messe de Bolsené, ont été fabriquées par Jans.
Une tenture, d'après les tableaux de la galerie de Saint-Cloud, de Mignard, en six pièces rehaussées d'or; 34 aunes de cours sur 4 aunes 1/16 1/2 de haut. Cet ouvrage de Jans revint à 260 livres l'aune carrée. Les modèles furent peints, savoir: l'Été et le Parnasse, par Simon Dequoy ; le Printemps, par, Baptiste; l'Automne et Latone, par Remondon; l'Hiver, par Bourguignon.
Les tentures, d'après Raphaël et Jules Romain, exécutées en 1688 et années suivantes, ont été payées 380 francs l'aune carrée à Jans, de 360 francs l'aune carrée à Lefebvre, conformément au tarif arrêté par Louvois (1).

(1) Toutes les indications relatives au prix des travaux sont tirées de l’ouvrage de M. Lacordaire. Nous avons pu à différentes reprises, vérifier exactitude des renseignements que sa position de directeur des Gobelins lui a permis de puiser aux meilleures sources.



Dans les comptes de bastiments du Roy, on trouve que van der Meulen toucha en 1665 4000 livres pour huit mois d'appointements ;
Baptiste Monnoyer, peintre de fleurs travaillant aux Gobelins, reçoit, en 1668, 200 livres pour ses appointements de l'année.
Nicasius , Bernard, peintre d'animaux, reçoit aussi 200 livres.
A Lebrun succéda P. Mignard, déjà d'un âge trop avancé pour qu'il lui fut possible d'occuper utilement cette charge. Les cinq dernières années de la vie de ce peintre furent employées à ne faire que quelques portraits et des sujets religieux, à la réserve d'Apollon et Daphné et de Pan et Syrinx, qui lui avaient été commandés par le roi d'Espagne. La partie active de la direction des Gobelins fut confiée à M. de la Chapelle-Bessé, architecte, intendant des bâtiments du Roi.
En 1692, on met en œuvre la tenture dite des Indes, dont les modèles originaux, en huit tableaux exécutés aux Indes, représentant des animaux, des fleurs, des paysages, avaient été donnés au roi par un prince d'Orange, et raccommodés de 1687 à 1692 par Fontenay Houasse, Bonnemer, Desportes et Yvart, pour faire en tapisserie. On travaille également à la tapisserie de la galerie de Saint-Cloud, d'après Mignard, et à celle des Arabesques de Raphaël, arrangée par N. Coypel, en huit pièces.
Au mois d'avril 1694, la manufacture des Gobelins fut fermée par suite de l'impossibilité dans laquelle on se trouve de pouvoir payer le personnel. Jans et Lefebvre, plus touchés par rapport à quarante « familles de pauvres ouvriers qu'ils faisaient qu’à subsister, qu'à leurs propres intérêts », proposèrent à M. de la Chapelle Bessé de réformer le tiers de leur total. Cela ne suffit pas, il fallut congédier tous les ouvriers; 21 s'engagèrent dans l'armée; 23 retournèrent en Flandre, et une autre partie à Beauvais, où Behagle, directeur de la manufacture, les employa pendant quelques années aux tapisseries qu'il faisait pour le roi et le commerce.
La fabrique de Beauvais, qui travaillait surtout en basse lisse, pouvait, grâce à ce mode de fabrication, exécuter des travaux de tapisserie à un prix bien inférieur aux ouvrages des Gobelins. Un mémoire de M. Belle, de décembre 1772, expose très clairement les motifs de cette différence de prix:
1 ° « Les métiers de haute lisse sont situés perpendiculairement, l'ouvrier ne peut travailler que de la main droite, la main gauche luy servant uniquement à la recherche, séparation et croisure de ses fils. L'ouvrier de basse lisse, par la situation et construction de son métier, posé horizontalement, a ses deux mains à luy, par le service de ses pieds qui forment, ainsi que pour le tisserand, la croisure de ses fils, qui se présentent sous sa main croisés et divisés; ce qui accélère considérablement son opération.
2° « L'ouvrier de haute lisse copie son tableau, pour ainsi dire à vue, n'ayant pour le conduire qu'une trace légère qu'il fait lui-même sur sa chaîne, qu'il est obligé de vérifier souvent au compas dans les parties de sujession, ce qui luy prend un temps considérable sans avancer son ouvrage.
3° « Les ouvriers de haute lisse perdent plus que la valeur d'un jour par semaine pour dévider leurs couleurs, et ceux de basse lisse reçoivent les leurs toutes dévidées et n'ont aucun temps à perdre avant de les employer ... Ces raisons ont été plus que suffisantes pour faire la différence des prix de tarifs de haute lisse par comparaison avec ceux de la basse lisse. »
La fabrique de Beauvais atteignit parfois la perfection de celle des Gobelins et fut toujours de beaucoup supérieure à celle d'Aubusson. Mais si les procédés de fabrication sont les mêmes dans ces deux villes, il faut dire tout de suite que les moyens de production ont toujours été bien différents. Aubusson et Felletin ont pour ainsi dire été livrées à leurs propres ressources. Situées dans un pays éloigné de la capitale, n'ayant pas, comme Beauvais, les commandes du roi et de la cour, qui permettent à cette manufacture d'entretenir constamment un personnel d'élite, elles durent, chercher, dans une production à bon marché, le débit de leur fabrication. Les priviléges que Louis XIV accorda à Aubusson, par lettres patentes de 1665, consistaient : dans la réglementation de la fabrique; le droit de faire juger les procès de commerce par le juge de la ville à la forme des juges consuls establis dedans les villes, le titre de Manufacture royale, la promesse d'une décharge des tailles, du logement des gens de guerre, et celle d'envoyer un bon peintre et un bon teinturier. Cette dernière mesure ne reçut son exécution que sous Louis XV. Ainsi, tandis que la fabrique de Beauvais, dirigée par Oudry, exécutait, sur des modèles de choix, des tapisseries destinées aux châteaux royaux et qui étaient largement payées, celles de la Marche, n'ayant pour guides que de mauvaises peintures, étaient réduites à solliciter la clientèle des bourgeois de l'Auvergne et du Limousin et des églises de province. Avant de songer à faire de l'art, il fallait vivre.
Les produits de Beauvais, depuis la réorganisation de sa manufacture, 1664, ont toujours été très remarquables, comme tissu, choix des matières et finesse du coloris. Ces qualités qui se retrouvent dans toutes les pièces sorties de cette fabrique, fleurs, paysages, natures mortes, sujets de genre et historiques, s'expliquent suffisamment par les encouragements de toutes sortes dont elle a été l'objet et le choix des directeurs que nous verrons s'y succéder jusqu'à nos jours.
L'interruption des travaux aux Gobelins fut de courte durée. Les ateliers, il est vrai, avaient été fermés officiellement; le roi ne payait plus rien, mais les entrepreneurs n'avaient pas pu se décider à renvoyer complètement leur personnel, ils avaient conservé quelques-uns de ces ouvriers de choix qu'ils faisaient travailler à leurs dépens.
Lorsque Jules Hardouin Mansard fut nommé, en 1699, surintendant des bâtiments, arts et manufactures du royaume, les Gobelins, retrouvèrent toute leur activité. La même année, nous voyons Jans et Lefebvre faire exécuter 97 aunes et demie de tapisserie de haute lisse, d'une valeur totale de 55 505 liv. 5 sous 11 deniers. De la Croix père et fils, Souette et de la Fraye font exécuter 214 aunes et demie carrées, en basse lisse, d'une valeur de 25701 liv. 11 sous 3 deniers.
Sous l'administration de Mansard, et sous celle du duc d'Antin, son successeur (1708 à 1736), à part les fruits de la guerre (tenture en 8 pièces, composé sur des tapisseries données à Mazarin par D. L. de Haro), nous retrouvons des modèles précédemment exécutés: l'histoire de Psyché, les Actes des apôtres; la tenture du Vatican, les arabesques de Raphaël, les mois, les saisons, les éléments, les enfants jardiniers, les batailles d'Alexandre et la tenture des Indes. La seule tenture fabriquée aux Gobelins sur de nouveaux modèles, pendant l'administration du duc d'Antin, fut celle des chasses de Louis XV, d'après Oudry, qu'on chargea d'en suivre l'exécution.
M. Orry, nommé en 1736, contrôleur général des Finances, rétablit l'école de dessin, à la tête de laquelle fut placé Leclerc. Sous son administration, de Troy exécuta les peintures de l'histoire d'Esther, et celle de Jason; Restout et Jouvenet : des scènes du Nouveau Testament, le Baptême de Notre-Seigneur, le Lavement des pieds, la Cène, la Pêche miraculeuse, etc.; Carle Vanloo: Thésée domptant le taureau, Neptune et Animone, et un tableau d'enfants; Natoire: l’arrivée de Cléopâtre en Sicile, le Repas de Cléopâtre et de Marc- Antoine, le Triomphe de Marc-Antoine; Colin de Vermont : Roger chez Alcine ; et Desportes refit complètement les modèles de l'ancienne tenture des Indes, en 8 pièces.
Pendant la période de l'administration de M. Osry, et sous celle de M. de Tournechem, son successeur, la manufacture des Gobelins n'eut guère, en fait de modèles, que ceux de.Ch. Coypel, qui comprennent : Rodogune et Cléopâtre (scène de théâtre), - Roxane et Attalide, Hercule ramenant Alceste à Admète, Psyché abandonnée par l'Amour, le Sommeil de Renaud, l'Evanouissement d'Armide au départ de Renaud, la Destruction du palais d'Armide, et 21 sujets de l'histoire de Don Quichotte. La destruction du Palais d'Armide, tableau qui ne mesurait pas moins de 19 pieds de long, lui fut payé 2 000 livres.
Un dissentiment profond s'éleva en 1748, entre Oudry, entrepreneur et directeur de la manufacture de Beauvais, qui joignait, depuis nombre d'années, à ces fonctions celle de directeur de la manufacture des Gobelins, et les entrepreneurs et chefs d'atelier de cette dernière fabrique.
Oudry demandait et voulait exiger que les ouvriers suivissent le ton juste du modèle. Les adversaires pour la conservation des tentures, et pour le maintien à un taux modéré du prix de revient, tenaient à conserver le parti pris du coloris de tapisserie. La correspondance échangée à ce sujet est curieuse à étudier, et fait bien connaître les arguments que chacun fit valoir à l'appui du principe qu'il soutenait.
« Nous avons vu un temps, écrivait Oudry, le 11 mai 1748, au directeur général, où l'abandon des principes de l'art... a porté de fâcheuses atteintes à la réputation de la manufacture, où le malheureux terme de coloris de Tapisserie accordé à une exécution sauvage, à un papillotage importun de couleurs âcres et discordantes ... était substitué à la belle intelligence et à l'harmonie qui fait le charme de ces ouvrages.

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