Tapisserie-royale

TAPIS D'AUBUSSON
II

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De ce que le métier des tapissiers sarrazinois était plus ancien à Paris que celui des ouvriers en haute lisse, il ne faut pas conclure que l'industrie des premiers ait en France une origine plus éloignée que celle de la haute lisse. Suivant nous cela prouve uniquement, que les hauts-lissiers n'exercèrent que plus tard leur industrie à Paris. Pendant presque toute la durée du règne des Carlovingiens, la ville fut assiégée et ravagée par les Normands. Les successeurs de Philippe 1er furent obligés de détruire un à un les repaires des seigneurs féodaux qui tenaient la campagne, rançonnaient les voyageurs et rendaient l'accès de Paris pour ainsi dire impossible. Pendant ce temps les ouvriers en tapisseries vécurent sous la protection de l'Église ou des hauts barons, dont quelques-uns étaient aussi puissants et plus riches que leur suzerain ; à mesure seulement que le pouvoir royal grandit et que son autorité s'affermit, les ouvriers des industries de luxe vinrent se grouper à côté de la cour du roi de France.
En 16251es tapissiers en haute lisse et les Sarrazinois, qui jusque-là m'aient formé entre eux un corps à part, furent réunis aux couverturiers-nostrés serqiers et aux courte-pointiers-coutiers .
Lorsque la corporation des tapissiers de Paris fut, dissoute en 1789, elle était composée de six communautés réunies sous le nom de Corps et Communauté des Maîtres Marchandstapissiers, comprenant : 1° les tapissiers snrrazinois ; 2° les tapissiers haute-lissiers, marchands et fabricants de tapisserie de haute et basse lisse, faisant aussi la rentraiture ; 3° les tapissiers nôtrez marchands et fabricants de serges, de tiretaines, couvertures de soie, etc. ; 4° les tapissiers contre-pointiers, marchands, de toutes sortes de meubles et tapisseries ; 5° les tapissiers courte-pointiers faiseurs de tentes, pavillons,etc. ; 6° les courtiers fabricants de coutils.
La corporation des tapissiers avait des armoiries reçues et enregistrées par Charles d'Hozier le 26 mai 1698. C'est un écu mi-parti, azur à senestre et argent à destre, portant sur azur effigie de saint Louis, avec la main de justice, le sceptre et la robe fleurdelisée, et sur argent, l'effigie de saint François d'Assise en prière, sa mitre déposée près de lui à senestre.
La patronne des Sarrazinois, rentrayeurs et hautslissiers était sainte Geneviève de Paris ; saint Sébastien était le patron des couverturiers nôtrez ; les courte-pointiers étaient sous la protection de saint Louis roi de France et de saint François d'Assise. En dernier lieu, on ne célébrait officiellement que la fête de saint Louis.
Malgré l'ancienneté de l'origine de leur corpora tion à Paris ; il paraît qu' au XVIIe siècle, les Sarrazinois avaient perdu beaucoup de leur importance ou que leur métier avait subi de telles transformations qu'il' était déjà fort difficile de préciser au juste la nature de leur, fabrication.
En 1632, Pierre du Pontdit dans son livre de la Stromatourqie, à propos de cette industrie :

« Il est à présumer qu'après l'entière ruine des Sarrasins par Charles-Martel en l'an 726 quelques-uns d'iceux qui sçavoient faire de ces tapis, fugitifs et vagabonds, ou possible rechappés de sa defaite, s'habituèrent en France pour gagner leur vie et commencèrent à faire et establir cette manufacture de tapis sarrazinois. De savoir de quelle fabrique ni de quelle metode ou estoffe estoient faits les dits' tapis, on n'en peut que juger, sinon que l'on voit par ladite sentence de 1302) que ces tapissiers sarrazinois sont institués beaucoup devant les tapissiers de haute lisse et estoient en possession de longtemps, mais sur leur déclin et que les dits tapissiers de haute lisse commençoient à naistre pour, ensevelir et mettre hors lesdits sarrazinois comme ils ont fait.
« Tant il y a que ceste manufacture, si c'est la mesme, estant manquée en ces pays, soit qu'elle soit demeurée entre ces Turcs, soit qu'elle ait esté perdue depuis ce temps, nous la voyons neanmoins estre relevée et retablie, avec' plus de, perfection qu'elle n'a jamais esté et qu'elle n'est dans la Turquie. »
Pierre du Pont, qui fut le premier ouvrier de la Savonnerie, a été dérouté probablement par le mot Sarrazinois, qui lui a fait confondre les tapis fabriqués par ces derniers, avec les tapis de Turquie, dont il a introduit la fabrication en France et dont il vante avec raison l'excellence. C'est peut-être d'après le récit de Pierre du Pont, qui attribue l'origine de la fabrication dès tapis sarrazinois en France aux Maures échappés aux coups de Charles-Martel, tout en avouant pourtant ne pas savoir « de quelle fabrique ni de quelle methode estoient faits lesdits tapis » que les premiers écrivains qui ont eu à parler de l'histoire de la tapisserie, n'ont pas hésité à attribuer aux Sarrazins qui ont envahi la France en 732 la fondation des fabriques de haute lisse.
Les Sarrazinois figurent encore sur les statuts de 1625 et 1627, que nous reproduirons en partie,
à cause de la similitude que présentent certains de ces articles avec les ordonnances de Charles- Quint, qui avaient été promulguées en 1544 à Bruxelles . «sur lemestier et styl des tapisseries.»
« Art. VIII. Il sera enjoint à tous les maîtres et ouvriers de haute lisse sarrazinois et de rentraitures, courte-pointiers, nôtrez, coutiers, de bien et duement travailler et œuvrer de bonnes étoffes, scavoir de faire et œuvrer de toutes sortes de tapisseries de haute lisse, tapis sarrazinois pleins et velus de toutes sortes de façon, de Turquie et du Levant, qu'ils ne soient de toute fine laine, soie et fleuret (l'on nommait fleuret à cette époque, un fil de bourre de soie qu'on mêlait avec de la soie ou de la laine) ; or et argent et d'imiter les desseins à patrons au plus près que faire se doivent, à peine d'amende, et qu'à le faire autrement l'ouvrage sera tenu pour faux, et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'amende, sçavoir la moitié au Rayet l'autre moitié aux maîtres jurez.
IX. Il sera défendu à tous maîtres, savoir : d'employer du faux or et argent pour du fin, ni or de Boulogne pour or de Milan, ni fleuret pour de la soie, ni autre chose de semblable ; et sera défendu d'employer ni mettre en œuvre du fil, tant pour servir de laine, que soye et fleuret, attendu que c'est chose fausse ; ne mettra-t-on peinture sur l'œuvre achevé : et toutes tapisseries et tapis qui seront trouvez sur aucune, qui ne soient tout de laine, seront tenus pour faux et le maître l'amendera de vingt livres parisis, la moitié au Rayet l'autre aux jurez.
X. Que nul ne pourra rentraire aucune tapisserie ni tapis sarrazinois, dit de Turquie ou du Levant, de toutes les sortes, se rompuz et gâtez qu'ils puissent être si ; premièrement, elle n'est chaînée de bonne et fine chaîne de laine, et comme elle est étoffée et fabriquée, et assortira les laines, soye et fleuret, or et argent au plus proche que faire se doivent, et le tout comme elle était fabriquée auparavant, et quiconque chaînera de fil, ni n'assortira au plus proche les couleurs ; ni qui n'imitera le dessein, toutes fois l'œuvre sera tenu pour faux, et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'amende, savoir la moitié au Rayet l'autre aux jurez.
XI. Que nul ne pourra nettoyer. ni rafraîchir toutes sortes de tapisseries et tapis, si premièrement que ce ne soit de bonne étoffe pour faire couleur, de teinture cramoisy commune, suivant et conformément à celle comme la dité tapisserie est fabriquée et étoffée ; et quiconque emploira peinture ou malfaçon en icelle, l'œuvre sera tenu pour faux et le maître l'amendera de vingt livres parisis d'a-
mende, comme dit est. .
XII. Que nul ne pourra doubler aucune tapisserie ni tapis, si, premièrement, la toile n'est lessivée ou du moins mouillée, et sera défendu de coudre les relais desdites tapisseries de fil blanc ; mais de toute autre sorte, de fil de couleur, les pourra-t-on coudre, et le tout par l'envers, à peine d'amende comme il est dit ci-dessus.


XIX. Il sera défendu à toute personne, de quelque condition et qualité qu'elle soit, de s'ingérer de travailler et se mêler des fonctions de tapissier, s'il n'est maître en cette ville de Paris, à peine de confiscation des marchandises, outils et ustenciles, et de cent livres d'amende, moitié au Roy et l'autre moitié aux jurez. »
Dans ces règlements, les tapissiers de haute et basse lisse sont tenus à observer les mêmes statuts. Il paraîtrait que les métiers dont se servaient les tapissiers parisiens étaient des métiers à hautes lisses ; en effet ; lorsque les fabricants flamands vinrent s'établir à Paris sous Henri IV, les prévôts et échevins représentèrent dans une supplique que « la tapisserie de haute lisse qui a cy-devant fleury en ceste ville est délaissée et discontinuée depuis quelques années, est beaucoup plus precieuse et meilleure que celle de la marche (ou de basse lisse) dont ils usent aux Pays-Bas, qui est celle que l’on veut à présent establir. Nous prions nosdits sieurs de la court de supplier sadite Majesté de donner mooyen aux tapissiers de haute lisse en cette ville de nourrir et entretenir nombre d’apprentiifs françois dont la dépense sera fort petite. »
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco
Tapisserie d'Aubusson
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