Tapisserie-royale

ŒUVRE D’ART D’AUBUSSON
VII

Page suivante


1
Qu'afin de pouvoir porter la perfection de ladite manufacture à un point considérable, il serait nécessaire d'establir un bail peintre dans ladite ville d' Aubusson, tant pour y faire des apprentifs pour lui succéder en cet art, avec un teinturier et un blanchisseur expert, qui prenant pour apprentifs les enfans de ladite ville, puissent leur apprendre à faire les teintures en perfection : c'est ce qui ne peut estre exécuté qu'on ne fasse une dépense assez considérable, laquelle, ne pouvant être supportée par lesdits marchands et ouvriers qui sont pauvres, il seroit à souhaiter que la bonté du roy s'estendit jusque là de faire la dépense pour leur fournir et entretenir un peintre, avec un teinturier et un blanchisseur de la qualité susdite .

2
Attendules grandes tailles qui sont sur ladite ville desquelles ils n'ont eu aucune diminution il y a plus de dix ans, ainsi qu'ils ont justifié, bien que Sa Majesté ait témoigné son intention que la décharge qu'elle a accordée aux provinces s'estende sur tous, néantmoins ils n’en ont senti aucun soulagement ; ils ont pareillement supporté le faix de plusieurs logemens de gens de guerre dont elle est consommée; tellement que le roy sera humblement supplié d'employer sa bonté royale au soulagement desdits hahitans de l'excès de l'imposition des tailles et logemens de gens de guerre, afin qu'ils puissent s'acquitter avec plus de soin de leur travail.

3
Afin que lesdits marchands, maistres, compagnons, ouvriers, teinturiers et blanchisseurs, ne soient point distraits par de longs procès de leur travail, et consommez en frais de justice , veu mesme l'éloignement de la ville d'Aubusson de celle de Paris, du ressort du parlement de laquelle elle est, et attendu qu'il n'y a point de juges consuls, establis en ladite ville d'Aubusson, il plaira à, Sa Majesté autoriser le juge de la dite ville d'Aubusson de juger à la forme des juges-consuls establis dedans les villes, estans au nombre de sept du moins, tous les procès et différends entre eux concernant le fait de la manufacture et négoce desdites tapisseries, en sorte que l'appel n'en puisse estre receu à l'égard des sentences, qui seront rendües affaires esquelles il ne s'agira que de 500 livres et au-dessous; et, à l'égard de celles qui excéderont la valeur de 500 livres, elles seront exécutoires, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, et sans préjudice d'icelles, en baillant bonne et suffisante caution;
Sa Majesté sera très humblement suppliée d'accorder sa protection à ladite ville d'Aubusson pour le restablissernent de ladite manufacture de tapisseries, et d'appuyer de son autorité les intentions de ladite ville, pour faire que les ouvrages soient travaillez avec fidélité, que, dans la satisfaction que tout le royaume en recevra, ladite ville y puisse trouver ses avantages particuliers, et qu'à cet effet il plaise à Sa Majesté de confirmer et homologuer ladite délibération, et lui accorder ses lettres-patentes, adressantes aux compagnies souveraines dont et de tout seront poursuivies les expéditions nécessaires auprès dit roy par ledit sieur Bertrand, qui à cet effet, continuera de s'adresser à mondit seigneur Colbert, conseiller du roy en tous ses conseils, intendant de ses finances, et surintendant des bastiments, arts et manufactures de France.
Fait et arresté, en cette ville d'Aubusson, en ladite assemblée générale, convoquée à cet effet au son de la cloche, à la manière accoustumée, le dix-huitième jour de may 1665, ou en présence des soussignez et autres en nombre, qui ont déclaré ne sçavoir signer, tous lesquels ont d'une commune voix accordé et consenti les articles ci-dessus mentionnez, pour estre par eux et leurs successeurs gardez et observez de poinct en poinct selon leur forme et teneur.
Signé Garreau, président, Chastelain, Taravau, lieutenant d'Aubusson, G. Robichon, procureur du roy, Pierron, consul, M. Rousseau, consul, J. Dumonteil, consul, M. Vallenet, consul, J. Chabaneix, consul, Garreau, Turgaud, etc., etc. et scellés du sceau de la ville, et plus bas :
Registrez, ouy, et ce consentant, le procureur général du roy, pour estre exécutez, et jouir par les impétrans de l'effet et contenu en iceux aux modifications portées par l'arrest de ce jour, à Paris, en parlement, le treizième aoust mil six cens soixante-cinq.
Signé: Du TILLET


LETTRES PATENTES


Du roi Louis XIV pour le restablissement de la manufacture de tapisseries de la ville d'Aubusson en la province de la Marche, données en l'année 1665.
Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir salut. Après avoir donné glorieusement la paix à nostre royaume, et mis nos sujets en une parfaite tranquillité, nous n'avons point trouvé de moyen plus propre à leur en faire recueillir les fruits et mettre l'abondance parmy nos peuples que d'y restablir les manufactures et le commerce, à quoy nous aurions non seulement apporté beaucoup d'application et de soin, mais pour convier d'autant plus nos sujets à s'appliquer à toutes sortes de manufactures, et attirer à nous les estrangers, nous aurions accordé à ceux qui se sont présentez, et dont les propositions ont été examinées et approuvées par le sieur Colbert, conseiller en nostre conseil royal, intendant de nos finances, surintendant de nos bastiments, arts et manufactures de France, de très beaux privilèges et conditions avantageuses, mesme contribué de sommes notables de nos deniers pour faciliter lesdits établissements. Et, dans cette mesme intention, ayant esté informez que, de tous temps il se faisoit, dans la ville d'Aubusson une manufacture de tapisseries, dont la fabrique par le relaschement des ouvriers, estoit dans quelque sorte de diminution, nous aurions, pour lui rendre son ancienne réputation, convié lésdits hahitans par nos lettres de cachet du trentième aoust dernier, de convenir entre eux des expédients qu'il y aurait à prendre pour restahlir ladite manufacture dans sa première perfection. En conséquence de quoy, et suyvant nos ordres, s'étant fait diverses assemblées des marchans et négocians de ladite ville, dans lesquelles les causes des abus et défauts de la fabrique desdites tapisseries auroient esté examinez et reconnus, il auroit été dressé un règlement pour en empescher la suite, et faire qu'à l'avenir ladite fabrique fust bien conditionnée, et faite avec toute l'exactitude et fidélité nécessaire. Et nous auroient lesdits habitants fait très humblement supplier vouloir confirmer ledit règlement, et leur accorder nos lettres sur ce nécessaires. A ces causes, désirant contribuer en ce qui dépendra de nous, à la plus grande perfection desdites manufactures, après que l'acte d'assemblée générale de ladite ville, du dix-huitième may dernier, concernant ledit règlement cy attaché, pour le contre scel de nostre chancellerie, a esté veu et examiné par ledit sieur Colbert, nous avons ledit règlement loüé, approuvé et ratifié, et iceluy par ces présentes, signées de nostre main, loüons, approuvons et ratifions, voulons et nous plaist qu'il soit entretenu et exécuté selon la forme et teneur; et comme la perfection desdites manufactures dépend particulièrement des bons desseins et de la teinture des laines, qui s'employent pour l'exécution d'iceux, nous voulons, pour d'autant plus perfectionner lesdits ouvrages et traiter favorablement les ouvriers qui s'y appliqueront, qu'il soit entretenu à nos frais et dépens un bon peintre qui sera choisi par ledit sieur Colbert pour faire les dessins des tapisseries qui seront exécutez en ladite ville : comme aussi qu'il soit establi en icelle un maistre teinturier pour faire la teinture des laines qui seront employées en ladite manufacture et que ledit maistre teinturier soit pareillement entretenu à nos frais et dépens. Et, attendu qu'il est important que les marchands, ouvriers et autres personnes qui seront employées à ladite manufacture n'en puissent estre distraits par la longueur des procès ét différends qui pourroient survenir entre eux, nous avons ordonné et ordonnons, voulons et nous plaist que tous les procès, différends meus et à mouvoir entre les marchands, négociants, ouvriers et autres particuliers employez dans ladite manufacture, et au sujet d'icelle, circonstances et dépendances soient sommairement traistez par devant le juge de ladite ville, par lui jugez et terminez en la mesme forme et manière que les causes des marchands dans les juridictions consulaires, sans que lesdits procès en puissent être distraits et invoquez ailleurs sous prétexte de committimus, ou autres privilèges de quelque qualité qu'ils puissent estre. Et pour d'autant plus retrancher lesdits procès et les mauvaises suites qui causent ordinairement la multiplicité des degrez de juridiction, nous avons, par cesdites présentes, donné et attribué pouvoir audit Juge d'Aubusson, de juger définitivement en dernier ressort, et sans appel, les procès et différents entre lesdits marchands, negocians et ouvriers, jusques à la somme de deux cens cinquante livres entre lesdits marchands, négocians et ouvriers pour raison desdites manufactures et fait de leurs marchandises soient, en cas d'appel, exécutez par provision et sans préjudice d'iceluy. Et que les appellations qui soient interjettées pour raison de ce ressortissent droit et sans milieu au parlement. Et afin que chacun connoisse la protection que nous donnons audit restablissement, nous avons permis et permettons auxdits ouvriers de faire mettre sur le frontispice des lieux où seront fabriquées lesdites tapisseries, en gros caractère, manufacture Royale de tapisseries, nous réservans au surplus de pourvoir à la décharge des tailles et logemens de gens de guerre, suivant la très humble supplication qui nous en a esté faite par lesdits habitans portés par ledit acte d'assemblée.
Si donnons en mandement, etc., etc.
La décadence de la manufacture d'Aubusson tenait donc à des causes multiples, les unes provenant de la mauvaise fabrication des tapisseries, les autres, des charges écrasantes qui pesaient sur les habitants. Il était évident que le principal obstacle à la perfection des produits, était comme parle passé, le manque de bons dessins et de laines bien apprêtées et teintes en belles couleurs solides. Quant aux statuts qui devaient régir la fabrique, on remarquera qu'ils furent l'œuvre des marchands, maîtres et ouvriers, réunis dans une assemblée générale où chascun pust donner librement son advis sur tous les articles qui y furent discutés. Le roi se borna à approuver le règlement, et comme les fabricants étaient trop pauvres, pour payer un bon peintre et un teinturier habile, il promit de les choisir et de les payer, se réservant, pour le surplus, de pourvoir à la décharge des tailles et logements des gens de guerre. Mais, l'article XVII de l'ordonnance de novembre 1667, qui réorganisait la manufacture des Gobelins et prohibait, en même temps, les tapisseries d'origine étrangère, fit plus pour la prospérité d'Aubusson, que le titre de manufacture royale que Louis XIV lui octroyait.
La production des Gobelins et de Beauvais était absorbée par les commandes du roi et des princes; Aubusson restait seule pour fournir des tapisseries à tout le royaume. Il est assez difficile de constater la valeur réelle des ouvrages qui y furent fabriqués à cette époque. On reconnaît bien, par le style du dessin et surtout par les ornements, qui encadrent la plupart de ses tentures, la date assez précise de leur confection, mais, comme aucune d'elles ne porte de marque distinctive, rien qui indique si elles sortaient des ateliers d'Aubusson, de Felletin, ou de ceux qui étaient répandus dans, les bourgades des environs, il serait téméraire d'affirmer si les ouvriers étaient plus ou moins hahiles que leurs devanciers. On est obligé, pour se former une opinion, de rechercher dans les rapports des intendants de la Généralité de Moulins, de quelle manière étaient alors appréciées les fabriques de la Marche.
A la date de 1686, M. d'Argouges écrivait: « Il y a des manufactures de tapisseries à Aubusson et Felletin, section de Guéret ; l'on trouve que, depuis quelque temps, l'on y a occupé de bons ouvriers, ceux du pays se sont fort perfectionnés, et ils en trouvent fort bien le débit; ils feraient encore beaucoup mieux s'ils avaient un inspecteur entendu pour les conduire, et de bons dessins ; et si l'on s'attachait à leur fournir des laines bien dégraissées, l'on pourrait espérer qu'ils réussiraient aussi bien qu'en Flandres. J'en ai un exemple, car M. de la Feuillade y en a fait faire de très belles, par la précaution qu'il a eue de leur donner des dessins et leur fournir des laines. Il y a aussi une petite manufacture à Belgarde, de la même section, mais les ouvriers ne sont pas aussi parfaits que ceux d'Aubusson et de Felletin. »
Le roi n'avait pas envoyé à Aubusson le peintre et le teinturier qu'il avait promis à la ville. C'était toujours d'après des estampes représentant les tableaux en vogue, que les peintres d'Aubusson composaient les tentures qui leur étaient commandées. On retrouve, dans différentes pièces, des sujets empruntés à Laurent de la Hyre, à Claude Vignon, et surtout à François Chauveau, dont les gravures des scènes de l'Ancien Testament, de l'histoire grecque, de la Jérusalem du Tasse, étaient très répandues. Il n'est pas rare de rencontrer encore des imitations, en grosse tapisserie de l'époque, des tentures qu'on exécutait aux Gobelins, sur les cartons de Lebrun; notamment, le Triomphe d'Alexandre à Babylone, et des sujets de chasse, d'après D. Rab.
En général, les sujets religieux étaient traités avec plus de soin que les autres, probablement parce qu'ils étaient payés plus cher, ou bien parce que ceux qui les commandaient prenaient la précaution de fournir eux-mêmes leur dessin, comme le faisaient le R.P. des Jésuites de Limoges, et M. de la Feuillade.
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco en 2009
Tapisserie d'Aubusson
Tapis d'Aubusson
Tapisserie à réaliser soi-même
e-boutique http://www.tapisserie-royale-aubusson.fr



© Tapisserie Royale - Design Anatha - Réalisé par KerniX - Plan du site - Aubusson