Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON TISSÉE MAIN IV



Ces ordonnances, qui ne comprennent pas moins de 90 articles, méritent une étude serieuse. Elles traitent, nonseulement de la fabrication proprement dite, mais elles précisent les matières premières qu'on doit employer. Tout y est prévu, réglé, commenté depuis l'instant où le maître ouvrier organise son métier, jusqu'au jour où il reçoit le prix de son travail. Avec un pareil document, il est facile de se rendre un compte exact des procédés de fabrication de la tapisserie cette époque, de sa valeur, du salaire des ouvriers ; par lui, nous connaissons quelles lois régissaient alors le contrat d 'apprentissage, les rapports entre ouvriers et patrons, la propriété des dessins industriels, les marques de fabrique, la juridiction des corporations, les courtiers de commerce, en un mot, tout ce qui, de près ou de loin, touchait au commerce ou à l'industrie.
L'article 1er défend de fabriquer de la tapisserie hors des villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, Bruges, Audenarde, Allost, Enghein, Byns, Ath, Lille, Tournay et autres francs lieux, dans lesquels 10 métier sera organisé et régi par les ordonnances.
Pour avoir le droit de fabriquer ou de vendre des tapisseries, il fallait être bourgeois de naissance ou par achat, et avoir fait trois années d'apprentissage, sous un franc maître.
Les apprentis, qui étaient immatriculés sur le livre des mestiers de la ville, n'étaient pas admis au dessous de l'âge de huit ans, et perdaient le bénéfice de leur temps d'apprentissage, lorsqu'ils quittaient leur maître sans motif grave, avant d'avoir rempli leur engagement. Un maître ne pouvait pas avoir plus d’un apprenti ; on lui en passait un second, dans le cas seulement où il voulait apprendre le métier à son fils. Cette mesure avait pour but d'empêcher le maître de prendre un trop grand nombre d'apprentis, qu'il lui eût été difficile de diriger et d'instruire.
Au bout de trois ans, l'apprenti était reçu compagnon, mais il n'était admis à travailler avec un franc maitre qu'après avoir justifié de ses années d'apprentissage, et fidèlement rempli les engagements qu'il avait contractés. Il ne pouvait quitter le maitre qui l'occupait avant d'avoir terminé l'ouvrage commencé, soit qu'il travaillât à la journée ou à façon ; s'il abandonnait son travail plus d'une journée, sans excuse légitime, il perdait, pour la première fois un sol ; en cas de récidive, la somme était doublée, et, à la troisième fois, son maître pouvait lui retenir tout te qu'il lui redevait,
Tout apprenti compagnon ou ouvrier, qui dérobait ou laissait dérober des étoffes ou matières premières, sans en prévenir son maître, ne pouvait racheter sa faute qu'en restituant les objets volés, en faisant un pèlerinage à Saint-Pierre et Saint-Paul de Rome, ou en payant 20 carolus d'or ; en cas de récidive ; la peine était double, et le coupable était à jamais chassé du métier.
L'ouvrier qui, pour nuire à son patron, employait des matières défendues ou défectueuses, était condamné à faire, un pelerinage à Saint-Jacques en Galice, et était chassé du métier.
Il était interdit à tout ouvrier travaillant pour un maître, de faire, pour son propre compte, quelque ouvrage que ce fût, même pour en faire don ; il n'avait pas plus le droit de faire, dans sa maison, aucune espèce de travail, avant d'avoir achevé celui qu'il avait commencé chez son maître.
Un franc maître, qui avait commencé un travail, n'avait pas le droit d'aller travailler soit à la journée, soit à l'aune, au dehors ; avant d'avoir terminé l'ouvrage qu'il avait sur métier.
Les obligations des apprentis et compagnons envers leurs maîtres étaient rigoureusement tracées, mais comme on le verra plus loin, ces devoirs étaient réciproques.
Les apprentis et les compagnons étaient placés sous la sauvegarde des doyens et jurés du métier. C'était à eux à pourvoir les apprentis d'un autre maître, lorsque celui au service duquel ils étaient engagés venait à mourir, abandonnait le métier, ou les traitait. « hors de raison ; » dans ce cas, le maitre auquel on enlevait son apprenti ne pouvait pas en prendre un autre, avant l'expiration des années d'apprentissage de celui qu'il avait perdu.
Tout maître qui, pour bâter le travail, incitait ses ouvriers à négliger leur ouvrage, et à ne pas suivre leur patron (leur dessin), était suspendu de son métier pendant une année ; de plus il était condamné à indemniser la personne qui lui avait commandé le travail.
L'embauchage des ouvriers était puni d'une amende de dix carolus d'or.
Tout bourgeois qui voulait être admis à la maitrise ; après avoir justifié de ses trois années d'apprentissage, prêtait, devant les doyens et jurés, le serment de respecter et de faire respecter, par tous les siens, les ordonnances et règlements du métier : Avant de se mettre en ouvrage, il était tenu de choisir et de déposer une marque ou un chiffre, qui était inscrit sur le livre de la corporation, puis il déclarait quelle qualité de travail il avait l'intention de fabriquer ; car, suivant le prix de la tapisserie, il devait employer telles ou telles matières premières.
Dans l'ouvrage du prix de 24 patars et au-dessus, la chaîne devait être de filés de laine de Lyon, d'Espagne, d'Aragon, de sayette, ou de filé fait à la quenouille, et de semblables étoffes ; les laines devaient être aussi en belles matières, bien dégraissées et teintes en couleurs solides, Défense de se servir de soies mélangées de fils.
Dans l'ouvrage de ce prix ; les têtes et les traits des personnages devaient être profilés et ouvrés au fond de la tapisserie c'est-à-dire fabriqués par les mêmes procédés que les autres motifs. Cette recommandation interdit non seulement de peindre et de profiler les traits sur l'étoffe avec de la, couleur, mais encore de es faire à l’aiguille, en matière de broderie, travail qui, au premier abord, lorsqu'il est habilement fait, peut tromper les yeux des mieux exercés. Chaque pièce devait être faite en entier d'un seul morceau, avec les mêmes matières, dans la même réduction comme point ; les quatre coins devaient, aux quatre angles, s'appliquer exactement les uns sur les autres ; faute de se conformer à toutes ces prescriptions ; la tapisserie était saisie et confisquée au profit du seigneur,
Avant de terminer une pièce, le maître qui la fabriquait ou la faisait fabriquer sous sa responsabilité, faisait tisser, dans l'un des bouts, sa marque ou enseigne, et, à côté, la marque de la ville, « Afin que par telles enseignes et marques, soit cogneu, que ce soit ouvrage de la dicte ville, et d'un tel maistre ouvrier, et venant au prix de vingt et quatre patars susdicts et au dessus. »
En résumé, suivant le prix de la tapisserie, le fabricant était astreint à n'employer que les matières premières spécifiées, et surtout à une réduction de tissu déterminée.
Lorsqu'il y avait dans une pièce un défaut provenant d'une erreur de dessin ou de couleur, l'é toffe devait être entièrement refaite, dans la partie défectueuse, et il était expressément défendu de la dissimuler au moyen de couleurs fraîches qu'on aurait pu appliquer sur l'étoffe.
Comme certaines pièces restaient très longtemps sur le métier, lorsqu'elles étaient terminées, il était permis au fabricant de raviver les traits du visage et les nus ; au moyen de crayons rouges, blancs ou noirs, mais employés à sec. Encore ces sortes de retouches ne pouvaient-elles être faites que dans l'endroit même où la tapisserie avait, été exécutée, par le maître lui-même on une personne qu'il désignait, et qui devait, en outre, prêtern le serment de, se conformer aux ordonnances du métier.
Avant de prendre livraison de la marchandise qu'il avait comrnandée d'acheteur avait le droit de la faire visiter par les experts du métier qui , décidaient si elle avait été faite dans les conditions stipulées par la commande. Une fois cette formalité remplie, le fabricant était déchargé de toute responsabilité pour son travail.
Dès lors, il était défendu à qui que ce soit, même au propriétaire de la tapisserie, de la retoucher ou de la faire retoucher par qui que ce soit, sous aucun prétexte, sous peine de payer la valeur de la tapisserie, et en plus une amende de 20 carolus d'or. Dans le cas où une pièce était déchirée ou usée, ou si le propriétaire voulait y placer des armoiries, ou faire telles autres réparations. nécessaires, il devait, auparavant, en prévenir les maîtres jurés de la ville, et obtenir leur autorisation.
La contrefaçon des dessins était punie d'une amende de 30 carolus d'or, dont un tiers appartenàit à la partie lésée.
Tout fabricant qui, s'étant fait délivrer à crédit des matières premières, soit fil d'or, de soie ou de laine pour confectionner une pièce de tapisserie, la livrait et en touchait le prix sans prévenir son fournisseur et sans se libérer envers lui, était condamné, même après avoir payé son créancier, à faire un pèlerinage à Rome ; il pouvait racheter cette peine par 20 carolus d'or.
Il semble que les facteurs et courtiers exploitaient singulièrement les maîtres fabricants, puisque l'article 46 de ces ordonnances leur défend de s'occuper, à l'avenir soit de la vente, soit du placement des tapisseries, sous peine de voir confisquer leurs marchandises ; en même temps ; l'article 58 autorisait certains commerçants notables de Bergues et d'Anvers à s'occuper de la
vente et du courtage des tapisseries, à la condition toutefois de fournir bonne caution de jurer d'obéir et de respecter les ordonnances, d'être garants vis-a-vis du vendeur du prix de sa marchandise, et de la lui payer à jour fixé. Ils avaient droit, comme commission, de percevoir quatre deniers par gros de Flandre, sur le prix de vente, sans pouvoir réclamer aucune autre indemnité. Tout courtier qui dissimulait au fabricant le prix de vente, ou qui s'entendait en secret avec l'acheteur, payait a chaque contravention une amende de 100 carolus d'or.
Les doyens et jurés devaient veiller a la stricte observation de ces ordonnances. Tout membre ressortissant à la corporation était tenu de comparaître devant eux à, la première sommation, sous peine d'amendes très fortes ; à la quatrième citation restée sans effet, les doyens, jurés et anciens du métier avaient le droit de faire saisir le délinquant et de le corriger, à leur discrétion et arbitrairement. Ils devaient visiter, au moins une fois toutes les six semaines, les maisons des ouvriers, recueillir les plaintes et réclamations des uns et des autres, s'assurer si le travail s'exécutait suivant les prescriptions, et si l'on n'employait pas des matières prohibées.
Ils devaient tenir deux registres. Sur, le premier étaient inscrits les noms de tous les maîtres compagnons et apprentis du métier ; sur le second, ils notaient leurs observations et relevaient les contraventions, avec mention bien détaillée de leur nature. Ce livre était toujours à la disposition de l'officier de l'empereur, chargé de percevoir les amendes et d'appliquer les peines qui avaient été prononcées.
Toute dissimulation par eux d'une faute, tout faux rapport de leur part qui entraînait l'amende les rendait passibles de payer le quadruple de la somme. Mais, si la faute, qu'ils avaient sciemment omis de signaler était réputée crime, ils étaient condamnés soit à faire réparation, soit au bannissement ; dans tous les cas, ils étaient chassés du métier .
Ils scellaient du sceau de la ville et délivraient des certificats de maîtrise aux ouvriers qui, pour se perfectionner dans le travail, désiraient aller pratiquer dans une autre ville. Ils ne devaient admettre, dans la corporation de la cité, que les ouvriers munis de certificats en règle, et qui étaient libres d'engagements envers leurs anciens maîtres ; faute de s'en enquérir, ils devenaient eux mêmes responsables.
Les peines les plus sévères frappaient ceux qui apposaient sur leurs ouvrages la marque d'une ville dont ils n'avaient pas le droit de se servir ; leurs produits étaient confisqués, et eux-mêmes étaient corrigés arbitrairement.
Et quiconque contrefaisait, falsifiait, ou enlevait la marque d'un autre maître, avait le poignet droit coupé et était chassé du, métier.
Malgré la sévérité des peines attachées à certaines contraventions et délits, on doit reconnaître que, dans l'ensemble de ces ordonnances, règnent un profond sentiment de l'équité et la ferme volonté de protéger les intérêts de tous, du patron comme de l'apprenti.
Les articles relatifs à la fabrication de la tapisserie, dans lesquels on suit une pièce, depuis le jour où elle est commencée, jusqu'à celui de sa réception solennelle par les jurés et anciens du métier, ne pouvaient être que le fruit d'une étude sérieuse et d'une intelligente et longue pratique de cette industrie. La ville qui apposait ses armes sur une tenture à côté du nom de l'ouvrier, lui donnait une sorte de consécration, en faisait une œuvre nationale dont elle acceptait la responsabilité, en même temps qu'elle en revendiquait l'honneur.

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