Tapisserie-royale

HISTOIRE DES GOBELINS
VIII



Louis XIV - Fondation des Gobelins. - Histoire de cette fabrique depuis 1664 jnsqu'en 1789 - Beauvais.

La renaissance de l'industrie des tapisseries en France date véritablement du règne de Louis XIV. C'est à ce roi que nous devons le relèvement des fabriques de la Marche ; c'est lui qui, par les lettres patentes de 1604, réorganisa, en la tirant presque de l'oubli, la manufacture de Beauvais - lettres patentes dont nous citerons seulement le préambule:
« Comme l'un des plus considérables ouvrages de la paix qu'il a plu à Dieu de nous donner est celui du rétablissement de toute sorte de commerce dans ce royaume, et de le mettre en état de se passer de recourir à des étrangers pour les choses nécessaires à l'usage et à la commodité de nos sujets .... »
Les lettres patentes concernant la manufacture des Gobelins nous disent aussi quels sont les motifs qui ont inspiré le fondateur:
« La manufacture des tapisseries a toujours paru d'un si grand usage et d'une utilité si considérable que les estats les plus abondants en ont perpétuellement cultivé les establissements, et attiré dans leur pays, les ouvriers les plus habiles, par les grâces qu'ils leur ont faites. En effet, le roy Henry le grand, notre ayeul, se voyant au milieu de la paix, estima n'en pouvoir mieux faire goûter les fruits à ses peuples qu'en rétablissant le commerce et les manufactures, que les guerres étrangères et civiles avaient presque abolies dans le royaume, et pour l'exécution de son dessin, il aurait, par son édit du mois de janvier 1607, établi la manufacture de toutes sortes de tapisseries, tant dans notre bonne ville de Paris, qu'en toutes les autres villes qui s'y trouveront propres, et préposé à l'établissement et direction d'icelles, les sieurs Coomans et de la Planche, auxquels par le même édit, l'on aurait accordé plusieurs privilèges et avantages. Mais comme ces projets se dissipent promptement, s'ils ne sont entretenus avec beaucoup de soin et d'application, et soutenus avec dépense ; aussi les premiers establissements qui furent faits, ayant été négligés et 'interrompus pendant la licence d'une longue guerre, l'affection que nous avons pour rendre le commerce et les manufactures florissantes dans nostre royaume, nous a fait donner nos premiers soins, après la conclusion de la paix générale, pour les rétablir et pour rendre les établissements plus immuables en leur fixant un lieu commode et certain, nous aurions fait acquérir de nos deniers l'hostel des Gobelins et plusieurs maisons adjacentes, fait rechercher les peintres de la plus grande réputation, des tapissiers, des sculpteurs, des orphévres, ébénistes et autres ouvriers plus habiles, en toutes sortes d'arts et mestiers, que nous y aurions logés, donné des appartements à chacun d'eux et accordé des privilèges et advantages ; mais d'autant que ces ouvriers augmentent chaque jour, que les ouvriers les plus excellens de toutes sortes de manufactures, conviés par les grâces que nous leur faisons, y viennent donner des marques de leur industrie, et que les ouvrages qui s'y font surpassent notablement en art et en beauté ce qui vient de plus exquis des pays estrangers, aussi, nous avions estimé qu'il estoit nécessaire, pour l'affermissement de ces establissements, de leur donner une forme constante et perpétuelle et les pourvoir d'un règlement convenable à cet effet. A ces causes et autres considérations, à ce nous mouvans, de l'advis de nostre conseil d'état, qui a vu l'édit du mois de janvier 1607 et autres déclarations et règlements rendus en conséquence et de nostre certaine science, pleine puissance et authorité royale, nous avons dit, statué, ordonné, disons, statuons et ordonnons ainsi qu'il en suit:

ART. 1
C'est à scavoir que la manufacture des tapisseries et autres ouvrages demeurera establie dans l'hostel appelé des Gobelins, maison et lieux et deppendances a nous appartenant, sur la principale porte duquel hostel sera posé un marbre au dessus de nos armes dans lequel sera inscript : « Manufacture royalle des meubles de la couronne.»

ART. II
Seront les manufactures et deppendances d'icelles régies et administrées par les ordres de nostre amé et féal conseiller ordinaire en nos conseils, le sieur Colbert, surintendant de nos bastimens, arts et manufactures de France et ses successeurs en ladite charge.

ART. III
La conduite particulière des manufactures appartiendra au sieur le Brun, nostre premier peintre, soubs le titre de directeur, suyvant les lettres que nous lui avons accordées le 8 mars 1663, etc.

ART. IV
Le surintendant de nos bastimens et le directeur soubs lui, tiendront la manufacture remplie de bons peintres, maistres tapissiers de haute lisse, orphévres, fondeurs, graveurs, lapidaires, menuisiers en ébène et en bois, teinturiers et autres bons ouvriers, en toutes sortes d'arts et mestiers qui sont establis et que le surintendant de nos bastimens tiendra nécessaire d'y establir .
Par l'article 5, il est dit que le trésorier général des bâtiments royaux est chargé du paiement des personnes de la manufacture.
Les articles 6, 7, 8, 9 et 10 ont trait à l’éducation et à l'entretien des apprentis, qui seront au nombre de 60, choisis par le surintendant et placés dans le séminaire du directeur.
Ils pourront, après six années d'apprentissage et quatre années de service, être reçus maîtres, tant dans la bonne ville de Paris que dans toutes les autres du royaume, sans faire expérience, n’y estre tenus d'autre chose que de se présenter devant les maistres et gardes desdites marchandises, arts et mestiers.

ART. XI
Les ouvriers employés dans lesdites manufactures se retireront dans les maisons les plus proches de l'hostel des Gobelins, et afin qu'ils y puissent estre, eux et leurs familles, en toute liberté, voulons et nous plaist que douze des maisons dans lesquelles ils seront demeurant, soient exemptes de tout logement des officiers et soldats.
Les ouvriers étrangers employés dans les manufactures, jouiront de tous les droits des regnicoles, seront exempts de tutelles, curatelles, guet, garde de ville et, autres charges publiques et personnelles, (articles 12 et suivants).
Sera loisible au directeur de faire dresser des brasseries de bière pour l'usage des ouvriers, etc.
Tous les procès civils que les ouvriers de la manufacture, leurs familles et domestiques pourraient avoir, en différentes juridictions, sont renvoyés en première instance par devant les maistres des requestes ordinaires de notre hostel, et par appel, en nostre cour de parlement de Paris (art. 16).
Et au moyen de ce que dessus, nous avons faict et faisons très expresses inhibitions et deffenses à tous marchands et autres personnes de quelque qualité et condition qu'elles soyent, d'achepter ny faire venir des pays estrangers des tapisseries, ny vendre ou débiter aucune des manufactures estrangères ou autres que celles qui sont présentement dans nostre royaume, à peine de confiscation d'icelles et d'amende de la valeur de la moitié des tapisseries confisquées, etc.
Donnons, en mandement, etc., etc à Paris au mois de novembre 1667. Signé Louis.
L'établissement des Gobelins était donc à son origine, une école professionnelle des beaux-arts appliqués à l'industrie. Nous empruntons à M. A. L. Lacordaire, ancien directeur de la manufacture des Gobelins, qui en a écrit l'histoire, le nom de 49 peintres qui travaillèrent sous la direction de Lebrun, de 1653 à 1690.
Alexandre, peintre d'histoire; de Saint-André, p.h ; Anguier, peintre d'ornements et d'architecture; Arvier, peintre d'animaux; Audran, p.h.; Bailly, peintre en miniature; Ballin, p.h.; Baudouin, p.h.; Boels, peintre d'animaux; Bonnemer, p.h. ; Boulle, peintre d'animaux; Boullongne l'ainé, p.h.; Boullongne le jeune, p.h. ;j Bourguignon, p. paysage; Bouzonnet-Stella , p. h.; Michel Corneille, p. h.; Corneille le jeune, p. h. ; Courant, p. h. ; Noël Coypel, p. h.: Coypel fils (Antoine), p. h.; Simon Dequoy, p. h.; Dubois, peintre de fleurs et d'ornements : Francart, peintre d'ornements ; de Fontenay, p. fleurs ; Genouels, peintre h. et paysages; Houasse, peintre d'histoire ; Lefebvre, p. h.; de Licherie , p. h.; Loir, peintre de paysages, animaux et ornemeiits ; Masson, p. d'architecture ; Mathieu, p. port et marines; Mosnier, p. h.; Le Moyne, dit le Lorain, p. h.; Le Moyne, dit le Troyen, peintre d'ornements; Nivelon, dessinateur ; Paillet Antoine, p. h. ; Parent, p. ornements; Pattigny, dessinateur; Pierson, p. h. ; Hemondon, p.h. ; Revel, p. h, ; de Sève l'aîné, p. h. ; de Sève le jeune,p. h. ; Simon, p. h.; Testelin Henri, p. h.; Verdier , p.h.; Yvart, fils, p. d'h.
Vers la fin de l'année 1662, commença la fabrication des tapisseries pour le compte du roi, sous la conduite de Jans (habile tapissier venu d'Oudenarde en 1560 avec plusieurs de ses cornpatriotes) à qui furent plus tard adjoints d'abord Girard Laurent, puis Pierre et Jans Lefebvre, tapissiers hauts lissiers. Pierre Lefebvre, d'une famille d'origine française, était établi à Florence et vint en France en 1648. Jean de la Croix et Mezin, tapissiers bas lissiers flamands; Verrier, tapissier bas lissier rentrayeur (très probablement venu des fabriques d'Aubusson), van der Kerchove, teinturier, «ayant soin de marquer les ouvrages de tapisserie qui se font aux Gobelins.» Le prix de l'ouvrage se faisait aux Gobelins comme encore de nos jours à Aubusson: au bâton carré. Le bâton est le seizième de l'aune. Cette façon de mesurer l'ouvrage au bâton vient de Flandre. L'aune flamande était moins longue; 16 bâtons de l'aune de France équivalaient approximativement à 48 bâtons de Flandre.
Les comptes entre le roi et les entrepreneurs se réglaient au bâton de France; et les entrepreneurs faisaient prix avec leurs ouvriers au bâton de Flandre.
En sachant que l'aune ancienne égale 1 mètre 31 cent., et qu'une somme d'argent du temps de Louis XIV représente environ six fois sa valeur actuelle, il sera facile de se rendre compte du prix de revient des tapisseries au dix-huitième siècle.
« Avant que de monter une pièce sur le métier, on couche le dessin ou tableau par terre; l'on mesure séparément toutes les parties du dit tableau selon les diverses qualitez d'ouvrages; l'on calcule exactement chaque prix des bâtons de différents ouvrages; l'on passe 6 livres pour l'employ de l'or par aune carrée, lorsqu'il y en a; l'on passe aux maistres, pour leur conduite, 30 livres par aune carrée; l'on ajouste la valeur des estoffes fournies par le maistre, lesquelles il achète dans la maison des Gobelins, pour être assuré de la bonté des dites estoffes et des couleurs; et l'on voit ce à quoi la pièce reviendra, et par conséquent l'aune carrée.
« Sur ce, fondement, le concierge fait des payements à compte, tous les trois mois; sur les marques ou mesures qu'il fait, sur chaque pièce, à chaque maistre, auquel il donne en payement les estoffes livrées pendant le quartier.
« L'on fait venir les laines d'Angleterre, par bouchons, à Calais et sur les côtes de France, à la dérobée, y aïant des défenses en Angleterre d'en passer sur peine de la vie. On les file autour d'Amiens et on les livre filées, blanches, choisies par le concierge et les tapissiers qui rebutent tout ce qui n'est pas d'une égale finesse, moyennant cinquante-cinq sols la livre. Il coûte encore quatre sols par livre, pour les dégraisser, et elles sont teintes dans la maison.
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