Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON TISSÉE MAIN IV




Ruine d'Arras. - Influence de l'art sur l'industrie de la tapisserie. - Raphaël. Les Arrazi. – Les flammants en Italie. -Michel Coxius. Van Orlez. - Les tapisseries de Charles-Quint. - Ordonnance de 1544 sur le stil et métier de la tapisserie.

La ruine commerciale d'Arras suivit de près la mort de Charles le Téméraire, et l'effondrement de la puissance de la maison de Bourgogne. Depuis longtemps, Louis XI guettait cette riche proie, et dès le commencement de l'année 1477, il parvint, en employant tour à tour la persuasion et la menace, à faire entrer une garnison française dans la capitale de l'Artois. Il voulut s'en assurer la possession définitive en confirmant les anciennes franchises : exemption de logements des gens de guerre, droits de noblesse conférés à la bourgeoisie, remise de tout ce qui était dû sur les impôts et réduction de la gabelle, etc. Les officiers du roi ne tinrent malheureusement pas compte de ses instructions ; ils traitèrent Arras en ville conquise, et provoquèrent une réaction violente, à la suite de laquelle la garnison française fut chassée : le roi vint en personne mettre le siége devant la ville, qui écrasée par l'artillerie capitula sans attendre l'assaut : « Une amnistie promise fut assez mal tenue, car le roi, dit Commines, fit mourir beaucoup de gens de bien (1479) ; » les bourgeois furent rançonnés, décimés, et finalement chassés de la ville sans exception, « et pour changer les courages, il fit changer le nom d'Arras et la fit, dit Molinet, nommer Franchise. » La ville fut repeuplée en partie avec des habitants d'Orléans, de Lyon, du Languedoc, d'Auvergne, du Limousin, etc.
Sous Charles VIII, cette cité se relevait à peine de ses ruines que quatre bourgeois en livrèrent une nuit les portes aux Allemands de Maximilien. Ces prétendus libérateurs enfermèrent l'évêque, égorgèrent les prêtres et les bourgeois sans distinction d'amis et d'ennemis et saccagèrent les maisons à fond.
A la suite de ces désastres répétés, l'œuvre des tapisseries était perdue pour Arras, les meilleurs ouvriers étant morts ou dispersés, la tradition fut rompue. On signale encore l'existence des hauts lissiers par un registre de bourgeoisie qui mentionne quelques admissions dans le métier au commencement du XVIe siècle, et par les pièces d'un procès que les tapissiers d'Arras soutinrent contre ceux de Tournay en 1560 (Abbé Proyard).
Le règne des Ducs de Bourgogne de la maison de Valois avait été l'époque de splendeur de l'industrie d'Arras ; celui des princes de la maison d'Autriche fut celle de la plus grande prospérité des fabriques de Bruxelles. Primitivement, les tapisseries de cette ville faisaient partie de la Nation de Saint-Laurent qui comprenait: les tisserands, les blanchisseurs, les foulons, les chapeliers, les tapissiers et les tisserands en lin. Les quatre premiers de ces corps nommaient chacun deux doyens ; les derniers en avaient chacun quatre.
En 1417, les tisserands n'avaient pas moins de sept jurés, outre deux choisis par les tisserands en lin, et deux autres pris parmi les tapissiers, qui formaient une corporation dès 1440. En 1451, ils furent disjoints du métier des tisserands. Dans l'origine, ils devaient envoyer tous leurs fabricants à l'hospice Saint-Christophe où on le scellait (Ordonnance du 7 avril 1450)1; plus tard (1473) cette formalité fut remplacée pal' un examen qui devait. avoir lieu aux Rames.
A la fin du XVe siècle, les tapissiers de Bruxelles n'étaient pas plus habiles que ceux de Tournay, de Bruges d'Audenarde, mais ce qui étendit leur réputation et assura leur suprématie, ce furent les magnifiques travaux qu'ils exécutèrent d'après les cartons des meilleurs peintres flamands et italiens.
« J'ai découvert à Valenciennes (écrivait, en 1830, M. Vitet) une de ces admirables tapisseries qui faisaient la gloire des fabriques de Flandre aux XVe et XVIe siècles ..... Elle a dû être exécutée vers 1500 environ et représente un. tournoi.... Peu de tableaux ont fait sur moi autant d'impression, soit par la fermeté du coloris et le fondu des nuances, soit par la netteté et la franchise du dessin, soit enfin par la hardiesse et la chaleur de la composition. »
Il y a loin, en effet, de cette tapisserie, qui, d'après la description de M. Vitet, résume toutes les qualités d'une belle peinture, à ces draps imagés qui décoraient ; au moyen âge, les églises et les salles des châteaux, et dont les personnages, aux traits sertis d'une ligne noire, ressemblaient à des images découpées et appliquées sur un fond de feuillages ou de fleurs. Sans les inscriptions parfois : écrites en rolleaux, il serait bien difficile de démêler les scènes qui y sont représentées.

1. Henne et Wauters, Histoire de Bruxelles.
Dans telle tapisserie, Vespasien Titus détruit une Jérusalem gothique avec des bombardes et des
lances à feu ; ailleurs le roi Assuérus, habillé comme le grand duc de Bourgogne, relève une reine Esther parée de l'accoutrement de Jacqueline de Bavière. Tous les acteurs du drame sont costumés comme les échevins de gand ou les bourgeois de Bruges. Quelquefois pourtant, les païens et les juifs se distinguent par d'énormes turbans surmontés d'un croissant.
Cette révolution dans la fabrication de la tapisserie, qui transformait quelques uns de ses produits en véritables objets d'art, s'était accomplie en moins, d'un demi-siècle : de la mort de Charles le Téméraire aux dernières années du règne de Maximilien. Elle fut l'œuvre des peintres flamands de cette époque, qui, pour la plupart, habitués de bonne heure aux grands travaux de décoration, initiés aux secrets de la fabrication, guidèrent pas à pas les maîtres tapissiers durant cette dernière étape qu'ils franchirent avec eux.
Avant de s'enfermer au couvent de Rouge-Cloître, dans la forêt de Soignes, où l'archiduc Maximilien allait le visiter, Hugues Van der Goës, le peintre du saint Jean dans le désert, que possède le Musée de Munich, avait fait nombre de dessins pour les verriers et probablement aussi pour les tapissiers. Dans sa jeunesse, en 1468, il avait travaillé avec Daniel de Ryke, un Gantois comme lui, aux décorations et aux entremets du bariquet que les habitants de Bruges offrirent à Charles le Téméraire à l'occasion de son mariage avec Marguerite d'York. Quelque temps après Van der Goës peignit des figures allégoriques et historiques sur de vastes toiles tendues sur des châssis, que les bourgeois de Bruges placèrent avec les tapisseries sur le passage du cortége de leur nouvelle comtesse de Flandre.
C'est à un peintre né à Harleim en 1390, à Thierry Bouts, que revient en partie la gloire d'avoir créé la peinture de paysage. Si la première partie de son existence se passa en Hollande, où il fut initié aux secrets de la grande peinture par J. Van Eyte, la seconde appartient tout entière à la Belgique, à Louvain, où il se fixa et où il mourut en 1475. Afin de s'attacher pour toujours l'artiste, qui, dans le martyre de saint Érasme, avait révélé de si grandes qualités comme dessinateur et comme coloriste, les magistrats de Louvain lui conférèrent le titre de peintre, de portraiteur de la commune, La rétribution pécuniaire attachée à ces fonctions était modeste, mais elle entourait d'une grande considération celui qui en était revêtu. Les deux tableaux représentant un acte de mémorable justice (l'empereur Othon faisant mettre à mort une épouse adultère), que Thierry Bouts plaça dans la salle de l'hôtel de Louvain, ont dû, ainsi que ceux de Roger Van der Weyden, être reproduis en tapisserie, mais nous n'en trouvons trace nulle part ; ce qui est incontestable, c'est l'influence directe que Thierry Bouts et ses fils, Thierry et Albert, exercèrent sur les arts industriels de leur patrie d'adoption. Molanus appelle Bouts l'inventeur du paysage ; c'est effectivement de cette époque que datent les premières tapisseries faites avec des fonds de paysage, car on ne peut pas qualifier de ce nom les plans sans aucune perspective qu'on trouve, bien rarement d'ailleurs, dans les tapisseries flamandes antérieures à 1460. Il semble même que les peintres de tapisseries, ayant comme le sentiment de leur impuissance à rendre les effets du paysage aient cherché à les éviter.
Dans presque toutes les tapisseries antérieures à la seconde moitié du quinzième siècle! les sujets se détachent, soit sur un fond d'or mat, soit sur un semis de petites fleurs, de plantes ou de feuillages.
En observant de près les spécimens que la France possède, de l'industrie flamande à cette époque de transition, les tapisseries de Nancy, de la Chaise-Dieu, d'Aix, de Valenciennes, de Dijon (décrites dans l'ouvrage de M. Jubinal : les Tapisseries historiques), celles de David, du Musée de Cluny, il sera facile de constater que dès le commencement du XVIe siècle, les Flamands connaissaient tous les secrets du métier, toutes les ressources du coloris et étaient prêts à affronter les compositions des grands maîtres.
Tout ce qui pouvait assurer le brillant essor de cette fabrication de luxe qui touche de si près aux beaux-arts, lui fut prodigué, alors qu'elle put s'inspirer des modèles de Léonard de Vinci, de Raphaël, de Jean d'Udine, de Jules Romain, qu'elle eut pour guides les Van Orley, les M. Coxius, les Pierre de Campana, 'et des protecteurs comme Léon X, Jules II, François 1er, Charles-Quint et les Médicis.
A l'âge de vingt ans, Léonard de Vinci dessinait des cartons pour les tapisseries de Flandre.
« On confia à Léonard un carton d'après lequel on devait exécuter, en Flandre, une portière tissue de soie et d'or, destinée au roi de Portugal. Le carton représentait Adam et Ève dans le paradis terrestre, au moment de leur désobéissance. Léonard dessina en grisaille et à la brosse, plusieurs animaux dans une prairie émaillée de mille fleurs, qu'il rendit avec une précision et une vérité inouïes. Les feuilles et les branches d'un figuier sont exécutées avec une telle patience et un tel amour, qu'on ne peut vraiment comprendre la constance de ce talent. On y voit aussi un palmier auquel il a su donner un si grand ressort par la disposition et la parfaite entente des courbures de ses palmes que nul autre n'y serait arrivé. » (Vasari, tome IV, page 5.)
Malheureusement, ce carton qui, au temps de Vasari, appartenait à Octavien de Médicis, à qui il avait été donné par le neveu de Léonard, est perdu. Mais il nous reste les plus magnifiques spécimens de modèles que les grands maîtres aient jamais faits pour les manufactures de tapisseries : nous voulons parler des cartons d'Hampton-Court.
Commandés par le pape Léon X pour servir de modèles aux tapisseries destinées à orner, dans certains jours, les murs du presbytère dans la chapelle Sixtine, ces grands ouvrages furent commencés en 1614, et terminés l'année suivante. Ils étaient primitivement au nombre de onze, en y comprenant le Couronnement de la Vierge :1° a Pêche miraculeuse; 2° Conduis montroupeou ; 3° saint Pierre et saint Jean guérissant un paralytique ; 4° la Afort d'Ananie ; 5° Elymas frappé de cécité ; 6° saint Paul et sain : Barnabé à Lystm , 7° saint Paul prêchant ci Athènes ; 8° saint Paul en prison ; 9° le Martyre de saint Etienne,10° la Conoersion de saint Paul.
Les trois derniers sont perdus ; et on ne possède aucun renseignement sur leur sort ; les sept qui ont été sauvés ornent la galerie d'Hampton-Court. Ce sont de vrais tableaux coloriés à la détrempe, dont les teintes plates se relèves par des hachures à la craie noire, genre de peinture qui permet une exécution des plus rapides. « C'est dans ses cartons, dit M. Charles Clément (Études sur Raphaël), que se montrent dans tout leur éclat les plus éminentes qualités de Raphaël. Force et originalité de l'invention, beauté ·des types, explication simple ct dramatique du sujet, agencement clair et savant des groupes, distribution habile et large de la lumière, grand caractère des draperies, tout s'y trouve réuni ; rien de plus dramatique et de plus émouvant que saint Paul déchirant ses vêtements dans le Sacrifice de Lystra. » Raphaël n'y travailla pas seul, et dans plus d'un endroit, on reconnaît la main de ses élèves. Il avait, entre autres collaborateurs, un Flamand nommé Jean, qui excellait, dit Vasari, à peindre, d'après nature ; les fruits, les feuillages et les fleurs, bien qu'on pût lui reprocher un peu de sécheresse et de raideur il enseigna ce qu'il savait à Raphaël, qui ne tarda pas à le dépasser par l'harmonie et la douceur du coloris.
Le grand peintre envoya à Bruxelles Van Orlay et Michel, Coxius, de Malines ses habiles, élèves, pour diriger l'exécution de ces onze tapisseries, qui arrivèrent à Rome le 21 avril 1518.
« Rien n'est plus merveilleux ; et l'on conçoit avec peine comment il a été possible d'arriver à rendre avec de simple fils, tous les détails des cheveux et de la barbe et toute la souplesse des chairs, ces eaux, ces bâtiments, ces animaux, que l'œil prend pour l'ouvrage d'un habile, pinceau. Ce travail enfin, semble l'effet d'un art surnaturel plutôt que de l'industrie humaine. Ces tapisseries coûtèrent 700 écus » (Vasari). Elles furent volées par les Allemands, qui pillèrent Rome, en 1527 ; plus tard, elles furent transportées à Lyon : le pape Clément VII en offrit 100 ducats, mais le marché ne se conclut pas. Le connétable Anne de Montmorency les acheta, les fit réparer et les vendit au pape Jules III, en 1555. De nouveau volées en 1789, des juifs y entre les mains de qui elles tombèrent, après en avoir brulé une pour en tirer l'or qu'elle contenait, vendirent les autres à des marchands de Gènes. En 1808 ; le pape Pie VII les racheta. Chacune de ces tapisseries a coûté 2000 ducats d'or.
Quant aux cartons découpés en bandes longitudinales pour être mis sous la chaîne, ils restèrent en Flandre, et l'un d'eux était placé au-dessus de la porte de la fabrique où il avait été exécuté en tapisserie. Rubens les vit et les fit acheter par Charles 1er.Lors de la vente des objets d'art appartenant à ce prince, en 1649, ils ne trouvèrent pas d'abord acheteur à 300 livres. Cromwell s'en rendit alors acquéreur. A la même vente, à Hampton-Court, dix pièces de tentures dites d'Arras, contenant 826 yards, à 10 livres le yard, furent vendues 8200 livres. Dix tapisseries de Jules César de 717 yards à 9 livres le yard : 5019 livres.
Les cartons des cinquante-deux tableaux, petits sujets et arabesques, qui décorent la loge du Vatican, furent probablement l'œuvre de ce grand peintre, qui exécuta ces travaux, d'après de légères esquisses à la sépia de Raphaël.
Les ornements en stuc, les fleurs, les feuillages, les rinceaux étaient de Jean d'Udine, qui, dans ce genre de décoration, fut et est resté un inimitable artiste. Son talent se prêtait merveilleusement aux dessins pour tapisseries : il fut mis à contrinution. « Giovani peignit aussi les cartons de ces magnifiques tentures tissées d'or et de soie, que l'on conserve encore aujourd'hui au Vatican, et où folâtrent des enfants et des animaux, au milieu des festons ornés des armoiries du pape Léon X. On lui doit aussi les cartons de ces tapisseries pleines de grotesques, qui sont dans la première salle du Consistoire» (Vasari).
Nombre de personnes, connaissant l'aptitude des Florentins et des Vénitiens à filer l'or, n'hésitent
Pas à attribuer une origine italienne à certaines tentures de la Renaissance, tissées d'or et de soie, et dont les sujets sont empruntés aux maîtres d'Italie. Les Italiens, il est vrai avaient un grand talent comme brodeurs en or et en soie ; leur génie, leur esprit se prêtaient beaucoup mieux à ce travail de la broderie qu'à celui de là tapisserie ; celui-ci demande un long apprentissage, des soins et une attention sou tenus, et, en somme, il n'a jamais prospéré que dans les pays pauvres, ou il était organisé depuis longues années ; et ailleurs il n'a jamais vécu que grâce aux subventions de l'État ou à la munificence des princes. Les plus belles tapisseries qui ornent encore les palais et les églises d'Italie furent, comme nous l'avons vu. fabriquées en Flandre, et la manufacture de Florence, qui fut fondée par des ouvriers flamands, ne survécut pas aux Médicis.
Pierre-Louis Farnèse fit exécuter en Flandre les tentures représentant, d'après Francesco Salviati, différents sujets de la vie d'Alexandre le Grand. A la prière de Cristofano Hinieri et du maître flamand Jean Rost, ce même peintre retraça, en plusieurs scènes, l'Histoire de Tarquin et de Lucrèce. Ces sujets furent reproduits en tapisseries tissées d'or, de soie et de filoselle, d'une beauté extraordinaire.
Cosme 1er, de Médicis, qui avait déjà chargé Jean Bost d'exécuter en tapisseries, pour la Salle des Deux Cents, l'histoire de Joseph, d'après les dessins du Bronzino et de Pontormo, commanda alors un carton à Salviati. Pontormo avait fait un dessin représentant Jacob apprenant la mort de son fils Joseph et reconnaissant sa robe ensanglantée ; ailleurs, il avait retracé Joseph laissant son manteau entre les mains de la femme de Putiphar. Mais l'aspect terne et la' pauvreté du coloris de ces cartons déplurent au duc et aux ouvriers flamands qui reculèrent devant l'exécution. Salviati représenta Joseph expliquant à Pharaon le songe des sept vaches grasses et des sept vaches maigres ; il apporta à ce travail, dit Vasari, tout le soin et toute l'application imaginables : La composition est riche, abondante ; l'es figures sont variées et se détachent vigoureusement les unes des autres ; le coloris est plein de fraicheur et de vivacité, surtout dans les draperies et les habillements.
Ce fut la beauté de ces tapisseries qui engagea le duc à introduire cet art à Florence ; en conséquence, il le fit enseigner à quelques enfants qui sont devenus de très habiles ouvriers, sous la direction de_deux Flamands, Maestro Giovanni Rosso et Maestro Nicolo (Vasari). .
Charles-Quint, qui avait hérité , du chef de son père, Philippe le Beau, du comté de Flandre, protégea l'industrie de la tapisserie, qui reproduisit sous son règne les peintures des maîtres flamands et italiens ; il rémunéra largement B. Van Orley, dont les cartons servirent de modèles aux tentures rappelant les plus belles vues de la forêt de Soignes, où l'on voit l'empereur et les principaux seigneurs de la cour, prenant part à différents épisodes de chasse.
Les grandes salles des châteaux impériaux, les édifices publics étaient tendus de ces tapisseries représentant les batailles, les victoires et les conquêtes de l'empereur, la fuite de Soliman devant Vienne, la victoire de Pavie et la prise de François Ier.
Lorsque l'amiral de Coligny se rendit à Bruxelles pour y ratifier, au nom du roi de France, avec Philippe II, la trêve de Vaucelles, l'ambassade française fut reçue dans la grande salle du chateau, couverte d'une belle tapisserie de Flandre représentant la bataille de Pavie, la prise de François Ier, son embarquement pour l'Espagne et sa captivité à Madrid ; mais les français furent blessés du manque de courtoisie des Espagnols, dont Brusquet, le fou du roi, qui avait suivi l’ambassade, tira vengeance à sa manière.
Lorsque Charles-Quint, rassasié des hommes et des grandeurs, fut s'enfermer au couvent de Saint-Just, au fond de l'Estramadure, son historien nous apprend qu'il fit venir de Flandre vingt-quatre pièces de tapisseries, les unes en soie, les autres en laine, représentant des sujets divers, des animaux, des paysages, pour couvrir les murailles de sa retraite. Il y mourut le 21 septembre 1558, serrant contre sa poitrine un crucifix d'ivoire que l'impératrice agonisante avait tenu entre ses bras et laissant peut-être errer son dernier regard sur une belle tapisserie, à fond d’or, représentant l'Adoration des mages.
« Rien n'est en apparence plus sec qu'un inventaire, dit M. Beulé, et cependant un inventaire est la clef de bien des richesses. M. de Laborde, dans ses divers ouvrages, inspiré par une érudition ingénieuse, a fait ressortir tout ce qu'on pouvait tirer d'un inventaire. »
Celui de Marguerite d'Autriche, dressé à Malines en 1523 et 1524, nous révélerait à lui seul le caractère de cette princesse, qui fut une des femmes les plus éminentes et les plus accomplies
de son temps.

A la suite des livres qui composaient sa bibliothèque ; de ses tableaux, nous avons la liste des tapisseries qu'elle possédait et qu'elle légua, avant de mourir, à l'impératrice, à la reine de Hongrie, à des amis, à des serviteurs. On y voit entre autres 16 pièces de tapisseries à ses armes, 27 pièces à feuillages et chardons ; l'histoire d'Alexandre le Grand, celle de la reine Esther, des tentures à personnages et verdures, achetées à J. Artsteene : une autre grande tenture en 6 pièces ; qui lui avait été offerte par les habitants de Tournay, représentant « la Cité des Dames. »
Dans l'énumération des livres de Charles-Quint, nous retrouvons de vieux manuscrits illuminés richement, qui portent exactement les mêmes titres que beaucoup de tapisseries qui figuraient dans l'ancien mobilier des ducs de Bourgogne : 4 volumes de l'histoire de Regnault de Montauban, le livre du roman de la Roze, les Triomphes des Dames ; l'histoire du Saint-Graal, l'histoire de la
piteuse destruction de la noble et superlative cité de Troie la grande, l'histoire du roi Arthur, l'histoire du chatelain de Coucy et de la dame de Fayel, du bon roi Alexandre, de Jason ; etc.
C'était dans ces livres moult richement historiés que les princes choisissaient les sujets de tapisseries, dont ils faisaient surveiller l'exécution par leurs peintres.
Dans les comptes des recettes générales des Flandres (1448), nous remarquons la mention suivante:
« Jehan Coustain, varlet de chambre, a payé à Baudouin le painctre, pour les fraiz qu'il a faiz et soustenuz à estre venu en la ville de Bruges, pour lui montrer certains patrons qu'il avait faicts et paincts, pour la forme de certaines tapisseries que M. D. S. (Philippe le Bon) fait présentement hystorier de la Thoizon d'or, XXX liv. de XL gros. »
Les dessins du meuble et des sept pièces tissées d'or et de soie que Marguerite d'Autriche avait achetées de Pierre Panne marie de Bruxelles, représentant différentes scènes de la Passion, étaient probablement d'Albert Durer, qui avait, en même temps, donné les modèles de la Passion, de saint Jean et du tableau de la Vie humaine. C'est ainsi qu'on fit d'après Lucas de Leyde les Douze mois de l'Année et les Sept âges de la Vie.
Outre les, Chasses de Maximilien et de Charles-Quint, Van Orley exécuta les cartons pour des tapisseries destinées à la duchesse de Parme et seize pièces pour le prince de Nassau. Chacune de ces tapisseries du château de Bréda représentait deux personnages à cheval, un cavalier et une dame. C'étaient les ancêtres de la maison de Nassau ; en costumes historiques, tous dans des attitudes variées ne trahissant aucun effort et remarquables par la correction du dessin.
La pourtraicture en tapisserie de l'image des princes datait des premiers temps de cette industrie : Le duc Jehan (Jean sans Peur) et madame la duchesse étaient représentés dans onze tapis de haute lice, « tant à pied qu'à cheval au milieu de voleries, de plouuiers et de perdrix, »
Dans une lettre de Marguerite d'Autriche, nous lisons qu'un marchand de Bruxelles était chargé d'exécuter, pour le roi d'Aragon, une tapisserie retraçant la généalogie des rois d'Espagne,
Nous ne savons pas quel est le peintre qui avait dessiné les cartons d'une tapisserie offerte en 1525 par Vasco de Gama au roi de Bornéo, et qui représentait les Noces de Henri VIII d'Angleterre avec Catherine d'Aragon ; fille de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille ; mais nous n'hésitons pas à attribuer à Martin Van Veen, dit Martin Heemskerke, né dans le comté de Hollande, en 1478, une partie des modèles de tapisseries fabriquées à son époque, et qui représentaient les faits les plus mémorables du règne de Charles-Quint : entre autres, dans une série de 11 à 12 pièces, la guerre que l'empereur soutint contre le landgrave de Hesse, le duc de Saxe et les princes protestants. On retrouve dans plusieurs tentures de cette époque la manière de ce maître, qui avait travaillé à Rome, et dont les personnages sont habillé moitié à l’antique,
Moitié à la flamande. La ressemblance des personnages historiques doit être très grande, à en juger par le portrait de Charles-Quint, qui, dans une de ces pièces, figure assis sur son trône ; il est coiffé d'un casque de forme antique, surmonté de la couronne impériale, et porte une cuirasse dont le modèle a été emprunté à l'un des bas reliefs de la colonne Trajane ; à son cou est suspendu l'ordre de la Toison d'or. Une tapisserie sert de fond.
Michel Coxius, chargé conjointement avec Van Orley de surveiller l'exécution des cartons de Raphaël, avait peint à Home quantité de fresques, et entre autres deux chapelles à l'église de Santa-Marina de Anirna (Vasari) ; c'est à l'école des grands maîtres italiens qu'il prit ce caractère de gravité et de virilité qui distinguent ses compositions. Comme peintre de la ville, il touchait un revenu annuel de 50 florins, et il était chargé de fournir des dessins de tapisseries aux fabricants de Bruxelles.

Il eut pour successeur dans ces fonctions le Bruxellois Pierre de Kempener, dit Pierre de Campana. Cet artiste, dès 1529, avait excité l'admiration des Italiens par la manière remarquable dont il décora un arc de triomphe à Bologne, lorsque l'empereur Charles- Quint vint se faire sacrer dans celle dernière ville par le pape Clément VII. Pierre de Campana partit pour l'Espagne et se fixa à Séville vers 1537. Il fut un des principaux fondateurs de cette école espagnole, qui a brillé d'un si vif éclat au dix-septième siècle, et il eut en outre la gloire de compter, au nombre des élèves distingués qu'il forma, le divin Moralès.
Dans une délibération des magistrats de Bruxelles, nous retrouvons la preuve que Campana était de retour dans cette ville en 1563. En voici la traduction littérale :
« Par Taye, Brecht, etc., il a été avisé et résolu qu'on donnera et payera tous les ans, sur les revenus de la ville, à maistre Pierre de Kempener, peintre, la somme de 50 florins, comme maistre
Michel Coxu les a eus pour son salaire, de ce qu'il a entrepris à exécuter les patrons (patroonen) pour les tapissiers de cette ville, et cela dans les conditions qu'on déterminera. Fait le 15 mai1563. »
Avec des guides tels que Van Orley, Coxius et P. Campana, l'auteur de la belle Descente de Croix de Séville, devant laquelle Murillo s'agenouillait durant sa vie et au pied de laquelle il voulut être enterré, on ne doit pas s'étonner de la supériorité des fabriques de Flandres, et on reconnaîtra que les vieux maîtres tapissiers de Bruxelles étaient seuls dignes de fonder cette grande école des Gobelins.
Il semblerait que l'extension qu'avait prise alors le commerce des tapisseries et le grand nombre de commandes qui affluaient de toutes parts aient jeté une certaine perturbation dans cette fabrication. A côté des maîtres jaloux de conserver l'antique réputation de leur industrie, recherchant tous les moyens de la perfectionner, et produisant de véritables chefs-d'œuvre, il se trouvait des fabricants, peu soucieux de bien faire, ne considérant que le lucre, et compromettant l'avenir de la tapisserie. Les uns, sous prétexte de donner lustre à leurs tentures, ne se contentaient pas de retoucher les traits défectueux, mais au moyen de couleurs à la détrempe, qu'ils appliquaient sur les tapisseries, ils les transformaient en véritables toiles peintes. D'autres copiaient les dessins de leurs concurrents, et embauchaient des ouvriers qui n'avaient pas rempli de premiers engagements. On fabriquait dans des villes où l'absence de corporation organisée affranchissait de tous règlements, et mettait à l'abri de tout contrôle ; puis on apposait, sur des produits défectueux, la marque ou le chiffre d'une ville en renom.
Le commerce était, en partie, la proie de courtiers, qui, servant d'intermédiaires entre le fabricant et l'acheteur, vivaient aux dépens du premier, qu'ils exploitaient, soit en ne lui déclarant pas exactement les prix de vente, soit en augmentant lem commission de toutes sor les de frais supplémentaires ; et rendaient « à tel maître ses deniers, et soins infructueux, souhs umbre que le marchant qui auroit faict achat de telle tapisserie, seroit failly, devenu insolvent, ou ne tiendroit son jour de payement. »
Charles-Quint ou ses conseillers, comprenant quel discrédit de pareils abus pouvaient jeter sur une industrie qui était « mie des plus renommées et principales négociations du pays » ordonnèrent une enquête sérieuse, à la suite de laquelle furent promulgués à Bruxelles, le 26 mai1544, l'ordonnance, statut et edict, sur le faict et conduite du stil et métier des tapisseries.
Ces ordonnances, qui ne comprennent pas moins de 90 articles, méritent une étude serieuse. Elles traitent, nonseulement de la fabrication proprement dite, mais elles précisent les matières premières qu'on doit employer. Tout y est prévu, réglé, commenté depuis l'instant où le maître ouvrier organise son métier, jusqu'au jour où il reçoit le prix de son travail. Avec un pareil document, il est facile de se rendre un compte exact des procédés de fabrication de la tapisserie cette époque, de sa valeur, du salaire des ouvriers ; par lui, nous connaissons quelles lois régissaient alors le contrat d 'apprentissage, les rapports entre ouvriers et patrons, la propriété des dessins industriels, les marques de fabrique, la juridiction des corporations, les courtiers de commerce, en un mot, tout ce qui, de près ou de loin, touchait au commerce ou à l'industrie.
L'article 1er défend de fabriquer de la tapisserie hors des villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, Bruges, Audenarde, Allost, Enghein, Byns, Ath, Lille, Tournay et autres francs lieux, dans lesquels 10 métier sera organisé et régi par les ordonnances.
Pour avoir le droit de fabriquer ou de vendre des tapisseries, il fallait être bourgeois de naissance ou par achat, et avoir fait trois années d'apprentissage, sous un franc maître.
Les apprentis, qui étaient immatriculés sur le livre des mestiers de la ville, n'étaient pas admis au dessous de l'âge de huit ans, et perdaient le bénéfice de leur temps d'apprentissage, lorsqu'ils quittaient leur maître sans motif grave, avant d'avoir rempli leur engagement. Un maître ne pouvait pas avoir plus d’un apprenti ; on lui en passait un second, dans le cas seulement où il voulait apprendre le métier à son fils. Cette mesure avait pour but d'empêcher le maître de prendre un trop grand nombre d'apprentis, qu'il lui eût été difficile de diriger et d'instruire.
Au bout de trois ans, l'apprenti était reçu compagnon, mais il n'était admis à travailler avec un franc maitre qu'après avoir justifié de ses années d'apprentissage, et fidèlement rempli les engagements qu'il avait contractés. Il ne pouvait quitter le maitre qui l'occupait avant d'avoir terminé l'ouvrage commencé, soit qu'il travaillât à la journée ou à façon ; s'il abandonnait son travail plus d'une journée, sans excuse légitime, il perdait, pour la première fois un sol ; en cas de récidive, la somme était doublée, et, à la troisième fois, son maître pouvait lui retenir tout te qu'il lui redevait,
Tout apprenti compagnon ou ouvrier, qui dérobait ou laissait dérober des étoffes ou matières premières, sans en prévenir son maître, ne pouvait racheter sa faute qu'en restituant les objets volés, en faisant un pèlerinage à Saint-Pierre et Saint-Paul de Rome, ou en payant 20 carolus d'or ; en cas de récidive ; la peine était double, et le coupable était à jamais chassé du métier.
L'ouvrier qui, pour nuire à son patron, employait des matières défendues ou défectueuses, était condamné à faire, un pelerinage à Saint-Jacques en Galice, et était chassé du métier.
Il était interdit à tout ouvrier travaillant pour un maître, de faire, pour son propre compte, quelque ouvrage que ce fût, même pour en faire don ; il n'avait pas plus le droit de faire, dans sa maison, aucune espèce de travail, avant d'avoir achevé celui qu'il avait commencé chez son maître.
Un franc maître, qui avait commencé un travail, n'avait pas le droit d'aller travailler soit à la journée, soit à l'aune, au dehors ; avant d'avoir terminé l'ouvrage qu'il avait sur métier.
Les obligations des apprentis et compagnons envers leurs maîtres étaient rigoureusement tracées, mais comme on le verra plus loin, ces devoirs étaient réciproques.
Les apprentis et les compagnons étaient placés sous la sauvegarde des doyens et jurés du métier. C'était à eux à pourvoir les apprentis d'un autre maître, lorsque celui au service duquel ils étaient engagés venait à mourir, abandonnait le métier, ou les traitait. « hors de raison ; » dans ce cas, le maitre auquel on enlevait son apprenti ne pouvait pas en prendre un autre, avant l'expiration des années d'apprentissage de celui qu'il avait perdu.
Tout maître qui, pour bâter le travail, incitait ses ouvriers à négliger leur ouvrage, et à ne pas suivre leur patron (leur dessin), était suspendu de son métier pendant une année ; de plus il était condamné à indemniser la personne qui lui avait commandé le travail.
L'embauchage des ouvriers était puni d'une amende de dix carolus d'or.
Tout bourgeois qui voulait être admis à la maitrise ; après avoir justifié de ses trois années d'apprentissage, prêtait, devant les doyens et jurés, le serment de respecter et de faire respecter, par tous les siens, les ordonnances et règlements du métier : Avant de se mettre en ouvrage, il était tenu de choisir et de déposer une marque ou un chiffre, qui était inscrit sur le livre de la corporation, puis il déclarait quelle qualité de travail il avait l'intention de fabriquer ; car, suivant le prix de la tapisserie, il devait employer telles ou telles matières premières.
Dans l'ouvrage du prix de 24 patars et au-dessus, la chaîne devait être de filés de laine de Lyon, d'Espagne, d'Aragon, de sayette, ou de filé fait à la quenouille, et de semblables étoffes ; les laines devaient être aussi en belles matières, bien dégraissées et teintes en couleurs solides, Défense de se servir de soies mélangées de fils.
Dans l'ouvrage de ce prix ; les têtes et les traits des personnages devaient être profilés et ouvrés au fond de la tapisserie c'est-à-dire fabriqués par les mêmes procédés que les autres motifs. Cette recommandation interdit non seulement de peindre et de profiler les traits sur l'étoffe avec de la, couleur, mais encore de es faire à l’aiguille, en matière de broderie, travail qui, au premier abord, lorsqu'il est habilement fait, peut tromper les yeux des mieux exercés. Chaque pièce devait être faite en entier d'un seul morceau, avec les mêmes matières, dans la même réduction comme point ; les quatre coins devaient, aux quatre angles, s'appliquer exactement les uns sur les autres ; faute de se conformer à toutes ces prescriptions ; la tapisserie était saisie et confisquée au profit du seigneur,
Avant de terminer une pièce, le maître qui la fabriquait ou la faisait fabriquer sous sa responsabilité, faisait tisser, dans l'un des bouts, sa marque ou enseigne, et, à côté, la marque de la ville, « Afin que par telles enseignes et marques, soit cogneu, que ce soit ouvrage de la dicte ville, et d'un tel maistre ouvrier, et venant au prix de vingt et quatre patars susdicts et au dessus. »
En résumé, suivant le prix de la tapisserie, le fabricant était astreint à n'employer que les matières premières spécifiées, et surtout à une réduction de tissu déterminée.
Lorsqu'il y avait dans une pièce un défaut provenant d'une erreur de dessin ou de couleur, l'é toffe devait être entièrement refaite, dans la partie défectueuse, et il était expressément défendu de la dissimuler au moyen de couleurs fraîches qu'on aurait pu appliquer sur l'étoffe.
Comme certaines pièces restaient très longtemps sur le métier, lorsqu'elles étaient terminées, il était permis au fabricant de raviver les traits du visage et les nus ; au moyen de crayons rouges, blancs ou noirs, mais employés à sec. Encore ces sortes de retouches ne pouvaient-elles être faites que dans l'endroit même où la tapisserie avait, été exécutée, par le maître lui-même on une personne qu'il désignait, et qui devait, en outre, prêtern le serment de, se conformer aux ordonnances du métier.
Avant de prendre livraison de la marchandise qu'il avait comrnandée d'acheteur avait le droit de la faire visiter par les experts du métier qui , décidaient si elle avait été faite dans les conditions stipulées par la commande. Une fois cette formalité remplie, le fabricant était déchargé de toute responsabilité pour son travail.
Dès lors, il était défendu à qui que ce soit, même au propriétaire de la tapisserie, de la retoucher ou de la faire retoucher par qui que ce soit, sous aucun prétexte, sous peine de payer la valeur de la tapisserie, et en plus une amende de 20 carolus d'or. Dans le cas où une pièce était déchirée ou usée, ou si le propriétaire voulait y placer des armoiries, ou faire telles autres réparations. nécessaires, il devait, auparavant, en prévenir les maîtres jurés de la ville, et obtenir leur autorisation.
La contrefaçon des dessins était punie d'une amende de 30 carolus d'or, dont un tiers appartenàit à la partie lésée.
Tout fabricant qui, s'étant fait délivrer à crédit des matières premières, soit fil d'or, de soie ou de laine pour confectionner une pièce de tapisserie, la livrait et en touchait le prix sans prévenir son fournisseur et sans se libérer envers lui, était condamné, même après avoir payé son créancier, à faire un pèlerinage à Rome ; il pouvait racheter cette peine par 20 carolus d'or.
Il semble que les facteurs et courtiers exploitaient singulièrement les maîtres fabricants, puisque l'article 46 de ces ordonnances leur défend de s'occuper, à l'avenir soit de la vente, soit du placement des tapisseries, sous peine de voir confisquer leurs marchandises ; en même temps ; l'article 58 autorisait certains commerçants notables de Bergues et d'Anvers à s'occuper de la
vente et du courtage des tapisseries, à la condition toutefois de fournir bonne caution de jurer d'obéir et de respecter les ordonnances, d'être garants vis-a-vis du vendeur du prix de sa marchandise, et de la lui payer à jour fixé. Ils avaient droit, comme commission, de percevoir quatre deniers par gros de Flandre, sur le prix de vente, sans pouvoir réclamer aucune autre indemnité. Tout courtier qui dissimulait au fabricant le prix de vente, ou qui s'entendait en secret avec l'acheteur, payait a chaque contravention une amende de 100 carolus d'or.
Les doyens et jurés devaient veiller a la stricte observation de ces ordonnances. Tout membre ressortissant à la corporation était tenu de comparaître devant eux à, la première sommation, sous peine d'amendes très fortes ; à la quatrième citation restée sans effet, les doyens, jurés et anciens du métier avaient le droit de faire saisir le délinquant et de le corriger, à leur discrétion et arbitrairement. Ils devaient visiter, au moins une fois toutes les six semaines, les maisons des ouvriers, recueillir les plaintes et réclamations des uns et des autres, s'assurer si le travail s'exécutait suivant les prescriptions, et si l'on n'employait pas des matières prohibées.
Ils devaient tenir deux registres. Sur, le premier étaient inscrits les noms de tous les maîtres compagnons et apprentis du métier ; sur le second, ils notaient leurs observations et relevaient les contraventions, avec mention bien détaillée de leur nature. Ce livre était toujours à la disposition de l'officier de l'empereur, chargé de percevoir les amendes et d'appliquer les peines qui avaient été prononcées.
Toute dissimulation par eux d'une faute, tout faux rapport de leur part qui entraînait l'amende les rendait passibles de payer le quadruple de la somme. Mais, si la faute, qu'ils avaient sciemment omis de signaler était réputée crime, ils étaient condamnés soit à faire réparation, soit au bannissement ; dans tous les cas, ils étaient chassés du métier .
Ils scellaient du sceau de la ville et délivraient des certificats de maîtrise aux ouvriers qui, pour se perfectionner dans le travail, désiraient aller pratiquer dans une autre ville. Ils ne devaient admettre, dans la corporation de la cité, que les ouvriers munis de certificats en règle, et qui étaient libres d'engagements envers leurs anciens maîtres ; faute de s'en enquérir, ils devenaient eux mêmes responsables.
Les peines les plus sévères frappaient ceux qui apposaient sur leurs ouvrages la marque d'une ville dont ils n'avaient pas le droit de se servir ; leurs produits étaient confisqués, et eux-mêmes étaient corrigés arbitrairement.
Et quiconque contrefaisait, falsifiait, ou enlevait la marque d'un autre maître, avait le poignet droit coupé et était chassé du, métier.
Malgré la sévérité des peines attachées à certaines contraventions et délits, on doit reconnaître que, dans l'ensemble de ces ordonnances, règnent un profond sentiment de l'équité et la ferme volonté de protéger les intérêts de tous, du patron comme de l'apprenti.
Les articles relatifs à la fabrication de la tapisserie, dans lesquels on suit une pièce, depuis le jour où elle est commencée, jusqu'à celui de sa réception solennelle par les jurés et anciens du métier, ne pouvaient être que le fruit d'une étude sérieuse et d'une intelligente et longue pratique de cette industrie. La ville qui apposait ses armes sur une tenture à côté du nom de l'ouvrier, lui donnait une sorte de consécration, en faisait une œuvre nationale dont elle acceptait la responsabilité, en même temps qu'elle en revendiquait l'honneur.
Tapisserie tissée main à Aubusson Patrimoine de l'Unesco en 2009
Tapisserie d'Aubusson
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