Tapisserie-royale

TAPIS D'AUBUSSON
II



Les tapissiers sarrazinois et les tapissiers en haute lisse. - Le 1"' Livre des mestiers d'Estienne. Boyleaux, -Différents statuts organisant la corporation des tapissiers depuis saint Louis jusqu'en 1789.
tapis

Sans vouloir fatiguer le lecteur par une longue dissertation sur le genre véritable auquel appartenaient les tapis désignés au moyen âge, sous le nom de topu Sarrasinois, tapis Nostrez, tapis Velutz, tapis de Turquie, nous croyons utile d'indiquer quelles étaient les étoffes ainsi désignées.
Sarrazinois veut dire, selon nous, travail fait à la mode des Sarrasins. Comme les premiers tissus brodés étaient venus de l'Orient, on donna par extension le nom d'œuvre de Sarrazins à tout ce qui avait un cachet oriental. Bien avant les croisades, le goût pour les modèles venus de ces contrées s'était développé et, particulièrement pour les riches étoffes, de précieux spécimens étaient répandus en Occident. Le style arabe fut surtout recherché. Venise, qui faisait presque à elle seule tout le trafic des objets orientaux, ne se contenta pas de les importer, elle fabriqua à s'y méprendre des étoffes, des broderies, des bijoux imitant ceux de l'Orient et les répandit en Europe. Paris, les Flandres, Arras, adoptèrent ce genre avec succès, et on appela longtemps œuvre sarrazinoise , œuvre de Damas, des objets de fabrication occidentale, mais dont les premiers modèles avaient été apportés d'Orient.
Dans tous les inventaires ou comptes, les tapisseries sarrazinoises sont distinguées des tapisseries de haute et basse-lisse. Les premières sont désignées sous le nom de broderies, les autres sont appelées fil d'Arras, façon d'Arras, de Brabant, de Tournay.
Nous voyons dans l'inventaire des meubles, joyaux, tapisseries de Charles-Quint, à l'article Chambres (on appelait chambre non seulement une pièce de l'appartement, mais les tentures, tapis et tapisseries, qui composaient la décoration ; ce nom était donné particulièrement à la chambre à coucher) :
«Une riche tapisserie or et soye, assçavoir le chiel, dossier et couverture de lit, appelée la Chambre des Dames, faicte de font de soye cramoisi rouge, richement ouvrée, contenant, assçavoir :
«Neuf pieces de tapisserie vieille, trouées et faites à or de fille d'Arras, plains de dames portants oiseaulx et semez d'arbres et herbages... et le champ rose.» Cette chambre était évidemment tendue de tapisseries d'Arras, c'est-à-dire faites en haute ou basse lisse.
La description qu'on nous donne des étoffes garnissant d'autres chambres, montre qu'il s'agit de
tissus bien différents. .
«Une chambre appelée la chambre d'Utrecht, faicte à personnages d'or et de soye et de brodure sur satin cramoisi rouge... le tout doublé de toile rouge.
«Une vieille chambre de velours cramoisi, semée de brodures, etc., et au -milieu les armes de Hollande et de Bavière faictes d'or et d'argent en broderie.» :
Ces deux dernières chambres étaient donc tendues de tapisseries faites de broderie en soie et or, sur velours et satin, en travail sarrazinois,
Quelques articles de l'inventaire des' tapisseries du roi Charles VI, 11 mars 1421, lèvent tous nos
doutes à ce sujet :
« X. Item, Une chambre à façon sarazinoise vieille et usée, contenant ciel, dossier et couverture brodée autour de velours pers (bleu) brodée à fleurs de lys et doublée de toile vermeille, et en la couverture et dossier, les peaux de deux bêtes sauvages, en manière de panthère. Prisée quatorze livres parisis.
« XVII. Item. Une petite courte-pointe de façon sarrazinoise brodée sur cuir au milieu à veluyau pers (de velours bleu) un escu aux armes de Bourbon et deux pappegaulx doublé de toile perse (bleue) ; prisée quatre livres parisis.
« LV. Item. Une nappe de toile pour autel, brodée à façon des Sarrasins, contenant quatre aulnes trois quartiers de long et sept quartiers de large Prisée soixante sous parisis. »

Tapis point plat

Nous avons en France un des plus intéressants spécimens de la tapisserie sarrazinoise au moyen âge. C'est la célèbre tapisserie dite de Bayeux, qu'on attribue généralement à la reine Mathilde, femme de Guillaume le Conquérant. Sur une immense toile de lin de soixante-dix mètres de longueur sont brodés en laine les principaux faits de la conquête de l'Angleterre par les Normands.
Cet art de la broderie paraît être resté longtemps l'apanage des femmes en Occident ; nous savons que la reine Berthe filait, et que Charlemagne avait fait apprendre à ses filles à broder et à filer. Les Angles avaient inscrit dans un de leurs codes que l'amende ou la composition à payer pour le meurtre d'une femme sachant broder ou tisser les étoffes devait être d'un tiers plus élevée que le meurtre d'une autre femme appartenant à la même condition.
Les tapis nostrez (nost-rez), noués ras, étaient des tissus ras, lisses, qui s'employaient le plus souvent comme tapis de pied et qu'on appelait ainsi par opposition aux tapis veluz de Turquie, lesquels sont selon toute apparence les tapis qu'on désigne encore de nos jours sous le nom de tapis de Turquie ou de Smyrne.
Les inventaires les désignent d'une manière qui ne permet pas de les confondre avec les tapisseries de haute et basse lisse :
Ainsi dans l'inventaire des ducs de Bourgogne, de 1398, on lit:
« Pour douze tappis velutz du païs de Turquie, dont il y ena deux moyens et dix petits. »
Quoique nous n'ayons pas l'intention de faire, dans ce petit travail, l'histoire de la broderie, nous croyons utile de donner un extrait du Livre des mestiers d'Étienne Boyleaux, prévôt de Paris sous
Louis IX parce que c'est la plus ancienne pièce authentique que nous possédions concernant l'organisation du travail au moyen âge, les obligations auxquelles les mestiers étaient astreints et les privilèges dont ils jouissaient.
Louis IX avait réformé la prévôté de Paris, fonction qui se vendait à l'enchère et qui était remplie par deux bourgeois de la ville, lorsqu'un seul n'était pas assez riche pour l'acheter. Cette prévôté, comme la plupart des magistratures féodales, investissait le titulaire de droits arbitraires qu'il rendait souvent très onéreux pour les habitants, en même temps qu'il savait s'affranchir des devoirs de protection qu'elle lui imposait. Le roi nomma Étienne Boyleaux prévôt de Paris, et lui assigna des gages.
Boyleaux exerça ses fonctions avec zèle et intelligence ; c'est à lui qu'on doit l'établissement de la police de Paris ; il modéra et fixa les impôts qui, sous les prévôts fermiers, étaient perçus d'une manière tout à fait arbitraire sur les marchandises et le commerce. Il divisa les marchands et artisans en différents corps, et leur donna des statuts et règlements connus sous le nom de Livre des mestiers. Nous reproduisons plus loin le titre LI concernant les tapissiers sarrazinois, à la suite duquel on lit une requête que ces tapissiers présentèrent au roi Louis IX, pour réclamer l'exemption de faire le guet.
La police de Paris, composée de soixante sergents, moitié à pied, moitié à cheval et commandée par le chevalier du guet, était devenue insuffisante ; chaque nuit était marquée par des vols, des incendies et des crimes de toutes sortes. Paris et ses environs, dit Joinville, étaient remplis de voleurs et de malfaiteurs. Les Parisiens demandèrent au roi la permission de veiller eux-mêmes à leur sûreté et de faire le guet pendant la nuit, ce qui leur fut accordé en 1254, et c'est à cette garde, qui fut nommée le guet de mestiers ou des bourgeois, que la requête des Sarrazinois fait allusion.

Livre des métiers,Tapisserie d'Aubusson

 par Etienne Boyleaux : prévôt de Paris sous Louis IX. Rédigé vers 1260.

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