Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON TISSÉE MAIN IV

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Le grand peintre envoya à Bruxelles Van Orlay et Michel, Coxius, de Malines ses habiles, élèves, pour diriger l'exécution de ces onze tapisseries, qui arrivèrent à Rome le 21 avril 1518.
« Rien n'est plus merveilleux ; et l'on conçoit avec peine comment il a été possible d'arriver à rendre avec de simple fils, tous les détails des cheveux et de la barbe et toute la souplesse des chairs, ces eaux, ces bâtiments, ces animaux, que l'œil prend pour l'ouvrage d'un habile, pinceau. Ce travail enfin, semble l'effet d'un art surnaturel plutôt que de l'industrie humaine. Ces tapisseries coûtèrent 700 écus » (Vasari). Elles furent volées par les Allemands, qui pillèrent Rome, en 1527 ; plus tard, elles furent transportées à Lyon : le pape Clément VII en offrit 100 ducats, mais le marché ne se conclut pas. Le connétable Anne de Montmorency les acheta, les fit réparer et les vendit au pape Jules III, en 1555. De nouveau volées en 1789, des juifs y entre les mains de qui elles tombèrent, après en avoir brulé une pour en tirer l'or qu'elle contenait, vendirent les autres à des marchands de Gènes. En 1808 ; le pape Pie VII les racheta. Chacune de ces tapisseries a coûté 2000 ducats d'or.
Quant aux cartons découpés en bandes longitudinales pour être mis sous la chaîne, ils restèrent en Flandre, et l'un d'eux était placé au-dessus de la porte de la fabrique où il avait été exécuté en tapisserie. Rubens les vit et les fit acheter par Charles 1er.Lors de la vente des objets d'art appartenant à ce prince, en 1649, ils ne trouvèrent pas d'abord acheteur à 300 livres. Cromwell s'en rendit alors acquéreur. A la même vente, à Hampton-Court, dix pièces de tentures dites d'Arras, contenant 826 yards, à 10 livres le yard, furent vendues 8200 livres. Dix tapisseries de Jules César de 717 yards à 9 livres le yard : 5019 livres.
Les cartons des cinquante-deux tableaux, petits sujets et arabesques, qui décorent la loge du Vatican, furent probablement l'œuvre de ce grand peintre, qui exécuta ces travaux, d'après de légères esquisses à la sépia de Raphaël.
Les ornements en stuc, les fleurs, les feuillages, les rinceaux étaient de Jean d'Udine, qui, dans ce genre de décoration, fut et est resté un inimitable artiste. Son talent se prêtait merveilleusement aux dessins pour tapisseries : il fut mis à contrinution. « Giovani peignit aussi les cartons de ces magnifiques tentures tissées d'or et de soie, que l'on conserve encore aujourd'hui au Vatican, et où folâtrent des enfants et des animaux, au milieu des festons ornés des armoiries du pape Léon X. On lui doit aussi les cartons de ces tapisseries pleines de grotesques, qui sont dans la première salle du Consistoire» (Vasari).
Nombre de personnes, connaissant l'aptitude des Florentins et des Vénitiens à filer l'or, n'hésitent
Pas à attribuer une origine italienne à certaines tentures de la Renaissance, tissées d'or et de soie, et dont les sujets sont empruntés aux maîtres d'Italie. Les Italiens, il est vrai avaient un grand talent comme brodeurs en or et en soie ; leur génie, leur esprit se prêtaient beaucoup mieux à ce travail de la broderie qu'à celui de là tapisserie ; celui-ci demande un long apprentissage, des soins et une attention sou tenus, et, en somme, il n'a jamais prospéré que dans les pays pauvres, ou il était organisé depuis longues années ; et ailleurs il n'a jamais vécu que grâce aux subventions de l'État ou à la munificence des princes. Les plus belles tapisseries qui ornent encore les palais et les églises d'Italie furent, comme nous l'avons vu. fabriquées en Flandre, et la manufacture de Florence, qui fut fondée par des ouvriers flamands, ne survécut pas aux Médicis.
Pierre-Louis Farnèse fit exécuter en Flandre les tentures représentant, d'après Francesco Salviati, différents sujets de la vie d'Alexandre le Grand. A la prière de Cristofano Hinieri et du maître flamand Jean Rost, ce même peintre retraça, en plusieurs scènes, l'Histoire de Tarquin et de Lucrèce. Ces sujets furent reproduits en tapisseries tissées d'or, de soie et de filoselle, d'une beauté extraordinaire.
Cosme 1er, de Médicis, qui avait déjà chargé Jean Bost d'exécuter en tapisseries, pour la Salle des Deux Cents, l'histoire de Joseph, d'après les dessins du Bronzino et de Pontormo, commanda alors un carton à Salviati. Pontormo avait fait un dessin représentant Jacob apprenant la mort de son fils Joseph et reconnaissant sa robe ensanglantée ; ailleurs, il avait retracé Joseph laissant son manteau entre les mains de la femme de Putiphar. Mais l'aspect terne et la' pauvreté du coloris de ces cartons déplurent au duc et aux ouvriers flamands qui reculèrent devant l'exécution. Salviati représenta Joseph expliquant à Pharaon le songe des sept vaches grasses et des sept vaches maigres ; il apporta à ce travail, dit Vasari, tout le soin et toute l'application imaginables : La composition est riche, abondante ; l'es figures sont variées et se détachent vigoureusement les unes des autres ; le coloris est plein de fraicheur et de vivacité, surtout dans les draperies et les habillements.
Ce fut la beauté de ces tapisseries qui engagea le duc à introduire cet art à Florence ; en conséquence, il le fit enseigner à quelques enfants qui sont devenus de très habiles ouvriers, sous la direction de_deux Flamands, Maestro Giovanni Rosso et Maestro Nicolo (Vasari). .
Charles-Quint, qui avait hérité , du chef de son père, Philippe le Beau, du comté de Flandre, protégea l'industrie de la tapisserie, qui reproduisit sous son règne les peintures des maîtres flamands et italiens ; il rémunéra largement B. Van Orley, dont les cartons servirent de modèles aux tentures rappelant les plus belles vues de la forêt de Soignes, où l'on voit l'empereur et les principaux seigneurs de la cour, prenant part à différents épisodes de chasse.
Les grandes salles des châteaux impériaux, les édifices publics étaient tendus de ces tapisseries représentant les batailles, les victoires et les conquêtes de l'empereur, la fuite de Soliman devant Vienne, la victoire de Pavie et la prise de François Ier.
Lorsque l'amiral de Coligny se rendit à Bruxelles pour y ratifier, au nom du roi de France, avec Philippe II, la trêve de Vaucelles, l'ambassade française fut reçue dans la grande salle du chateau, couverte d'une belle tapisserie de Flandre représentant la bataille de Pavie, la prise de François Ier, son embarquement pour l'Espagne et sa captivité à Madrid ; mais les français furent blessés du manque de courtoisie des Espagnols, dont Brusquet, le fou du roi, qui avait suivi l’ambassade, tira vengeance à sa manière.
Lorsque Charles-Quint, rassasié des hommes et des grandeurs, fut s'enfermer au couvent de Saint-Just, au fond de l'Estramadure, son historien nous apprend qu'il fit venir de Flandre vingt-quatre pièces de tapisseries, les unes en soie, les autres en laine, représentant des sujets divers, des animaux, des paysages, pour couvrir les murailles de sa retraite. Il y mourut le 21 septembre 1558, serrant contre sa poitrine un crucifix d'ivoire que l'impératrice agonisante avait tenu entre ses bras et laissant peut-être errer son dernier regard sur une belle tapisserie, à fond d’or, représentant l'Adoration des mages.
« Rien n'est en apparence plus sec qu'un inventaire, dit M. Beulé, et cependant un inventaire est la clef de bien des richesses. M. de Laborde, dans ses divers ouvrages, inspiré par une érudition ingénieuse, a fait ressortir tout ce qu'on pouvait tirer d'un inventaire. »
Celui de Marguerite d'Autriche, dressé à Malines en 1523 et 1524, nous révélerait à lui seul le caractère de cette princesse, qui fut une des femmes les plus éminentes et les plus accomplies
de son temps.

A la suite des livres qui composaient sa bibliothèque ; de ses tableaux, nous avons la liste des tapisseries qu'elle possédait et qu'elle légua, avant de mourir, à l'impératrice, à la reine de Hongrie, à des amis, à des serviteurs. On y voit entre autres 16 pièces de tapisseries à ses armes, 27 pièces à feuillages et chardons ; l'histoire d'Alexandre le Grand, celle de la reine Esther, des tentures à personnages et verdures, achetées à J. Artsteene : une autre grande tenture en 6 pièces ; qui lui avait été offerte par les habitants de Tournay, représentant « la Cité des Dames. »
Dans l'énumération des livres de Charles-Quint, nous retrouvons de vieux manuscrits illuminés richement, qui portent exactement les mêmes titres que beaucoup de tapisseries qui figuraient dans l'ancien mobilier des ducs de Bourgogne : 4 volumes de l'histoire de Regnault de Montauban, le livre du roman de la Roze, les Triomphes des Dames ; l'histoire du Saint-Graal, l'histoire de la
piteuse destruction de la noble et superlative cité de Troie la grande, l'histoire du roi Arthur, l'histoire du chatelain de Coucy et de la dame de Fayel, du bon roi Alexandre, de Jason ; etc.
C'était dans ces livres moult richement historiés que les princes choisissaient les sujets de tapisseries, dont ils faisaient surveiller l'exécution par leurs peintres.
Dans les comptes des recettes générales des Flandres (1448), nous remarquons la mention suivante:
« Jehan Coustain, varlet de chambre, a payé à Baudouin le painctre, pour les fraiz qu'il a faiz et soustenuz à estre venu en la ville de Bruges, pour lui montrer certains patrons qu'il avait faicts et paincts, pour la forme de certaines tapisseries que M. D. S. (Philippe le Bon) fait présentement hystorier de la Thoizon d'or, XXX liv. de XL gros. »
Les dessins du meuble et des sept pièces tissées d'or et de soie que Marguerite d'Autriche avait achetées de Pierre Panne marie de Bruxelles, représentant différentes scènes de la Passion, étaient probablement d'Albert Durer, qui avait, en même temps, donné les modèles de la Passion, de saint Jean et du tableau de la Vie humaine. C'est ainsi qu'on fit d'après Lucas de Leyde les Douze mois de l'Année et les Sept âges de la Vie.
Outre les, Chasses de Maximilien et de Charles-Quint, Van Orley exécuta les cartons pour des tapisseries destinées à la duchesse de Parme et seize pièces pour le prince de Nassau. Chacune de ces tapisseries et une dame. C'étaient les ancêtres de la maison de Nassau ; en costumes historiques, tous dans des attitudes variées ne trahissant aucun effort et remarquables par la correction du dessin.
La pourtraicture en tapisserie de l'image des princes datait des premiers temps de cette industrie : Le duc Jehan (Jean sans Peur) et madame la duchesse étaient représentés dans onze tapis de haute lice, « tant à pied qu'à cheval au milieu de voleries, de plouuiers et de perdrix, »
Dans une lettre de Marguerite d'Autriche, nous lisons qu'un marchand de Bruxelles était chargé d'exécuter, pour le roi d'Aragon, une tapisserie retraçant la généalogie des rois d'Espagne,
Nous ne savons pas quel est le peintre qui avait dessiné les cartons d'une tapisserie offerte en 1525 par Vasco de Gama au roi de Bornéo, et qui représentait les Noces de Henri VIII d'Angleterre avec Catherine d'Aragon ; fille de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille ; mais nous n'hésitons pas à attribuer à Martin Van Veen, dit Martin Heemskerke, né dans le comté de Hollande, en 1478, une partie des modèles de tapisseries fabriquées à son époque, et qui représentaient les faits les plus mémorables du règne de Charles-Quint : entre autres, dans une série de 11 à 12 pièces, la guerre que l'empereur soutint contre le landgrave de Hesse, le duc de Saxe et les princes protestants. On retrouve dans plusieurs tentures de cette époque la manière de ce maître, qui avait travaillé à Rome, et dont les personnages sont habillé moitié à l’antique,
Moitié à la flamande. La ressemblance des personnages historiques doit être très grande, à en juger par le portrait de Charles-Quint, qui, dans une de ces pièces, figure assis sur son trône ; il est coiffé d'un casque de forme antique, surmonté de la couronne impériale, et porte une cuirasse dont le modèle a été emprunté à l'un des bas reliefs de la colonne Trajane ; à son cou est suspendu l'ordre de la Toison d'or. Une tapisserie sert de fond.
Michel Coxius, chargé conjointement avec Van Orley de surveiller l'exécution des cartons de Raphaël, avait peint à Home quantité de fresques, et entre autres deux chapelles à l'église de Santa-Marina de Anirna (Vasari) ; c'est à l'école des grands maîtres italiens qu'il prit ce caractère de gravité et de virilité qui distinguent ses compositions. Comme peintre de la ville, il touchait un revenu annuel de 50 florins, et il était chargé de fournir des dessins de tapisseries aux fabricants de Bruxelles.

Il eut pour successeur dans ces fonctions le Bruxellois Pierre de Kempener, dit Pierre de Campana. Cet artiste, dès 1529, avait excité l'admiration des Italiens par la manière remarquable dont il décora un arc de triomphe à Bologne, lorsque l'empereur Charles- Quint vint se faire sacrer dans celle dernière ville par le pape Clément VII. Pierre de Campana partit pour l'Espagne et se fixa à Séville vers 1537. Il fut un des principaux fondateurs de cette école espagnole, qui a brillé d'un si vif éclat au dix-septième siècle, et il eut en outre la gloire de compter, au nombre des élèves distingués qu'il forma, le divin Moralès.
Dans une délibération des magistrats de Bruxelles, nous retrouvons la preuve que Campana était de retour dans cette ville en 1563. En voici la traduction littérale :
« Par Taye, Brecht, etc., il a été avisé et résolu qu'on donnera et payera tous les ans, sur les revenus de la ville, à maistre Pierre de Kempener, peintre, la somme de 50 florins, comme maistre
Michel Coxu les a eus pour son salaire, de ce qu'il a entrepris à exécuter les patrons (patroonen) pour les tapissiers de cette ville, et cela dans les conditions qu'on déterminera. Fait le 15 mai1563. »
Avec des guides tels que Van Orley, Coxius et P. Campana, l'auteur de la belle Descente de Croix de Séville, devant laquelle Murillo s'agenouillait durant sa vie et au pied de laquelle il voulut être enterré, on ne doit pas s'étonner de la supériorité des fabriques de Flandres, et on reconnaîtra que les vieux maîtres tapissiers de Bruxelles étaient seuls dignes de fonder cette grande école des Gobelins.
Il semblerait que l'extension qu'avait prise alors le commerce des tapisseries et le grand nombre de commandes qui affluaient de toutes parts aient jeté une certaine perturbation dans cette fabrication. A côté des maîtres jaloux de conserver l'antique réputation de leur industrie, recherchant tous les moyens de la perfectionner, et produisant de véritables chefs-d'œuvre, il se trouvait des fabricants, peu soucieux de bien faire, ne considérant que le lucre, et compromettant l'avenir de la tapisserie. Les uns, sous prétexte de donner lustre à leurs tentures, ne se contentaient pas de retoucher les traits défectueux, mais au moyen de couleurs à la détrempe, qu'ils appliquaient sur les tapisseries, ils les transformaient en véritables toiles peintes. D'autres copiaient les dessins de leurs concurrents, et embauchaient des ouvriers qui n'avaient pas rempli de premiers engagements. On fabriquait dans des villes où l'absence de corporation organisée affranchissait de tous règlements, et mettait à l'abri de tout contrôle ; puis on apposait, sur des produits défectueux, la marque ou le chiffre d'une ville en renom.
Le commerce était, en partie, la proie de courtiers, qui, servant d'intermédiaires entre le fabricant et l'acheteur, vivaient aux dépens du premier, qu'ils exploitaient, soit en ne lui déclarant pas exactement les prix de vente, soit en augmentant lem commission de toutes sor les de frais supplémentaires ; et rendaient « à tel maître ses deniers, et soins infructueux, souhs umbre que le marchant qui auroit faict achat de telle tapisserie, seroit failly, devenu insolvent, ou ne tiendroit son jour de payement. »
Charles-Quint ou ses conseillers, comprenant quel discrédit de pareils abus pouvaient jeter sur une industrie qui était « mie des plus renommées et principales négociations du pays » ordonnèrent une enquête sérieuse, à la suite de laquelle furent promulgués à Bruxelles, le 26 mai1544, l'ordonnance, statut et edict, sur le faict et conduite du stil et métier des tapisseries.
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