Tapisserie-royale

TAPISSERIES D'AUBUSSON TISSÉES MAIN
VIII



Louis XIV - Fondation des Gobelins. - Histoire de cette fabrique depuis 1664 jnsqu'en 1789 - Beauvais.

La renaissance de l'industrie des tapisseries en France date véritablement du règne de Louis XIV. C'est à ce roi que nous devons le relèvement des fabriques de la Marche ; c'est lui qui, par les lettres patentes de 1604, réorganisa, en la tirant presque de l'oubli, la manufacture de Beauvais - lettres patentes dont nous citerons seulement le préambule:
« Comme l'un des plus considérables ouvrages de la paix qu'il a plu à Dieu de nous donner est celui du rétablissement de toute sorte de commerce dans ce royaume, et de le mettre en état de se passer de recourir à des étrangers pour les choses nécessaires à l'usage et à la commodité de nos sujets .... »
Les lettres patentes concernant la manufacture des Gobelins nous disent aussi quels sont les motifs qui ont inspiré le fondateur:
« La manufacture des tapisseries a toujours paru d'un si grand usage et d'une utilité si considérable que les estats les plus abondants en ont perpétuellement cultivé les establissements, et attiré dans leur pays, les ouvriers les plus habiles, par les grâces qu'ils leur ont faites. En effet, le roy Henry le grand, notre ayeul, se voyant au milieu de la paix, estima n'en pouvoir mieux faire goûter les fruits à ses peuples qu'en rétablissant le commerce et les manufactures, que les guerres étrangères et civiles avaient presque abolies dans le royaume, et pour l'exécution de son dessin, il aurait, par son édit du mois de janvier 1607, établi la manufacture de toutes sortes de tapisseries, tant dans notre bonne ville de Paris, qu'en toutes les autres villes qui s'y trouveront propres, et préposé à l'établissement et direction d'icelles, les sieurs Coomans et de la Planche, auxquels par le même édit, l'on aurait accordé plusieurs privilèges et avantages. Mais comme ces projets se dissipent promptement, s'ils ne sont entretenus avec beaucoup de soin et d'application, et soutenus avec dépense ; aussi les premiers establissements qui furent faits, ayant été négligés et 'interrompus pendant la licence d'une longue guerre, l'affection que nous avons pour rendre le commerce et les manufactures florissantes dans nostre royaume, nous a fait donner nos premiers soins, après la conclusion de la paix générale, pour les rétablir et pour rendre les établissements plus immuables en leur fixant un lieu commode et certain, nous aurions fait acquérir de nos deniers l'hostel des Gobelins et plusieurs maisons adjacentes, fait rechercher les peintres de la plus grande réputation, des tapissiers, des sculpteurs, des orphévres, ébénistes et autres ouvriers plus habiles, en toutes sortes d'arts et mestiers, que nous y aurions logés, donné des appartements à chacun d'eux et accordé des privilèges et advantages ; mais d'autant que ces ouvriers augmentent chaque jour, que les ouvriers les plus excellens de toutes sortes de manufactures, conviés par les grâces que nous leur faisons, y viennent donner des marques de leur industrie, et que les ouvrages qui s'y font surpassent notablement en art et en beauté ce qui vient de plus exquis des pays estrangers, aussi, nous avions estimé qu'il estoit nécessaire, pour l'affermissement de ces establissements, de leur donner une forme constante et perpétuelle et les pourvoir d'un règlement convenable à cet effet. A ces causes et autres considérations, à ce nous mouvans, de l'advis de nostre conseil d'état, qui a vu l'édit du mois de janvier 1607 et autres déclarations et règlements rendus en conséquence et de nostre certaine science, pleine puissance et authorité royale, nous avons dit, statué, ordonné, disons, statuons et ordonnons ainsi qu'il en suit:

ART. 1
C'est à scavoir que la manufacture des tapisseries et autres ouvrages demeurera establie dans l'hostel appelé des Gobelins, maison et lieux et deppendances a nous appartenant, sur la principale porte duquel hostel sera posé un marbre au dessus de nos armes dans lequel sera inscript : « Manufacture royalle des meubles de la couronne.»

ART. II
Seront les manufactures et deppendances d'icelles régies et administrées par les ordres de nostre amé et féal conseiller ordinaire en nos conseils, le sieur Colbert, surintendant de nos bastimens, arts et manufactures de France et ses successeurs en ladite charge.

ART. III
La conduite particulière des manufactures appartiendra au sieur le Brun, nostre premier peintre, soubs le titre de directeur, suyvant les lettres que nous lui avons accordées le 8 mars 1663, etc.

ART. IV
Le surintendant de nos bastimens et le directeur soubs lui, tiendront la manufacture remplie de bons peintres, maistres tapissiers de haute lisse, orphévres, fondeurs, graveurs, lapidaires, menuisiers en ébène et en bois, teinturiers et autres bons ouvriers, en toutes sortes d'arts et mestiers qui sont establis et que le surintendant de nos bastimens tiendra nécessaire d'y establir .
Par l'article 5, il est dit que le trésorier général des bâtiments royaux est chargé du paiement des personnes de la manufacture.
Les articles 6, 7, 8, 9 et 10 ont trait à l’éducation et à l'entretien des apprentis, qui seront au nombre de 60, choisis par le surintendant et placés dans le séminaire du directeur.
Ils pourront, après six années d'apprentissage et quatre années de service, être reçus maîtres, tant dans la bonne ville de Paris que dans toutes les autres du royaume, sans faire expérience, n’y estre tenus d'autre chose que de se présenter devant les maistres et gardes desdites marchandises, arts et mestiers.

ART. XI
Les ouvriers employés dans lesdites manufactures se retireront dans les maisons les plus proches de l'hostel des Gobelins, et afin qu'ils y puissent estre, eux et leurs familles, en toute liberté, voulons et nous plaist que douze des maisons dans lesquelles ils seront demeurant, soient exemptes de tout logement des officiers et soldats.
Les ouvriers étrangers employés dans les manufactures, jouiront de tous les droits des regnicoles, seront exempts de tutelles, curatelles, guet, garde de ville et, autres charges publiques et personnelles, (articles 12 et suivants).
Sera loisible au directeur de faire dresser des brasseries de bière pour l'usage des ouvriers, etc.
Tous les procès civils que les ouvriers de la manufacture, leurs familles et domestiques pourraient avoir, en différentes juridictions, sont renvoyés en première instance par devant les maistres des requestes ordinaires de notre hostel, et par appel, en nostre cour de parlement de Paris (art. 16).
Et au moyen de ce que dessus, nous avons faict et faisons très expresses inhibitions et deffenses à tous marchands et autres personnes de quelque qualité et condition qu'elles soyent, d'achepter ny faire venir des pays estrangers des tapisseries, ny vendre ou débiter aucune des manufactures estrangères ou autres que celles qui sont présentement dans nostre royaume, à peine de confiscation d'icelles et d'amende de la valeur de la moitié des tapisseries confisquées, etc.
Donnons, en mandement, etc., etc à Paris au mois de novembre 1667. Signé Louis.
L'établissement des Gobelins était donc à son origine, une école professionnelle des beaux-arts appliqués à l'industrie. Nous empruntons à M. A. L. Lacordaire, ancien directeur de la manufacture des Gobelins, qui en a écrit l'histoire, le nom de 49 peintres qui travaillèrent sous la direction de Lebrun, de 1653 à 1690.
Alexandre, peintre d'histoire; de Saint-André, p.h ; Anguier, peintre d'ornements et d'architecture; Arvier, peintre d'animaux; Audran, p.h.; Bailly, peintre en miniature; Ballin, p.h.; Baudouin, p.h.; Boels, peintre d'animaux; Bonnemer, p.h. ; Boulle, peintre d'animaux; Boullongne l'ainé, p.h.; Boullongne le jeune, p.h. ;j Bourguignon, p. paysage; Bouzonnet-Stella , p. h.; Michel Corneille, p. h.; Corneille le jeune, p. h. ; Courant, p. h. ; Noël Coypel, p. h.: Coypel fils (Antoine), p. h.; Simon Dequoy, p. h.; Dubois, peintre de fleurs et d'ornements : Francart, peintre d'ornements ; de Fontenay, p. fleurs ; Genouels, peintre h. et paysages; Houasse, peintre d'histoire ; Lefebvre, p. h.; de Licherie , p. h.; Loir, peintre de paysages, animaux et ornemeiits ; Masson, p. d'architecture ; Mathieu, p. port et marines; Mosnier, p. h.; Le Moyne, dit le Lorain, p. h.; Le Moyne, dit le Troyen, peintre d'ornements; Nivelon, dessinateur ; Paillet Antoine, p. h. ; Parent, p. ornements; Pattigny, dessinateur; Pierson, p. h. ; Hemondon, p.h. ; Revel, p. h, ; de Sève l'aîné, p. h. ; de Sève le jeune,p. h. ; Simon, p. h.; Testelin Henri, p. h.; Verdier , p.h.; Yvart, fils, p. d'h.
Vers la fin de l'année 1662, commença la fabrication des tapisseries pour le compte du roi, sous la conduite de Jans (habile tapissier venu d'Oudenarde en 1560 avec plusieurs de ses cornpatriotes) à qui furent plus tard adjoints d'abord Girard Laurent, puis Pierre et Jans Lefebvre, tapissiers hauts lissiers. Pierre Lefebvre, d'une famille d'origine française, était établi à Florence et vint en France en 1648. Jean de la Croix et Mezin, tapissiers bas lissiers flamands; Verrier, tapissier bas lissier rentrayeur (très probablement venu des fabriques d'Aubusson), van der Kerchove, teinturier, «ayant soin de marquer les ouvrages de tapisserie qui se font aux Gobelins.» Le prix de l'ouvrage se faisait aux Gobelins comme encore de nos jours à Aubusson: au bâton carré. Le bâton est le seizième de l'aune. Cette façon de mesurer l'ouvrage au bâton vient de Flandre. L'aune flamande était moins longue; 16 bâtons de l'aune de France équivalaient approximativement à 48 bâtons de Flandre.
Les comptes entre le roi et les entrepreneurs se réglaient au bâton de France; et les entrepreneurs faisaient prix avec leurs ouvriers au bâton de Flandre.
En sachant que l'aune ancienne égale 1 mètre 31 cent., et qu'une somme d'argent du temps de Louis XIV représente environ six fois sa valeur actuelle, il sera facile de se rendre compte du prix de revient des tapisseries au dix-huitième siècle.
« Avant que de monter une pièce sur le métier, on couche le dessin ou tableau par terre; l'on mesure séparément toutes les parties du dit tableau selon les diverses qualitez d'ouvrages; l'on calcule exactement chaque prix des bâtons de différents ouvrages; l'on passe 6 livres pour l'employ de l'or par aune carrée, lorsqu'il y en a; l'on passe aux maistres, pour leur conduite, 30 livres par aune carrée; l'on ajouste la valeur des estoffes fournies par le maistre, lesquelles il achète dans la maison des Gobelins, pour être assuré de la bonté des dites estoffes et des couleurs; et l'on voit ce à quoi la pièce reviendra, et par conséquent l'aune carrée.
« Sur ce, fondement, le concierge fait des payements à compte, tous les trois mois; sur les marques ou mesures qu'il fait, sur chaque pièce, à chaque maistre, auquel il donne en payement les estoffes livrées pendant le quartier.
« L'on fait venir les laines d'Angleterre, par bouchons, à Calais et sur les côtes de France, à la dérobée, y aïant des défenses en Angleterre d'en passer sur peine de la vie. On les file autour d'Amiens et on les livre filées, blanches, choisies par le concierge et les tapissiers qui rebutent tout ce qui n'est pas d'une égale finesse, moyennant cinquante-cinq sols la livre. Il coûte encore quatre sols par livre, pour les dégraisser, et elles sont teintes dans la maison.
« La laine en chaisne vaut un écula livre. On fait venir de Lyon les soies que les marchands vendent à la botte, qui n'a que 15 onces et que l'on vend aux tapissiers dans la maison, à la livre de 16 onces, réduisant, pour cet effet, le prix de la botte à la livre, ce qui revient à la même chose. La botte de grenadine très fine, couleur de nuances ordinaires; vaut 14
« La botte de Cramoisy . . . . . . . . . . . .. 18
« La botte de Ponceau . . . . . . . . . . . .. 38
« II faut observer qu'en la présente année 1688, Mgr de Louvois a projet de faire venir de Lyon de la soie toute blanche et de la teindre dans la maison comme laine. » (Extrait d'un Mémoire sur la manufacture des Gobelins par M. de la Chapelle Bessé, architecte intendant des bâtiments du Roy, etc.).
Le prix des façons de la haute lisse était à peu près le double de celui du travail en basse-lisse. La valeur des estoffes (des matières premières) dans les tapisseries en haute lisse était évaluée au quart du prix des façons, et dans celles en basse lisse à la moitié.
Les ateliers des Gobelins comptaient, à cette époque, deux cent cinquante ouvriers environ. L'entrepreneur Jans en avait, à lui seul, soixante-sept sous sa direction : La plupart étaient Belges, d'Anvers, de Bruxelles, de Bruges, etc. De 1663 à 1690, on exécuta, dans la manufacture royale, 19 tentures en haute lisse, d'une surface totale de 4100 aunes carrées, payées aux maîtres, tapissiers entrepreneurs 1 106 275 livres, et 34 tentures en basse lisse. représentant 4294 aunes carrées, payées aux entrepreneurs 623 601 livres, soit 145 liv.70 1’aune carrée.
Voici le détail des travaux exécutés en haute lisse (1) :
Les actes des Apostres, en dix pièces, rehaussées d'or, 40 aunes 1/2 de cours sur 3 aunes 2/3 de haut , d'après Raphaël, et une ancienne tenture de la Couronne, copiée, dit-on, par le frère Luc, religieux de l'ordre de saint François.
Trois tentures des Eléments, rehaussées d'or, en huit pièces, de 38 aunes 10/16 de cours sur 4 aunes 2/16 de haut. Dessins de Lebrun, peintures d'Yvart père, Dubois, Genouëls, Houasse et de Sève.
Une tenture rehaussée d'or, de l'hystoyre du Roy, en quatorze pièces, d'après Lebrun et van der Meulen.
L'entrevue des Roys, l'Audience du Légat, la prise de Dunkerque, la prise de Lille, le Mariage du Roy, la prise de Dôle, la prise de Marsal, l'Alliance des Suisses, la prise de Tournay, la défaite de Marsin, l'entrée du Royaux Gobelins, le Sacre du Roy, la prise de Douay.
Ce que Laurent et Lefebvre firent de cette tenture leur fut payé 400 livres l'aune carrée; le reste fut payé à Jans 450 livres l'aune carrée.

(1) Extraits d'un mémoire de M. Mesmyn, premier secrétaire des bâtiments

Quatre tentures de l'histoire d'Alexandre, sur les dessins de Lebrun qui, en outre, peignit les originaux de cette tenture.
Deux tentures des mois, rehaussées d'or, d'après Lebrun et van der Meulen. Plusieurs peintres travaillèrent aux tableaux, suivant leur spécialité: Yvart père fit la plupart des grandes figures; Baptiste, les fleurs et les fruits; Boulle, les animaux et les oiseaux; Anguier, l'architecture ; van der Meulen, les petites figures et une partie du paysage; Genouels et Baudouin, le reste du paysage.
La première tenture coûta au roi 70 500 livres, la deuxième, 79 981 livres.
Deux tentures de l 'hystoire de Moïse, rehaussées d'or; d'après le Poussin et Lebrun.
La première de ces tentures en dix pièces, la seconde en onze pièces ; 46 aunes 1/2 de cours sur 2 aunes 14/16 de haut.
La première a coûté 3 542 livres; La seconde, 32 924 livres.
Deux tentures, rehaussées d'or, d'après les dessins de Raphaël, sur les copies faites par les élèves de l'Académie; de 65 aunes 8/16 1/2 de cours, sur 4 aunes 1/4 de haut.
La première tenture coûta 67 062 livres; La seconde, 66 285 livres.
La Vision de Constantin, l'École d'Athènes, Héliodore battu de verges, sont de Lefebvre.
La bataille contre Maxence, saint Léon arrêtant Attila, l'Incendie del Borgo, la Messe de Bolsené, ont été fabriquées par Jans.
Une tenture, d'après les tableaux de la galerie de Saint-Cloud, de Mignard, en six pièces rehaussées d'or; 34 aunes de cours sur 4 aunes 1/16 1/2 de haut. Cet ouvrage de Jans revint à 260 livres l'aune carrée. Les modèles furent peints, savoir: l'Été et le Parnasse, par Simon Dequoy ; le Printemps, par, Baptiste; l'Automne et Latone, par Remondon; l'Hiver, par Bourguignon.
Les tentures, d'après Raphaël et Jules Romain, exécutées en 1688 et années suivantes, ont été payées 380 francs l'aune carrée à Jans, de 360 francs l'aune carrée à Lefebvre, conformément au tarif arrêté par Louvois (1).

(1) Toutes les indications relatives au prix des travaux sont tirées de l’ouvrage de M. Lacordaire. Nous avons pu à différentes reprises, vérifier exactitude des renseignements que sa position de directeur des Gobelins lui a permis de puiser aux meilleures sources.



Dans les comptes de bastiments du Roy, on trouve que van der Meulen toucha en 1665 4000 livres pour huit mois d'appointements ;
Baptiste Monnoyer, peintre de fleurs travaillant aux Gobelins, reçoit, en 1668, 200 livres pour ses appointements de l'année.
Nicasius , Bernard, peintre d'animaux, reçoit aussi 200 livres.
A Lebrun succéda P. Mignard, déjà d'un âge trop avancé pour qu'il lui fut possible d'occuper utilement cette charge. Les cinq dernières années de la vie de ce peintre furent employées à ne faire que quelques portraits et des sujets religieux, à la réserve d'Apollon et Daphné et de Pan et Syrinx, qui lui avaient été commandés par le roi d'Espagne. La partie active de la direction des Gobelins fut confiée à M. de la Chapelle-Bessé, architecte, intendant des bâtiments du Roi.
En 1692, on met en œuvre la tenture dite des Indes, dont les modèles originaux, en huit tableaux exécutés aux Indes, représentant des animaux, des fleurs, des paysages, avaient été donnés au roi par un prince d'Orange, et raccommodés de 1687 à 1692 par Fontenay Houasse, Bonnemer, Desportes et Yvart, pour faire en tapisserie. On travaille également à la tapisserie de la galerie de Saint-Cloud, d'après Mignard, et à celle des Arabesques de Raphaël, arrangée par N. Coypel, en huit pièces.
Au mois d'avril 1694, la manufacture des Gobelins fut fermée par suite de l'impossibilité dans laquelle on se trouve de pouvoir payer le personnel. Jans et Lefebvre, plus touchés par rapport à quarante « familles de pauvres ouvriers qu'ils faisaient qu’à subsister, qu'à leurs propres intérêts », proposèrent à M. de la Chapelle Bessé de réformer le tiers de leur total. Cela ne suffit pas, il fallut congédier tous les ouvriers; 21 s'engagèrent dans l'armée; 23 retournèrent en Flandre, et une autre partie à Beauvais, où Behagle, directeur de la manufacture, les employa pendant quelques années aux tapisseries qu'il faisait pour le roi et le commerce.
La fabrique de Beauvais, qui travaillait surtout en basse lisse, pouvait, grâce à ce mode de fabrication, exécuter des travaux de tapisserie à un prix bien inférieur aux ouvrages des Gobelins. Un mémoire de M. Belle, de décembre 1772, expose très clairement les motifs de cette différence de prix:
1 ° « Les métiers de haute lisse sont situés perpendiculairement, l'ouvrier ne peut travailler que de la main droite, la main gauche luy servant uniquement à la recherche, séparation et croisure de ses fils. L'ouvrier de basse lisse, par la situation et construction de son métier, posé horizontalement, a ses deux mains à luy, par le service de ses pieds qui forment, ainsi que pour le tisserand, la croisure de ses fils, qui se présentent sous sa main croisés et divisés; ce qui accélère considérablement son opération.
2° « L'ouvrier de haute lisse copie son tableau, pour ainsi dire à vue, n'ayant pour le conduire qu'une trace légère qu'il fait lui-même sur sa chaîne, qu'il est obligé de vérifier souvent au compas dans les parties de sujession, ce qui luy prend un temps considérable sans avancer son ouvrage.
3° « Les ouvriers de haute lisse perdent plus que la valeur d'un jour par semaine pour dévider leurs couleurs, et ceux de basse lisse reçoivent les leurs toutes dévidées et n'ont aucun temps à perdre avant de les employer ... Ces raisons ont été plus que suffisantes pour faire la différence des prix de tarifs de haute lisse par comparaison avec ceux de la basse lisse. »
La fabrique de Beauvais atteignit parfois la perfection de celle des Gobelins et fut toujours de beaucoup supérieure à celle d'Aubusson. Mais si les procédés de fabrication sont les mêmes dans ces deux villes, il faut dire tout de suite que les moyens de production ont toujours été bien différents. Aubusson et Felletin ont pour ainsi dire été livrées à leurs propres ressources. Situées dans un pays éloigné de la capitale, n'ayant pas, comme Beauvais, les commandes du roi et de la cour, qui permettent à cette manufacture d'entretenir constamment un personnel d'élite, elles durent, chercher, dans une production à bon marché, le débit de leur fabrication. Les priviléges que Louis XIV accorda à Aubusson, par lettres patentes de 1665, consistaient : dans la réglementation de la fabrique; le droit de faire juger les procès de commerce par le juge de la ville à la forme des juges consuls establis dedans les villes, le titre de Manufacture royale, la promesse d'une décharge des tailles, du logement des gens de guerre, et celle d'envoyer un bon peintre et un bon teinturier. Cette dernière mesure ne reçut son exécution que sous Louis XV. Ainsi, tandis que la fabrique de Beauvais, dirigée par Oudry, exécutait, sur des modèles de choix, des tapisseries destinées aux châteaux royaux et qui étaient largement payées, celles de la Marche, n'ayant pour guides que de mauvaises peintures, étaient réduites à solliciter la clientèle des bourgeois de l'Auvergne et du Limousin et des églises de province. Avant de songer à faire de l'art, il fallait vivre.
Les produits de Beauvais, depuis la réorganisation de sa manufacture, 1664, ont toujours été très remarquables, comme tissu, choix des matières et finesse du coloris. Ces qualités qui se retrouvent dans toutes les pièces sorties de cette fabrique, fleurs, paysages, natures mortes, sujets de genre et historiques, s'expliquent suffisamment par les encouragements de toutes sortes dont elle a été l'objet et le choix des directeurs que nous verrons s'y succéder jusqu'à nos jours.
L'interruption des travaux aux Gobelins fut de courte durée. Les ateliers, il est vrai, avaient été fermés officiellement; le roi ne payait plus rien, mais les entrepreneurs n'avaient pas pu se décider à renvoyer complètement leur personnel, ils avaient conservé quelques-uns de ces ouvriers de choix qu'ils faisaient travailler à leurs dépens.
Lorsque Jules Hardouin Mansard fut nommé, en 1699, surintendant des bâtiments, arts et manufactures du royaume, les Gobelins, retrouvèrent toute leur activité. La même année, nous voyons Jans et Lefebvre faire exécuter 97 aunes et demie de tapisserie de haute lisse, d'une valeur totale de 55 505 liv. 5 sous 11 deniers. De la Croix père et fils, Souette et de la Fraye font exécuter 214 aunes et demie carrées, en basse lisse, d'une valeur de 25701 liv. 11 sous 3 deniers.
Sous l'administration de Mansard, et sous celle du duc d'Antin, son successeur (1708 à 1736), à part les fruits de la guerre (tenture en 8 pièces, composé sur des tapisseries données à Mazarin par D. L. de Haro), nous retrouvons des modèles précédemment exécutés: l'histoire de Psyché, les Actes des apôtres; la tenture du Vatican, les arabesques de Raphaël, les mois, les saisons, les éléments, les enfants jardiniers, les batailles d'Alexandre et la tenture des Indes. La seule tenture fabriquée aux Gobelins sur de nouveaux modèles, pendant l'administration du duc d'Antin, fut celle des chasses de Louis XV, d'après Oudry, qu'on chargea d'en suivre l'exécution.
M. Orry, nommé en 1736, contrôleur général des Finances, rétablit l'école de dessin, à la tête de laquelle fut placé Leclerc. Sous son administration, de Troy exécuta les peintures de l'histoire d'Esther, et celle de Jason; Restout et Jouvenet : des scènes du Nouveau Testament, le Baptême de Notre-Seigneur, le Lavement des pieds, la Cène, la Pêche miraculeuse, etc.; Carle Vanloo: Thésée domptant le taureau, Neptune et Animone, et un tableau d'enfants; Natoire: l’arrivée de Cléopâtre en Sicile, le Repas de Cléopâtre et de Marc- Antoine, le Triomphe de Marc-Antoine; Colin de Vermont : Roger chez Alcine ; et Desportes refit complètement les modèles de l'ancienne tenture des Indes, en 8 pièces.
Pendant la période de l'administration de M. Osry, et sous celle de M. de Tournechem, son successeur, la manufacture des Gobelins n'eut guère, en fait de modèles, que ceux de.Ch. Coypel, qui comprennent : Rodogune et Cléopâtre (scène de théâtre), - Roxane et Attalide, Hercule ramenant Alceste à Admète, Psyché abandonnée par l'Amour, le Sommeil de Renaud, l'Evanouissement d'Armide au départ de Renaud, la Destruction du palais d'Armide, et 21 sujets de l'histoire de Don Quichotte. La destruction du Palais d'Armide, tableau qui ne mesurait pas moins de 19 pieds de long, lui fut payé 2 000 livres.
Un dissentiment profond s'éleva en 1748, entre Oudry, entrepreneur et directeur de la manufacture de Beauvais, qui joignait, depuis nombre d'années, à ces fonctions celle de directeur de la manufacture des Gobelins, et les entrepreneurs et chefs d'atelier de cette dernière fabrique.
Oudry demandait et voulait exiger que les ouvriers suivissent le ton juste du modèle. Les adversaires pour la conservation des tentures, et pour le maintien à un taux modéré du prix de revient, tenaient à conserver le parti pris du coloris de tapisserie. La correspondance échangée à ce sujet est curieuse à étudier, et fait bien connaître les arguments que chacun fit valoir à l'appui du principe qu'il soutenait.
« Nous avons vu un temps, écrivait Oudry, le 11 mai 1748, au directeur général, où l'abandon des principes de l'art... a porté de fâcheuses atteintes à la réputation de la manufacture, où le malheureux terme de coloris de Tapisserie accordé à une exécution sauvage, à un papillotage importun de couleurs âcres et discordantes ... était substitué à la belle intelligence et à l'harmonie qui fait le charme de ces ouvrages.
« L'erreur d'où naissait cette défectuosité subsistera toujours, tant que l'on ne formera pas l'ouvrier à l'application de ces principes qui seuls peuvent produire le vrai beau .... feu M. le duc d’Antin m'ordonna, en 1733, de prendre en ladite manufacture, la conduite des ouvrages qui s'y exécutaient d'après mes tableaux. M. Orry, en 1737, me commanda de continuer ce soin, et peu après, me le fit étendre à la tenture de l'histoire d'Esther, d'après M. de Troy. Vous scavez ces faits, monsieur, vous connaissez cette tenture ; elle forme une preuve frappante de mes succès en cette occasion.
« Ces succès furent dus, particulièrement, à la docilité que je trouvai alors dans les ouvriers, et à la parfaite conciliation avec laquelle leurs chefs voulurent bien s'assujettir à l'application des véritables règles de l'art, et à donner à leurs ouvrages tout l'esprit et toute l'intelligence des tableaux, en quoi seul réside le secret de faire des tapisseries de première beauté. Nulle altercation entre nous pendant ce temps ; ce n'est que depuis peu qu'il paraît être survenu quelque changement dans ces dispositions si convenables ail bien du service. »
De leur côté, les chefs d'atelier répondaient que c'était à l'entrepreneur à conduire ses propres ouvrages, que personne ne pouvait avoir une connaissance plus exacte que lui de ce qui était nécessaire pour les porter à la perfection, et qu'au besoin, il pouvait s'aider des conseils des plus habiles peintres d'histoire.

« Bien peindre et bien faire exécuter des tapisseries sont deux choses absolument différentes, ce ne sont point des termes de peinture dont il faut se servir avec les ouvriers, il faut leur parler également, en termes clairs, sur la tapisserie comme sur les tableaux, et avec connaissance sur ledit métier, et c'est à nous à leur tenir ce langage, en suivant ravis du peintre dont nolis exécutons le tableau …
« Il y a, au garde meuble de la couronne, d'anciennes tentures, exécutées sous la conduite des seuls entrepreneurs qui étaient alors les sieurs Jans, Lefèbre, Leblond père et Lacroix : elles étaient ,pour la couleur, du ton dont les tapisseries doivent être, étant plus colorées que les tableaux. Elles ont résisté à l'air, au temps, et sont encore dignes de l'admiration qu'elles ont excitée, lorsqu'elles ont été faites, nommément celles des Arabesques de Raphaël…
« On a travaillé à Beauvais, depuis, on y a exécuté des tentures, sous la conduite du sieur Oudry : que sont-elles aujourd'hui ? quel air de vieillesse n'ont-elles pas au bout de six ans?
« …On a fait tout récemment, sur une pièce de M. Coypel, le teste d'Armide dans l'atelier du sieur Monmerqué, la seconde a esté conduite sous les yeux du sieur Oudry, et la seconde a esté trouvée mal faite, avec vérité, par M. Coypel même. »
La mésintelligence entré l'inspecteur et les chefs d'atelier ne se termina qu'à la mort d'Oudry, en 1755, qui fut remplacé à Beauvais par le peintre J. Dumons, dont on avait pu apprécier le mérite à la fabrique d'Aubusson.
Boucher fut nommé inspecteur des Gobelins la même année ; les entrepreneurs en témoignèrent leur satisfaction à M. de Marigny, directeur général, et promirent leur concours au nouveau titulaire, le tout pour parvenir ensemble au plus haut degré de perfection où il nous soit possible d'atteindre, écrivaient-ils.
« En donnant cette place à M. Boucher, répondait M. de Marigny, j'ay compté que la mutuelle communication de ses lumières et des vôtres ne manquera pas de porter la tapisserie à ce degré de perfection que nous désirons tous, et j'attends cet effet de notre mutuel concours ..... Je lui ay écrit que je comptais aussi sur ses ouvrages, qu'il les verrait exécuter aux Gobelins avec plus de précision qu'ils ne l'ont été à Beauvais. »
Nous ne savons si les compositions de Boucher ont été exécutées en tapisseries d'après les procédés qu'Oudry préconisait. Il reste beaucoup de ces tentures sorties des ateliers de Beauvais qui ne se distinguent pas moins par la solidité des tons que par la finesse du coloris (pastorales, sujets chinois, etc., etc.).
Boucher a peint pour les Gobelins Neptune et Amymone, Vénus aux Forges de Vulcain, Vertumne et Pomone, l'Aurore et Céphale, Vénus sur les eaux. Ces cinq tableaux étaient de forme ovale et s'ajustaient dans un entourage de fleurs et d'ornements. La Pêche, les Diseurs de bonne aventure , Psyché et Sylvie, les Confidences ; puis des petits tableaux représentant des amours, des jeux d'enfants, les génies des arts, etc.
L'influence décisive sur les travaux d'art appartient en réalité à l’école entière représentée aux Gobelins par Boucher ; par Hallé, son successeur immédiat (1770) par Amédée Vanloo, les deux Lagrenée, Doyen, Brenet, Beaufort, Lépicié , Jollain, J aurat, Jacque, peintre d'ornements et de fleurs, Pierre Renou et Belle.
A. Vanloo fit les modèles de la tenture dite de la Sultane - le Déjeuner de la Sultane ; la Toilette de la Sultane ; le Trauail dans l'intérieur du sérail ; la Danse devant la Sultane, et plusieurs autres pièces détachées ; Jaurat est l'auteur des sept pièces de Daphnis et Chloë et des fêtes de village en quatre pièces,
C'est à dater de l'administration de M. de Marigny que les grands tableaux, d'histoire achetés par le roi aux expositions publiques furent envoyés aux Gobelins pour en composer des modèles de tentures.

Souflot était directeur de la manufacture des Gobelins lorsque Vaucanson, aidé des conseils de l'entrepreneur Neilson, construisit pour le travail de la basse lisse un métier perfectionné, métier mixte qui pouvant prendre à volonté une position verticale ou horizontale plus ou moins inclinée, permet à l'ouvrier d'examiner et de suivre son travail, qu'il fait il l'envers, comme nous l'avons expliqué.
On commençait par y tendre la chaîne et à y tracer le sujet à reproduire, comme sur les métiers à haute lisse. Pour travailler, on faisait basculer le métier dans les montants de manière à lui donner la forme des métiers à basses lisses.
Depuis que la manufacture des Gobelins n'ecécute plus que des travaux en haute lisse, les métiers de Vaucanson ont été transportés à Beauvais.
Neilson releva le travail de la basse lisse qui était en complète décadence, les ouvriers se portant de préférence vers la haute lisse qui se prêtait mieux aux exigences de l'art et dont les prix de façon étaient plus élevés. Il forma une école d'apprentissage composée de douze élèves et se succédant sans interruption les uns aux autres, Chargé de la direction des teintures, il réalisa dans cet art des progrès considérables.
Mais Neilson « qui avait déposé au magasin du Roy les procédés de plus de mille corps de nuances, chaque corps composé de douze couleurs ce dégradées du clair au brun dans l'ordre le plus méthodique possible avec le manuel de manipulation, de 1773 à 1784, avait fait toutes les avances sans recevoir ni appointements n'y honoraires, « ny même d'encouraqement d'aucune espèce, demandait le 3 juin 1783 à être déchargé soit du service des teintures, soit de celui de la manufacture. Il était vieux, ajoutait-il, et sa fortune était fondue dans les avances excessives des sommes qui lui étaient dues par le Roy, »
On ne s'enrichit pas toujours à faire de l'art. Audran et Cozette, les deux autres entrepreneurs, demandaient en 1776 à changer leur position contre celle du chef d'atelier avec de simples honoraires. Le mémoire qu'ils présentaient à cet effet à M. D'Angivilier est navrant. Nous en donnons quelques extraits :
« Le sieur de La Tour, entrepreneur (1703-1734), a laissé deux fils réduits à être simples ouvriers. Le sieur Delafraye, entrepreneur (1696-1729), a laissé deux filles à la mercy des premiers besoins .
« L'existence de la veuve Montmorqué, entrepreneur (1730- 1749), et de ses deux filles, tient uniquement à la faible pension de 600 francs que leur fait Sa Majesté.
« L'exemple le plus frappant est celui du sieur Audran, l'entrepreneur (1733-1772), fils du gra veur J. Audran, né avec une fortune honnête, d'une conduite irréprochable et dont la veuve se trouve aujourd'hui réduite à une pension de 600 francs.
« Le sieur Audran père a réuni plusieurs successions considérables : il a eu de sa femme près de 80,000 francs de bien .... La seule dot de son fils a été l'association aux ouvrages de son père et à son fonds. Audran père a fait des pertes cumulées et considérables, tant de l'intérêt annuel d'un gros fond de soyes et de laines, que sur les ouvriers, soit par mort, soit par désertion.
« Et le sieur de Cozette, loin de pouvoir établir ses enfants, les laisserait dans la plus grande détresse s'il leur était enlevé aujourd'hui.
« Le bénéfice des entrepreneurs consiste dans 60 livres par aune quarrée. Leur travail, quelque forcé qu'il puisse être par le nombre des ouvriers, monte rarement à cent aunes quarrées qui font au plus 6,000 livres par année.
« Ils sont obligés d'avoir un fonds considérable de laine et de soyes, qui ne rapporte aucun intérêt, et de faire à leurs ouvriers, qui sans cela mourraient de misère, une somme d'avances qu'on peut évaluer à 1500 livres, année commune.
« Si Sa Majesté ne jugeait pas convenable de leur accorder les appointements qu'ils demandent (au lieu de 60 livres par aune carrée), au moins voudrait-elle ou augmenter leurs honoraires, ou leur donner des pensions qui leur assurent une honnête aisance et les facilite à élever et à établir leur famille.
« On ne peut se dissimuler que le prix de la tapisserie n'est déjà que trop forcé : le moindre surcroît pourrait éloigner encore leur débit et le projet des appointements est peut-être le seul qui le puisse être adopté. »
De leur côté les ouvriers se plaignaient de ce que les entrepreneurs abusaient des avances qu'ils leur avaient faites pour les réduire aux plus dures conditions.
Pierre, premier peintre du Roi, qui succéda à Souflot, en janvier 1782, après avoir entendu les récriminations des entrepreneurs et des ouvriers, résumait ainsi le débat :
« J'ai cherché les causes de la ruine de cette maison, et j'ai Vu que les malheurs provenaient des haines et des jalousies. De là mon projet de le réunir les intérêts.
« Tout le monde a eu tort, mais les torts vont cesser.
« Fait très certain : ..... Tous les bons ouvriers sont en général doux, rangés, même vertueux.
« Les mauvais ouvriers sont mauvais en tout.
« L'esprit de vengeance qui les anime contre ceux qu'ils appellent leurs tyrans les porte à mourir de faim plutôt que de procurer le moindre profit à ces mêmes tyrans. »
Le tort des entrepreneurs était de n'avoir pas réglé avec leurs ouvriers aussitôt qu'une pièce était terminée, et d'avoir laissé accumuler leurs dettes.
On établit un règlement (1783-1788) pour remédier à tous les abus qu'on signalait, et Pierre, vu la difficulté de faire prix avec les ouvriers pour les nouveaux dessins qu'on leur soumettait, songea à un nouveau système.
Finalement M. Guillaumot, qui avait succédé à Pierre dont il partageait les idées ; proposa de supprimer le travail à la tâche, et de le remplacer par un nouveau mode de paiement qui fut adopté le 28 décembre 1790 par le directeur général. « Ce régime produit moins d'ouvrage, dit M. Guillaumot ; mais le travail est plus parfait, puisque aucun motif d'intérêt ne porte le fabricant à mal faire pour produire davantage. » On partagea en quatre classes les cent seize ouvrières et les dix-huit apprentis existant alors aux Gobelins ; ceux des classes inférieures ayant l'expectative de montrer aux classes supérieures étaient sans cesse encouragés à se perfectionner.
De 1781 à 1791 on reproduisit encore aux Gobelins, la Tenture des Indes, celles de Jason, l'Enlèvement d'Europe par Jupiter et Mercure et Aglaure, d'après Pierre ; Proserpine ornant de fleurs la statue, de Cérès, est aperçue par Pluton, et un tableau d'enfant, par Vien. Sully aux pieds de Henri IV ; Henri IV prenant congé de Gabrielle d'Estrées ; Evanouissement de Gabrielle ; Henri IV soupant chez le Meunier ; Henri IV faisant entrer des vivres dans Paris ; en tout cinq pièces, d'après Vincent. Le siége de Calais, d'après Barthélemy ; la Reprise de Paris par le connétable de Richemond ; d'après le même ; ainsi que Maillard abattant d'un coup de hache Etienne Marcel, qui était près de livrer les clefs de Paris au roi de Navarre, Charles le Mauvais ; la Mort de l'amiral de Coligny, d'après Suvée ; honneurs rendus par les ennemis à Duquesclin, après sa mort, d'après Brenet ; la Continence de Bayard, d'après Rameau ; la mort de Léonard de Vinci, d'après Ménageot.
Tapisserie tissée main à Aubusson Patrimoine de l'Unesco en 2009
Les Tapisseries d'hier et d'aujourd'hui
Tapisserie d'Aubusson
Tapis d'Aubusson
Tapisserie à réaliser soi-même
e-boutique http://www.tapisserie-royale-aubusson.fr


© Tapisserie Royale - Design Anatha - Réalisé par KerniX - Plan du site - Aubusson