Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON TISSÉE MAIN IV



Ruine d'Arras. - Influence de l'art sur l'industrie de la tapisserie. - Raphaël. Les Arrazi. – Les flammants en Italie. -Michel Coxius. Van Orlez. - Les tapisseries de Charles-Quint. - Ordonnance de 1544 sur le stil et métier de la tapisserie.

La ruine commerciale d'Arras suivit de près la mort de Charles le Téméraire, et l'effondrement de la puissance de la maison de Bourgogne. Depuis longtemps, Louis XI guettait cette riche proie, et dès le commencement de l'année 1477, il parvint, en employant tour à tour la persuasion et la menace, à faire entrer une garnison française dans la capitale de l'Artois. Il voulut s'en assurer la possession définitive en confirmant les anciennes franchises : exemption de logements des gens de guerre, droits de noblesse conférés à la bourgeoisie, remise de tout ce qui était dû sur les impôts et réduction de la gabelle, etc. Les officiers du roi ne tinrent malheureusement pas compte de ses instructions ; ils traitèrent Arras en ville conquise, et provoquèrent une réaction violente, à la suite de laquelle la garnison française fut chassée : le roi vint en personne mettre le siége devant la ville, qui écrasée par l'artillerie capitula sans attendre l'assaut : « Une amnistie promise fut assez mal tenue, car le roi, dit Commines, fit mourir beaucoup de gens de bien (1479) ; » les bourgeois furent rançonnés, décimés, et finalement chassés de la ville sans exception, « et pour changer les courages, il fit changer le nom d'Arras et la fit, dit Molinet, nommer Franchise. » La ville fut repeuplée en partie avec des habitants d'Orléans, de Lyon, du Languedoc, d'Auvergne, du Limousin, etc.
Sous Charles VIII, cette cité se relevait à peine de ses ruines que quatre bourgeois en livrèrent une nuit les portes aux Allemands de Maximilien. Ces prétendus libérateurs enfermèrent l'évêque, égorgèrent les prêtres et les bourgeois sans distinction d'amis et d'ennemis et saccagèrent les maisons à fond.
A la suite de ces désastres répétés, l'œuvre des tapisseries était perdue pour Arras, les meilleurs ouvriers étant morts ou dispersés, la tradition fut rompue. On signale encore l'existence des hauts lissiers par un registre de bourgeoisie qui mentionne quelques admissions dans le métier au commencement du XVIe siècle, et par les pièces d'un procès que les tapissiers d'Arras soutinrent contre ceux de Tournay en 1560 (Abbé Proyard).
Le règne des Ducs de Bourgogne de la maison de Valois avait été l'époque de splendeur de l'industrie d'Arras ; celui des princes de la maison d'Autriche fut celle de la plus grande prospérité des fabriques de Bruxelles. Primitivement, les tapisseries de cette ville faisaient partie de la Nation de Saint-Laurent qui comprenait: les tisserands, les blanchisseurs, les foulons, les chapeliers, les tapissiers et les tisserands en lin. Les quatre premiers de ces corps nommaient chacun deux doyens ; les derniers en avaient chacun quatre.
En 1417, les tisserands n'avaient pas moins de sept jurés, outre deux choisis par les tisserands en lin, et deux autres pris parmi les tapissiers, qui formaient une corporation dès 1440. En 1451, ils furent disjoints du métier des tisserands. Dans l'origine, ils devaient envoyer tous leurs fabricants à l'hospice Saint-Christophe où on le scellait (Ordonnance du 7 avril 1450)1; plus tard (1473) cette formalité fut remplacée pal' un examen qui devait. avoir lieu aux Rames.
A la fin du XVe siècle, les tapissiers de Bruxelles n'étaient pas plus habiles que ceux de Tournay, de Bruges d'Audenarde, mais ce qui étendit leur réputation et assura leur suprématie, ce furent les magnifiques travaux qu'ils exécutèrent d'après les cartons des meilleurs peintres flamands et italiens.
« J'ai découvert à Valenciennes (écrivait, en 1830, M. Vitet) une de ces admirables tapisseries qui faisaient la gloire des fabriques de Flandre aux XVe et XVIe siècles ..... Elle a dû être exécutée vers 1500 environ et représente un. tournoi.... Peu de tableaux ont fait sur moi autant d'impression, soit par la fermeté du coloris et le fondu des nuances, soit par la netteté et la franchise du dessin, soit enfin par la hardiesse et la chaleur de la composition. »
Il y a loin, en effet, de cette tapisserie, qui, d'après la description de M. Vitet, résume toutes les qualités d'une belle peinture, à ces draps imagés qui décoraient ; au moyen âge, les églises et les salles des châteaux, et dont les personnages, aux traits sertis d'une ligne noire, ressemblaient à des images découpées et appliquées sur un fond de feuillages ou de fleurs. Sans les inscriptions parfois : écrites en rolleaux, il serait bien difficile de démêler les scènes qui y sont représentées.

1. Henne et Wauters, Histoire de Bruxelles.
Dans telle tapisserie, Vespasien Titus détruit une Jérusalem gothique avec des bombardes et des
lances à feu ; ailleurs le roi Assuérus, habillé comme le grand duc de Bourgogne, relève une reine Esther parée de l'accoutrement de Jacqueline de Bavière. Tous les acteurs du drame sont costumés comme les échevins de gand ou les bourgeois de Bruges. Quelquefois pourtant, les païens et les juifs se distinguent par d'énormes turbans surmontés d'un croissant.
Cette révolution dans la fabrication de la tapisserie, qui transformait quelques uns de ses produits en véritables objets d'art, s'était accomplie en moins, d'un demi-siècle : de la mort de Charles le Téméraire aux dernières années du règne de Maximilien. Elle fut l'œuvre des peintres flamands de cette époque, qui, pour la plupart, habitués de bonne heure aux grands travaux de décoration, initiés aux secrets de la fabrication, guidèrent pas à pas les maîtres tapissiers durant cette dernière étape qu'ils franchirent avec eux.
Avant de s'enfermer au couvent de Rouge-Cloître, dans la forêt de Soignes, où l'archiduc Maximilien allait le visiter, Hugues Van der Goës, le peintre du saint Jean dans le désert, que possède le Musée de Munich, avait fait nombre de dessins pour les verriers et probablement aussi pour les tapissiers. Dans sa jeunesse, en 1468, il avait travaillé avec Daniel de Ryke, un Gantois comme lui, aux décorations et aux entremets du bariquet que les habitants de Bruges offrirent à Charles le Téméraire à l'occasion de son mariage avec Marguerite d'York. Quelque temps après Van der Goës peignit des figures allégoriques et historiques sur de vastes toiles tendues sur des châssis, que les bourgeois de Bruges placèrent avec les tapisseries sur le passage du cortége de leur nouvelle comtesse de Flandre.
C'est à un peintre né à Harleim en 1390, à Thierry Bouts, que revient en partie la gloire d'avoir créé la peinture de paysage. Si la première partie de son existence se passa en Hollande, où il fut initié aux secrets de la grande peinture par J. Van Eyte, la seconde appartient tout entière à la Belgique, à Louvain, où il se fixa et où il mourut en 1475. Afin de s'attacher pour toujours l'artiste, qui, dans le martyre de saint Érasme, avait révélé de si grandes qualités comme dessinateur et comme coloriste, les magistrats de Louvain lui conférèrent le titre de peintre, de portraiteur de la commune, La rétribution pécuniaire attachée à ces fonctions était modeste, mais elle entourait d'une grande considération celui qui en était revêtu. Les deux tableaux représentant un acte de mémorable justice (l'empereur Othon faisant mettre à mort une épouse adultère), que Thierry Bouts plaça dans la salle de l'hôtel de Louvain, ont dû, ainsi que ceux de Roger Van der Weyden, être reproduis en tapisserie, mais nous n'en trouvons trace nulle part ; ce qui est incontestable, c'est l'influence directe que Thierry Bouts et ses fils, Thierry et Albert, exercèrent sur les arts industriels de leur patrie d'adoption. Molanus appelle Bouts l'inventeur du paysage ; c'est effectivement de cette époque que datent les premières tapisseries faites avec des fonds de paysage, car on ne peut pas qualifier de ce nom les plans sans aucune perspective qu'on trouve, bien rarement d'ailleurs, dans les tapisseries flamandes antérieures à 1460. Il semble même que les peintres de tapisseries, ayant comme le sentiment de leur impuissance à rendre les effets du paysage aient cherché à les éviter.
Dans presque toutes les tapisseries antérieures à la seconde moitié du quinzième siècle! les sujets se détachent, soit sur un fond d'or mat, soit sur un semis de petites fleurs, de plantes ou de feuillages.
En observant de près les spécimens que la France possède, de l'industrie flamande à cette époque de transition, les tapisseries de Nancy, de la Chaise-Dieu, d'Aix, de Valenciennes, de Dijon (décrites dans l'ouvrage de M. Jubinal : les Tapisseries historiques), celles de David, du Musée de Cluny, il sera facile de constater que dès le commencement du XVIe siècle, les Flamands connaissaient tous les secrets du métier, toutes les ressources du coloris et étaient prêts à affronter les compositions des grands maîtres.
Tout ce qui pouvait assurer le brillant essor de cette fabrication de luxe qui touche de si près aux beaux-arts, lui fut prodigué, alors qu'elle put s'inspirer des modèles de Léonard de Vinci, de Raphaël, de Jean d'Udine, de Jules Romain, qu'elle eut pour guides les Van Orley, les M. Coxius, les Pierre de Campana, 'et des protecteurs comme Léon X, Jules II, François 1er, Charles-Quint et les Médicis.
A l'âge de vingt ans, Léonard de Vinci dessinait des cartons pour les tapisseries de Flandre.
« On confia à Léonard un carton d'après lequel on devait exécuter, en Flandre, une portière tissue de soie et d'or, destinée au roi de Portugal. Le carton représentait Adam et Ève dans le paradis terrestre, au moment de leur désobéissance. Léonard dessina en grisaille et à la brosse, plusieurs animaux dans une prairie émaillée de mille fleurs, qu'il rendit avec une précision et une vérité inouïes. Les feuilles et les branches d'un figuier sont exécutées avec une telle patience et un tel amour, qu'on ne peut vraiment comprendre la constance de ce talent. On y voit aussi un palmier auquel il a su donner un si grand ressort par la disposition et la parfaite entente des courbures de ses palmes que nul autre n'y serait arrivé. » (Vasari, tome IV, page 5.)
Malheureusement, ce carton qui, au temps de Vasari, appartenait à Octavien de Médicis, à qui il avait été donné par le neveu de Léonard, est perdu. Mais il nous reste les plus magnifiques spécimens de modèles que les grands maîtres aient jamais faits pour les manufactures de tapisseries : nous voulons parler des cartons d'Hampton-Court.
Commandés par le pape Léon X pour servir de modèles aux tapisseries destinées à orner, dans certains jours, les murs du presbytère dans la chapelle Sixtine, ces grands ouvrages furent commencés en 1614, et terminés l'année suivante. Ils étaient primitivement au nombre de onze, en y comprenant le Couronnement de la Vierge :1° a Pêche miraculeuse; 2° Conduis montroupeou ; 3° saint Pierre et saint Jean guérissant un paralytique ; 4° la Afort d'Ananie ; 5° Elymas frappé de cécité ; 6° saint Paul et sain : Barnabé à Lystm , 7° saint Paul prêchant ci Athènes ; 8° saint Paul en prison ; 9° le Martyre de saint Etienne,10° la Conoersion de saint Paul.
Les trois derniers sont perdus ; et on ne possède aucun renseignement sur leur sort ; les sept qui ont été sauvés ornent la galerie d'Hampton-Court. Ce sont de vrais tableaux coloriés à la détrempe, dont les teintes plates se relèves par des hachures à la craie noire, genre de peinture qui permet une exécution des plus rapides. « C'est dans ses cartons, dit M. Charles Clément (Études sur Raphaël), que se montrent dans tout leur éclat les plus éminentes qualités de Raphaël. Force et originalité de l'invention, beauté ·des types, explication simple ct dramatique du sujet, agencement clair et savant des groupes, distribution habile et large de la lumière, grand caractère des draperies, tout s'y trouve réuni ; rien de plus dramatique et de plus émouvant que saint Paul déchirant ses vêtements dans le Sacrifice de Lystra. » Raphaël n'y travailla pas seul, et dans plus d'un endroit, on reconnaît la main de ses élèves. Il avait, entre autres collaborateurs, un Flamand nommé Jean, qui excellait, dit Vasari, à peindre, d'après nature ; les fruits, les feuillages et les fleurs, bien qu'on pût lui reprocher un peu de sécheresse et de raideur il enseigna ce qu'il savait à Raphaël, qui ne tarda pas à le dépasser par l'harmonie et la douceur du coloris.

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