Tapisserie-royale

AUBUSSON

Voici en résumé ; d'après Bischoff, quelles étaient les matières colorantes employées dans la teinture par les anciens: .
L'alun, qu'on ne connaissait pas encore à l'état de pureté ;
L'orcanète. Suidas rapporte que cette substance servait aussi de fard aux femmes ;
Le sang des oiseaux, qui fut employé par les Juifs ;
Le fucus. On préférait celui de Crète ; on s'en servait ordinairement pour donner un fond aux bonnes couleurs ;
Le genêt ;
La violette. Les Gaulois en tiraient une couleur qui ressembai tà une espèce de pourpre ;
La luzerne en arbre. L'écorce servait à teindre les peaux, et la racine était employée pour la teinture de la laine ;
L'écorce de noyer et le brou de noix;
La garance. On ne sait si la garance des anciens était la même plante que la nôtre, ou quelque autre racine de la même famille ;
La vouède (glastum). ,
On faisait usage du sulfate de fer et du sulfate de cuivre pour teindre en noir.
La noix de galle, dont la plus recherchée venait de la Comagène (contrée de la Syrie), servait d'astringent. On pouvait y suppléer par la semence que renferment les siliques (les gousses) d'un acacia particulier à l'Égypte. On employait encore l'écorce de grenadier et quelques autres astringents,
On suppléait au savon ~ dont on attribue la découverte aux Gaulois. mais qui parait n'avoir eu d'autre usage chez les anciens que celui d'une pommade propre à nettoyer la chevelure ou à la teindre des couleurs qu'on pouvait y ajouter, par une plante que Pline nomme radicula, et que quelques-uns regardent comme notre saponaire, et par une autre plante que Pline désigne comme une espèce de pavot. ,
Malgré son despotisme et sa centralisation exagérée, l'administration impériale fut d'abord, dans la Gaule, éclairée et protectrice, et sous son égide, la civilisation matérielle et intellectuelle du pays fit de rapides progrès. Les villes se peuplèrent ; les routes, les aqueducs, les cirques, les écoles, en un mot tout ce qui 'atteste la richesse et l'existence brillante et animée d'un peuple, y abonda.
«C’est moins une province que l'Italie elle-même » disait Pline.
Claude ayant, en 48, déclaré les Gaulois aptes à remplir les fonctions publiques et à entrer dans le sénat, de la Gaule sortirent bientôt des savants, des généraux, des empereurs, qui' signalèrent leur influence sur les destinées de Rome.
Les produits de l'industrie gauloise étaient recherchés même dans la capitale de l'empire, et en 282, Flavius Vopiscus, qui a écrit la vie de l'empereur Carin, stigmatise le luxe des jeunes patriciens qui dissipaient leur for.tune pour nourrir des histrions, des bateleurs, et pour se procurer des étoffes qu'on fabriquait à Arras et qu'on appelait byrri. Le byrrus était une sorte de capote à capuchon fort en usage dans toutes les classes sous les derniers empereurs.
Nous savions déjà par Pline que les Gaulois tissaient des étoffes à carreaux, ou pour être plus exacts, à losanges, scutuli, travail qui ne peut être produit que par des métiers à lisses combinées ou en exécutant avec la main les changements de couleurs, comme cela se pratique aux Gobelins et à Aubusson sur les métiers de haute et de basse lisse.
Sous la république et dans les premiers temps de l'empire romain, l'industrie était une profession domestique exercée par les esclaves au profit du maître. Chaque propriétaire d'esclaves faisait fabriquer chez lui, non seulement tout ce qui pouvait servir à son usage, mais il vendait les produits de leur industrie à tout acheteur.
« Par une de ces révolutions lentes et cachées, dit M. Guizot dans l'I1istoire de la civilisation en France, qu'on trouve accomplies à une certaine époque, et jusqu'à l'origine desquelles on ne remonte jamais, il arriva que l'industrie sortit de la domesticité, et qu'au lien d'artisans esclaves, il se forma des artisans libres qui travaillèrent non pour un maître, mais, pour le public et à leur profit. Ce fut un immense changement dans l'état de la société, surtout dans son avenir. Quand et comment il s'opéra au sein du monde romain, je ne le sais pas et personne, je crois, ne l'a découvert, mais à l'époque où nous sommes, au commencement du Ve siècle, ce pas était fait: il y avait dans toutes les grandes villes de la Gaule une classe assez nombreuse d'artisans libres ; déjà même ils étaient constitués en corporations, en corps de métiers représentés par quelques-uns de leurs membres. La plupart des corporations, dont on a coutume d'attribuer l'origine au moyen âge, remontent, dans le midi de la Gaule, surtout en Italie, au monde romain. Depuis le Ve siècle, on en aperçoit la trace, directe ou indirecte, à toutes les époques ; et elles formaient déjà à cette époque, dans beaucoup de villes, une des principales et des plus importantes parties du peuple. »
Jamais l'existence d'une nation ne subit un bouleversement plus complet que la Gaule lors de l'invasion des barbares au Ve siècle. Tout ce qui se trouva entre les Alpes et les Pyrénées, entre l'Océan et le Rhin, dit saint Jérôme, fut dévasté. Mayence fut prise et détruite, Worms ruinée par un long siége ; Reims, Amiens, Arras, Térouane, Spire, Strasbourg virent leurs habitants transportés dans la Germanie. Tout fut ravagé dans l'Aquitaine, la Novempopulanie, la Lyonnaise, la Narbonnaise, sauf un petit nombre de villes que le fer menaçait au dehors et que la faim tourmentait au dedans.
Lorsque les derniers débris des légions romaines qui lùttaient pour défendre le sol de l'empire eurent été vaincus ou refoulés, les barbares purent ravager le pays et s'y établir sans rencontrer de résistance nulle part. La nation n'existait plus. Le despotisme des derniers Césars, en poursuivant systématiquement l'écrasement de la classe moyenne, qu'il asservit complètement et brisa par l'organisation du régime municipal, avait tari en elle les sources de la vie.
Au milieu de l'effondrement général du monde romain, une seule chose resta debout, l'Église. Héritière du gouvernement municipal, elle se porta comme arbitre entre les envahisseurs et les vaincus. Sa protection s'étendant à tous, elle devint un immense asile, et ce furent les populations laborieuses groupées et abritées sous l'ombre des cloîtres et des abbayes, qui sauvèrent les traditions des arts industriels et libéraux.
Du Ve au VIIIe siècle, l'esprit religieux du peuple et la dureté des temps avaient contribué à augmenter le nombre de ces monastères. Chacun de ces établissements formait comme une petite société qui pouvait se suffire à elle-même : pour le service du culte, elle avait une église et un prêtre choisi dans son sein ; pour les besoins matériels, des métairies, qui étaient exploitées par des colons et des serfs. Les moines et leurs serviteurs pratiquaient les métiers utiles tout en cultivant les beaux-arts ; ils fabriquaient les étoffes de lin et de laine, travaillaient la pierre, le bois, le fer, façonnaient l'ivoire, l'argent et l'or et taillaient les pierres précieuses (Lettres de Servat Loup, abbé de Ferrières).
Cette organisation, qui datait des Mérovingiens, s'adaptait merveilleusement au nouvel état de choses créé par le démembrement de l'empire de Charlemagne en royaumes distincts, morcelés eux-mêmes en une multitude de gouvernements locaux, taillés en quelque sorte à la mesure des relations et des idées du temps. Aussi le moyen âge a-t-il été l'époque de la plus grande prospérité de ces petites républiques religieuses, lettrées, agricoles et industrielles. .
Les premières tapisseries dont il soit fait mention depuis la chute de l'empire romain, étaient destinées à la décoration des églises, et les premiers ouvriers tapissiers dont nous ayons à signaler l'existence, étaient dirigés par des moines.
Favorisé par une navigation commode, le commerce de Paris, établi sous la domination romaine, se maintint sous celle des Francs. Des Juifs, des Syriens, des habitants du midi de la Gaule, y apportaient de riches étoffes, de belles armes, des bijoux, tous les objets brillants pour lesquels les Francs comme les autres barbares étaient passionnés. Un de ces marchands juifs, nommé Salomon, devint receveur général des revenus du fisc du roi Dagobert. Le Syrien Eusèbe acquit assez de richesse pour acheter l'épiscopat, et après la mort de Ragnemode, il devint en 591 évêque de Paris (Grégoire de Tours, liv. X, C. XXVI).
Des tapisseries apportées par les Syriens servirent probablement de modèle, pour le tissu et le genre de dessin, aux premières tentures qui furent faites pour les églises. En confrontant les descriptions que nous donnent les auteurs du temps des unes et des autres, on trouve une très grande analogie entre le travail des Orientaux et celui de l'Occident. Ammien Marcellin, dans le récit qu'il nous a fait de l'expédition de l'empereur Julien en Orient, parle des scènes de chasse et de combats qu'on voyait sur les murs .du pays de Ctésiphon. Cela doit, à notre avis, s'entendre plutôt par des tentures que par des peintures à fresque. Ctésiphon, ville de Babylonie, était bâtie à 4 kilomètres du confluent du Tigre avec le Delas, et assez près de Séleucie à la prospérité de laquelle elle porta un coup fatal. Elle fut la capitale des rois parthes. On devait dès cette époque fabriquer à Ctésiphon et à Séleucie les merveilleux tissus dans lesquels les ouvriers de Bagdad, qui fut bâtie plus tard avec les ruines de ces deux villes, excellent encore aujourd'hui,
Saint Aster, qui fut évêque d'Amasée (Amasieh, ville de la Turquie d'Asie, renommée encore pour son commerce de soies), nous donne, dans une de ses homélies, la description complète de ces tapisseries d'Orient à la fin, du IVe siècle: il condamne « cet art aussi vain qu'inutile, qui par les combinaisons de la chaîne et de la trame, imite la peinture et représente les forme' de tons les animaux, et les habillements bigarrés d'un grand nombre de figures ; il y a des lions, des ours, des chiens, des bois des chasseurs, ou bien des sujets tirés de l'Évangile ; le Christ avec tous ses disciples, les miracles, les noces de Galilée avec les cruches, la pécheresse, Lazare sortant du tombeau, etc., et ceux qui se montrent ainsi vêtus sont considérés comme des mu milles peintes. »
Ce genre de tentures était dès lors répandu en Occident. Sidoine Apollinaire (né à Lyon en 430, mort en 488, évêque de Clermont-Ferrand), dit que sur les tapisseries étrangères, «on trouve retracés «les sommets du Ctésiphon et du Niphate, des bêtes féroces et des animaux sauvages courant avec rapidité sur une toile vide ... qu'on y voit encore, par un miracle de l'art, le Parthe au regard farouche et la tête tournée en arrière. »
Les sujets que représentaient ces tapisseries, la description qu'on nous fait du paysage, indiquent assez leur origine. C'étaient probablement ces tentures d'Orient qui devaient parer nos premières basiliques et les palais des rois mérovingiens ; car tout semble indiquer que sous la première race tous les objets précieux venaient de l'étranger. Les étoffes propres aux meubles et aux vêtements étaient manufacturées dans le pays. Chaque roi, chaque homme puissant avait sa manufacture, son gynécée où les femmes filaient et tissaient le lin et la laine ; le même mot, chez les Romains, gynœceum, servait aussi par analogie pour désigner une fabrique de toile où l'on n'employait que des femmes pour filer et tisser.
M. Alcan, dont personne ne peut méconnaître l'autorité en cette matière, en rapprochant les divers textes des auteurs, en observant attentivement les premiers échantillons de l'industrie du tissage, qui ont été trouvés dans les tombeaux de l'abbaye Saint-Germain des Prés, conclut que le système de tissage le plus anciennement pratiqué se rapproche le plus de celui que nous désignons sous le nom de système à basses lisses. «L'examen attentif dit-il, d'un métier dont se servent les naturels de l'île d'Oualan, que M. le capitaine Dnperrey, membre de l'Institut, a rapporté d'un de ses voyages, nous a confirmé dans cette opinion. M. Duperrey, en nous montrant ce métier, a eu l'obligeance de nous faire voir les espèces de ceintures au tissage desquelles il est exclusivement employé. Nous avons pu admirer le goût du dessin de cesbandés façonnées ainsi que leur parfaite exécution. »
Il y a apparence que c'était sur des métiers à basses lisses que les Gaulois fabriquaient les étoffes à carreaux ou à combinaisons de losanges, dans le genre des bordures que tissent encore les Kabyles et de celles dont M. Duperrey a rapporté le spécimen. Plus tard, les ouvriers durent se perfectionner au point d'imiter les modèles venus de l'Orient. Saint Angelme de Norwége évêque. d'Auxerre, mort en 840, faisait exécuter pour son église un grand nombre de tapisseries.
Vers 985, les religieux de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur fabriquaient eux-mêmes, dans leur enclos, des tapisseries de diverses sortes. Dom Martène et Dom Durand, dans leur Histoire du Monastère de Saint-Florent de Saumur, nous décrivent une tenture complète, que Mathieu de Loudun, abbé de ce monastère, nommé en 1133, y fit exécuter pour son église. Sur l'une des deux pièces qui devaient orner le chœur, on représenta les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, sur l'autre, un sujet tiré du même livre ; sur les tapisseries de la nef, on avait figuré des chasses de bêtes fauves.
D'après des documents qui paraissent sérieux, il aurait existé à Poitiers en 1025 une fabrique de tapisseries si renommée que les rois, les princes et les prélats étrangers s'y fournissaient. Ses produits étaient recherchés même par les' évêques d'Italie.
En 1060, Gervin, abbé de Saint-Ricquier, achetait des tentures et faisait faire des tapis; in pannis adquirendis, in tapetibus faciendis, dit un texte où il est question de l'emploi que cet abbé faisait des revenus du monastère.
Un passage de la vie des abbés de Saint-Alban atteste l'habitude consacrée dans les abbayes de faire exécuter en tapisserie le portrait ou quelque trait de la vie du saint patron. Dans l'histoire de ce monastère, de l'ordre de Saint-Benoit, il est fait allusion à une
On trouve les traces de ces décorations des églises au moyen des tapisseries : à Saint-Denis, à Saint-Wast, au Mans ; l'abbaye dé Fleury possédait en 1095 des tentures tissées en soie ; d'après les règlements de l'abbaye de Cluny, fondée en 910, les murs et les siéges du monastère devaient être couverts de tapis les jours de solennités. Le Père Labbe, qui nous a fourni la plupart de ces renseignements, nous apprend encore que, lors du concile qui fut tenu en 876 à Ponthion (diocèse de Châlons-sur-Marne) en présence de l'empereur Charles le Chauve, la salle du concile était
tendue de tapisseries et les siéges couverts de tapis.
Les tapisseries de cette époque représentaient non seulement des scènes de chasse et des sujets religieux, mais nous voyons, par la description de quelques-unes de ces tentures, que dès le Xe siècle on reproduisait déjà des portraits de rois et d’empereurs.
Le texte de Grégoire de Tours ne laisse aucun doute sur l’emploi des tapisseries. On ne s’en servait pas, dit-il, pour les portes, les autels et le pavé, mais pour les murailles.
Tapisserie tissée main à Aubusson inscrite en 2009 au Patrimoine de l'Unesco
Les Tapisseries d'hier et d'aujourd'hui
Tapisserie d'Aubusson
Tapis d'Aubusson
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