Tapisserie-royale

TAPISSERIE D’AUBUSSON
VI


Origine de l'industrie des tapisseries à Aubusson - Les Sarrasins - Louis de Bourbon, comte de la Marche, épouse Marie de Haynaut. - Tapisseries d'Aubusson, de Felletin. - Histoire de l'industrie de la tapisserie dans la Marche depuis les Valois jusqu'à Louis XlV.

Peu de villes industrielles, en Europe, jouissent d'une réputation égale à celle d'Aubusson, Ce renom, qu'elle doit plutôt au cachet artistique de ses produits, qu'à l'importance de sa fabrication, date de plusieurs siècles. Si l'on considère, en effet, de quelles difficultés cette industrie est entourée, les sacrifices de toutes sortes qu'ont dû faire, à certaines époques, les fabricants et les ouvriers pour l'empêcher de sombrer, au milieu de tant de crises politiques et commerciales, on reconnaîtra qu'Aubusson, qui, seule en Europe, après l'anéantissement des vieilles fabriques de Flandre, a conservé les traditions de cette antique industrie de la Tapisserie, mérite la distinction qui s'attache à son nom.
Nous ne parlons pas de la fabrication de Felletin qui se confond avec celle d'Aubusson, ni des manufactures des Gobelins et de Beauvais, qui, subventionnées par l'État, n'ont à s'occuper, ni du placement ni du prix de revient de leurs produits, et trouvent toujours à recruter un personnel d'élite, nourri d'études artistiques, qu'elles peuvent payer ce qu'il vaut.
Un certain mystère enveloppe les origines de la fabrique d'Aubusson; à défaut de traditions sérieuses, la légende s'en est emparée, et, plus tard, certains historiens, trompés par cette désignation de Tapissiers Sarrazinois, n'ont pas hésité à attribuer aux Arabes, venus d'Espagne, la fondation de la principale industrie de la Marche.
Cette allégation nettement formulée par M. Joullieton, en 1814, a été, depuis, reproduite par tous les écrivains qui ont eu à parler de l'industrie de la tapisserie. MM. Félix Leclerc et Cyprien Pérathon, en signalant, une émigration d'ouvriers Flamands dans la Marche, au XIVe siècle, ont, suivant nous, indiqué les véritables origines de la fabrication Aubussonnaise.
Voici ce que nous lisons dans Joullieton (Histoire de la Marche) :
« Une opinion assez répandue et assez vraisemblable rapporte à cette époque (732) les commencements de la ville d'Aubusson. Il n'y avait alors, dans le lieu qu'occupe cette ville, qu'un château fort, dont la tradition fait remonter la construction au temps de César, et qui fut bâti, suivant toute apparence, par les deux légions que plaça ce conquérant sur la frontière des Lemovices, non loin des Arverniens. Il était naturel, en effet, que ces légions se fortifiassent contre les attaques dont elles pouvaient devenir l'objet ; et le rocher sur lequel fut élevé ce fort, étant à peu près au milieu du cordon quelles formaient, ne pouvait pas mieux convenir à ce dessein. Le hasard voulut que des Sarrasins, détachés de la troupe dont nous venons de parler, arrivassent à ce lieu ; il y avait parmi eux des tanneurs, des tapissiers, des teinturiers, qui trouvèrent une telle position favorable à l'exercice des arts dans lesquels ils avaient été élevés. Les eaux leur parurent surtout excellentes pour la teinture des laines, ainsi que pour la préparation des cuirs. Ils se fixèrent auprès de ce château avec l'agrément du seigneur, qui crut devoir protéger cette industrie naissante, à laquelle la ville d'Aubusson dut son origine et sa prospérité. Les seigneurs d'Aubusson étaient, dès ce temps-là, puissants dans l'Aquitaine. Celui qui permit aux Sarrasins de s'établir auprès de son château, fut le père d'Ebon, qui, environ vingt ans après, figure comme prince d'Aubusson, dans l'acte de fondation du monastère de Moutier-Roseille. »
On s'explique difficilement la magnanimité du seigneur d'Aubusson, accueillant avec autant de bienveillance ces Sarrasins qui, en se retirant, dévastaient tout sur leur passage, et qui devaient probablement faire partie de cette bande, de 20,000 hommes, lesquels, au dire de M. Jouillieton, « s'étaient jetés dans la Marche, après la bataille de Poitiers, et se livrèrent, dans cette province, à tous les excès que peuvent inspirer la brutalité et la fureur, brûlèrent Prœtorium, Chambon et tous les monastères environnants. » En face d'une bande de pillards, il est probable que le prince d'Aubusson aurait trouvé d'autres armes que celles qu'eut à leur opposer saint Pardoux (1), et que les Arabes, séparés du gros de leur troupe, perdus au milieu des montagnes, auraient été infailliblement massacrés par une population à demi barbare, avant d'avoir pu expérimenter les propriétés des eaux de la Creuse, et donner des spécimens de leur habileté comme tanneurs et comme tapissiers.
Celle guerre entre les Francs et les Mahométans fut une lutte sans merci. Charles Martel poursuivit les vaincus jusque dans la Septimanie où ils s'étaient retirés ; il pilla et ravagea cette contrée, et les Sarrasins qui retournèrent dans l'Aquitaine y revinrent comme captifs « accouplés deux à deux comme des chiens » (Chr. de Moissac).
C'est d'après un article de l'Encyclopédie méthodique que M. Joullieton doit avoir bâti et arrangé la légende de l'arrivée des Sarrasins à Aubusson; pourtant son auteur, M. de Châteaufavier, inspecteur des manufactures d'Aubusson et de Felletin, dont nous transcrivons le mémoire, ne parle des Sarrasins, soi-disant fondateurs des manufactures de tapisseries, qu'avec la plus grande réserve :
« L'origine des manufactures d'Aubusson et de Felletin, dit-il, est si reculée qu'elle se perd dans la nuit des temps. Il est vraisemblable que leur ancienneté est à peu près la même; mais on ne peut, à défaut de titres Justificatifs, entrer dans des détails historiques à cet égard. On se permettra pourtant de dire, d'après un ancien mémoire, et suivant l'opinion commune, que ces manufactures doivent leur naissance aux Sarrasins, qui, répandus vers l'an 730 dans la Marche, donnèrent à ses habitants naturels les premiers éléments de l'art de fabriquer les tapisseries, et que, après l'expulsion des Sarrasins des Gaules, un vicomte de la Marche, jaloux sans doute d'illustrer le chef-lieu de sa seigneurie, fit venir à ses frais les meilleurs tapissiers de Flandre, et les établit à Aubusson, pour cultiver et perfectionner la fabrication des tapisseries, qui était, pour lors, à son berceau. Voilà ce qui est écrit et transmis par la tradition sur cet objet. On croit de la prudence de n'en point garantir l'authenticité. »
Nous ne savons à quel ancien mémoire M. de Châteaufavier veut faire allusion, mais, en consultant ceux qui sont déposés aux Archives Nationales, les rapports des intendants de la généralité de Moulins, de 1665 à 1698, concernant les manufactures d'Aubusson et de Felletin, on ne trouve rien de précis sur l'origine de ces établissements, et Jacques Bertrand, délégué en 1664 auprès de Colbert, pour lui rendre compte de l'état de la fabrique d'Aubusson, lui représente que l'établissement en est de temps immémorial sans que l'on en sache la première institution. »
Si, comme nous l'avons vu, le travail sarrasinois diffère complètement de la fabrication des tapis ras, haute ou basse lisse, telle quelle est encore de nos jours, et dont l'establissement est de temps immémorial à Aubusson, il faut nécessairement chercher une autre origine aux manufactures de la Marche.
Reste donc l'hypothèse d'une émigration d'ouvriers Flamands à Aubusson. M. de Châteaufavier en fait mention; M. C. Pérathon, dont l’opinion a pour nous beaucoup d'autorité, paraît l'admettre, et des faits d'une valeur incontestable semblent la confirmer.
Marie d'Avesnes, autrement de Hainaut, fille de Jean d'Avesnes, comte de Hainaut et de Philippe de Luxembourg, sœur du comte Guillaume, fut alliée par mariage à messire Louis de Clermont, fils de Robert, comte de Clermont et de Béatrix, dame et héritière de Bourbon.
Charles le Bel érigea la baronnie de Bourbon en duché, dont fut premier duc Louis, comte de Clermont, et duchesse Marie de Hainaut, sa femme. « Le dit roi mit, de sa propre main, le chapeau ducal en magnifique cérémonie, et fut esmeu à faire cette création de duché pour deux raisons : premièrement, pour les faits héroïques dudit Louis; secondement, pour ce que le dit Louis rendit au roi le comté de Clermont en Beauvaises, que saint Louis avait donné à Robert, son fils, père dudit comte Louis. Car le roi Charles aimait singulièrement Clermont pour y être né. A raison de quoi il lui rendit, en échange, le comté de la Marche, seigneuries d'Issoudun, Saint-Pierre le Moustier, Montferrand, etc., et outre a érigé la baronnie de Bourbon, qui venait audit Louis du côté maternel, en duché. La dite échange faite, ledit Louis et ses enfants prirent le surnom de Bourbon, laissant celui de Clermont, son apanage, parce que le roi avait repris ledit apanage (2). ».
Le nouveau comte de la Marche fut un des principaux seigneurs qui accoururent se ranger sous la bannière de Philippe de Valois, pour défendre le comte Louis de Nevers contre ses sujets révoltés. Louis de Bourbon amena au roi neuf compagnies d'hommes d'armes; il lui sauva la vie auprès de Cassel, et contribua puissamment à la victoire remportée sous les murs de cette ville ; aussi Philippe, reconnaissant, rendit à Louis le comté de Clermont et lui laissa la Marche, qu'il lui avait donnée en échange.
C'est à ce prince qui, d'après ce que racontent les historiens du temps, fut un homme d'une grande valeur, et déploya autant de science militaire dans les commandements qu'il exerça, que d'habileté dans les missions diplomatiques dont il fut chargé, qu'il faut attribuer la fondation de l'industrie Aubussonnaise.
Les liens de parenté qui unissaient la maison de Bourbon aux grandes familles de Flandre, s'étaient encore resserrés par le mariage de Robert VII; comte d'Auvergne et baron de Combraille, veuf en premières noces de Blanche de Bourbon, sœur du duc Louis, avec Marie de Flandre. Le comte de la Marche avait, à différentes reprises, parcouru les riches cités des Pays-Bas, et, soit qu'un esprit supérieur comme le sien eût été frappé des éléments de richesse que pouvait développer une grande industrie, soit qu'il eût voulu seulement revêtir de riches tentures les murs de ses palais de granit, il est probable qu'il fit venir des ouvriers flamands dans la Marche.




(1) Une légende raconte que saint Pardoux (abbé d'un monastère auquel Guéret doit son origine) éloigna par des prières une bande de Sarrasins.

(2) Voy. Vinchant, Annales de la province de Hainaut.


DÉCORATION TAPISSERIE


Les événements qui se passaient en Flandre, a cette époque, devaient favoriser une émigration. Nous avons vu quelle longue crise commerciale y suivit la défense d'exporter les laines anglaises; les métiers cessèrent de battre et un grand nombre d'ouvriers privés de travail durent quitter le pays. La France comptait encore en Flandre, surtout dans la féodalité, un parti puissant; dès 1297, Jean d'Avesnes avait enjoint à ses monnayers de se conformer en tout aux usages de France, pour les monnaies frappées dans ses villes, et il est présumable qu'il ne chercha nullement à entraver le départ pour la France des ouvriers tapissiers d'Ath et de Tournay. Mais on ne peut rien préciser à ce sujet; faute de titres sérieux et authentiques, l'historien est réduit aux conjectures. Un fait qui s'est produit à la même époque, dans des circonstances analogues, semble confirmer l'opinion que nous émettons, d'une émigration d'ouvriers Flamands dans la Marche, au XIVe siècle. D'après un mémoire présenté au Congrès de Cherbourg (1860, tome Ier, p. 680), ce serait sous les auspices d'une princesse de Flandre, épouse d'un comte de Laval, que des ouvriers flamands fondèrent dans le Maine les fabriques de toiles qui constituent la principale industrie de ce pays.
Une preuve certaine que Louis de Bourbon s'intéressait à la prospérité d'Aubusson, c'est qu'en 1331, il confirma les privilèges accordés par Hugues XII de Lusignan en 1262; à tous ceux qui viendraient habiter cette ville.
Les années qui suivirent ouvrirent la période la plus brillante qu'ait traversée la Flandre, en même temps qu'elles furent l'ère la plus désastreuse de la France. Ce n'est pas alors que les artisans de Bruges et d'Arras auraient quitté des villes, où le travail surabondait, pour venir s'établir dans un pays livré à toutes les horreurs de la guerre, et aux fléaux qui en sont la suite. La Marche fut cruellement éprouvée ; la peste noire et la famine moissonnaient ceux que le fer des Anglais avait épargnés, et pendant les années de trêve, des bandes d'aventuriers, anglais, français, bourguignons, gascons, etc., promenaient dans la contrée le meurtre et le pillage.
Les princes de la maison de Bourbon payèrent de leur sang leur dette à la royauté. Pierre Ier et Jacques Ier combattirent jusqu'à la nuit à la funeste bataille de Crécy; Pierre se fit tuer auprès de Jean le Bon, à Maupertuis, et Jacques la fleur des chevaliers, tombé à quelques pas du roi, criblé de blessures, fut emmené captif en Angleterre. Revenu en France après le traité de Brétigny, il se mit à la tête d'un corps de troupes, afin de chasser les grandes compagnies qui désolaient la Marche et les contrées voisines; mais il fut battu à Brignais, et mourut, peu après (1362), à Lyon, des suites de ses blessures; son fils, blessé comme lui, ne lui survécut que quelques jours.
Nous avons vu de quelle manière Louis XI traita Arras, lorsqu'il reprit cette ville, qui avait une première fois chassé sa garnison française. Ses habitants expulsés ne cherchèrent pas un asile en France, mais dans les États de Marie de Bourgogne. Ce serait donc aux premières années du règne de Philippe VI qu'il faudrait, au moins, faire remonter l'établissement de l'industrie des' tapisseries dans la Marche; car des documents sérieux prouvent que, dès la première moitié du XVIe siècle, Aubusson et Felletin avaient une certaine renommée commerciale; voici en quels termes Evrard, auteur présumé d'une histoire de l'antique ville d'Ahun, qui écrivait vers 1560, s'exprime au sujet de ces deux villes:
« Le Busson ou le Bussou, selon le vulgaire de maintenant, est une ville de grand bruit par la fréquentation des marchands de lieu, qui y trafiquent souvent, menant et conduisant marchandises en d'autres et divers lieux et pays, et de ce que les habitants sont adonnés à de grands labeurs. La ville est grandement populeuse selon son circuit, abondant en diversités de marchandises, et il y a des gens opulents et riches, grand nombre d'artisans et négociateurs qui font grand trafic, principalement en l’art lanifique et pilistromate, et dont ils tirent grand profit. Au flanc de laquelle ville coule lentement ledit fleuve de la Grand'Creuse, descendant des montagnes Filitinnées, distantes de deux mille pas, lequel fleuve est bien commode et propre en ladite ville, pour raison des moulins qui sont assis dessus, tant pour l'usage des draps et laines que pour moudre les grains. La situation est entre deux hautes montagnes inaccessibles, pleines de grands rochers desquels descend, par le milieu, un torrent qui aucune fois est si impétueux, qu'il entre dans les maisons et boutiques gâtant et enveloppant plusieurs marchandises, et se vient jetter dans le fleuve de Creuse. La principale marque de ladite ville et le lieu le plus éminent et apparent est le chatel, qui est un édifice ancien, assis du côté du midi sur ladite ville à la sommité d'une montagne servant de défense à celle, lequel a un donjon, grande tour quarrée, et autres logis enclos de murailles et tours-quarrées, La forme de ladite grande tour est de même structure que la tour qui est enclose au pourpris du chatel de notre ville Agedunum (Ahun); et comme aucuns disent, il appert, par les pancartes anciennes qui sont gardées aux archives du chatel d'Aubusson; que ledit César, dictateur Romain, lorsqu'il s'empara des Gaules, les fit toutes deux édifier en son nom. »
Si cette désignation « d'art lanifique et pilistromate, pouvait faire naître un doute dans l'esprit sur le genre de travail des habitants d'Aubusson au XVIe siècle, la manière dont Evrard définit l'industrie de Felletin éluciderait complètement la question.
« La cité de Felletin maintenant est exaltée sur les autres de notre contrée, tant pour l'opulence des richesses qui est enclose dans icelle que pour ses honorables bourgeois, d'une excellente vertu en la vraie religion, et aussi est habitée d'un grand nombre d'artisans de diverses officines, et même en l'art buphique (tanneries) et lanifique et autres ouvrages ingénieux de tapisseries textiles de diverses forfilures et couleurs en haute et basse lisse. » Rien du travail sarrasinois.
La ville de Felletin qui, dès l'origine, faisait partie du pays d'Aubusson, dont elle a suivi la fortune, passa aux comtes de la Marche de la maison de Lusignan, lorsque Renaud d'Aubusson vendit sa vicomté à Hugues XII; elle revint à la maison d'Aubusson, à l'époque où François d'Aubusson (de la Feuillade), échangea (14 juin 1686) avec Louis XIV sa terre et seigneurie de Saint-Cyr, contre les anciens domaines de sa famille, la vicomté d'Aubusson, les châtellenies de Felletin, Ahun, Chénerailles, Jarnages, etc.
L'edit de Tonnerre, 20 avril 1542, ne fait aucune mention d'Aubusson, ni de Felletin, mais l'ordonnance publiée par Henri III, à Blois (mai 1581), désigne particulièrement Felletin :
« Tapisserie de Flandres et d'ailleurs, excepté Felletin, au-dessus de cent sols tournois l'aune dudit le Paris prisée et estimée soixante et quinze livres. Tapisserie ou tapis dudit Felletin, d'Auvergne et de Lorraine et autres semblables, cinquante livres. »
Ceci nous prouve que le travail de Felletin était assimilé à celui de Flandre, mais estimé un tiers en moins. Les causes qui plaçaient les produits de la Marche dans un état d'infériorité vis-à-vis des fabriques de Flandre, sont faciles à énumérer : d'abord le manque de teinturiers habiles, l'absence de bons dessinateurs et la différence dans la qualité des matières premières. Tandis que les ouvriers de Bruxelles travaillaient d'après les cartons des plus grands maîtres de l'époque, ceux d'Aubusson et de Felletin n'avaient pour modèles que des grisailles, faites d'après les gravures que les enlumineurs du pays pouvaient se procurer.
On trouve très difficilement des tapisseries de la Marche datant du XVIe siècle. Les plus anciennes que nous ayons vues sont du règne de Henri II ou Charles IX, autant qu'on peut en juger par les costumes et l'architecture des bâtiments. Elles représentent, soit des chasses, soit des sujets bibliques, soit de grands paysages, dans lesquels se promènent des animaux plutôt fantastiques que réels, ou des oiseaux, dont il serait difficile de déterminer l'espèce.
Le tissu est gros, irrégulier, les objets mal formés, la gamme des tons peu variée, et malgré ces imperfections on reconnaît encore, dans ces vieilles tentures, ce sentiment du coloris qui semble inné chez les ouvriers d'Aubusson. Quelques-uns d'entre eux avaient déjà acquis une assez grande habilité de main pour oser aborder un genre de travail très difficile, et qui demande une grande pratique du métier, nous voulons parler de la réparation des tapisseries. En 1583, deux tapissiers d'Aubusson, Pierre Delarbre et Jean Dumont, qui allaient probablement exercer leur industrie de château en château, réparent au château de Pau les tapisseries dites de Charlemagne, pour la somme de 133 écus.
Les guerres de religion arrêtèrent, pour un certain temps, l'essor de la fabrication et du commerce des tapisseries. La majeure partie de la population ne prit qu'une faible part à ces luttes; elles furent soutenues plutôt par les gentilshommes, huguenots ou catholiques, qui, plus tard, prirent parti soit pour Henri IV, soit pour la Ligue, le plus souvent par intérêt personnel. Le pays fut pillé, tantôt par les uns, tantôt par les autres, et souvent par tous les deux à la fois. On ne mentionne aucun combat bien sérieux, mais des surprises de villes et de châteaux, et surtout le pillage des abbayes et des monastères, le tout suivi d'incendies dans lesquels ont disparu des monuments bien regrettables.
C'est à un fait pareil que serait due, suivant M. Félix Lecler, la perte des pancartes anciennes qui, d'après Evrard, étaient gardées aux archives du Chatel d'Aubusson. Vers 1665, un parti de huguenots pénétra de nuit dans la ville, et sous les murs même du château, pilla l'église et incendia les titres et les chartes de la commune. .
Le pays avait soif de tranquillité; aussitôt que la nouvelle de l'assassinat de Henri III fut parvenue dans la Marche, les villes d'Aubusson et de Felletin reconnurent Henri IV pour roi. Guéret, à l'approche du grand Prieur Charles d'Orléans, composa et reçut une garnison royale.
Pendant cette période, qui s'étend de l'avènement de François Ier à la mort de Henri III, l'industrie de la tapisserie dut avoir des années de grande prospérité. Quatre ans après la fondation de la bourse consulaire de Paris, Charles IX, en 1567, en accordait une à la ville de Felletin, et motivait ainsi son édit:
« Attendu que la dicte ville est des plus marchandes de tout nostre dict pays de la Marche, et où s'assemblent plusieurs marchands de tout nostre royaume et autres étrangers, dont le commerce et traffic de marchandises y est gardé autant ou plus grand qu'en plusieurs autres villes auxquelles nous ayons accordé ladicte permission, etc., etc. »
Le juge et les deux consuls, chargés de juger en dernier ressort toutes les affaires commerciales, sauf appel au Parlement, devaient être nommés en l'assemblée de trente des plus notables, marchands, habitants, ou échevins de ville. Nous ne savons pas combien de temps cette bourse a dû fonctionner, mais, dans la suite, il n'en est fait mention nulle part.
Des villes, la fabrication s'était étendue dans les villages et bourgs voisins, d'Aubusson surtout, au Mont, à Moutier-Rozeille, etc., même à Vallières, bourg situé à 15 kilomètres d'Aubusson.
Bellegarde, petite ville située à, 10 kilomètres Est d'Aubusson, capitale du pays appelé le Franc-Alleu, fabriquait des tapisseries, dont la majeure partie était vendue aux marchands d'Aubusson, les habitants n'y payant ni lods; ni rentes; ni cens, pouvaient vivre à bon marché et travailler à prix réduits.
Comme Bellegarde est souvent, désignée, dans les actes notariés, sous la dénomination de Bellegarde en Franc-Alleu, pays d'Auvergne, certains historiens ont pensé que l'édit de Tonnerre, modifié par l’ordonnance de Blois de 1581, en parlant des tapisseries d'Auvergne, visait particulièrement les tapisseries de Bellegarde, dont la valeur est assimilée aux produits de Felletin ; mais il parait bien positif que le mot tapisserie d’Auvergne indique des tapisseries faites en Auvergne. D'après des notes que M. Cyprien Perathon a bien voulu nous communiquer, le centre de cette fabrication était à Ambert ou aux environs de cette ville, qui est proche du département de la Haute-Loire, où la fabrication de la dentelle, comme on le sait, est très répandue. Cette industrie de la tapisserie a dû souffrir beaucoup, lors des guerres de religion, qui furent désastreuses pour cette partie de l'Auvergne ; la plupart des villes et bourgades furent saccagées, soit, par les bandes du capitaine Merle qui commandait un fort parti de huguenots, soit par les troupes catholiques. Aujourd'hui, cette fabrication est complètement perdue en Auvergne.
Sully, préoccupé de réparer les places et de garnir les arsenaux, méprisait tout ce qui pouvait nuire à la profession des armes; en s'occupant de l'agriculture, il ne songeait qu'à la guerre ; il avait jugé que la France était surtout un pays d'agriculture, dont les produits devaient être d'un écoulement toujours certain, mais ce qu'il voulait surtout tirer de la charrue, c'étaient de bons soldats. Il maltraitait les marchands et les artisans, entravant l'industrie par une foule de règlements. Défense d'exporter l'or et l'argent, droits sur la circulation des marchandises, prohibition des vêtements de luxe, entraves à l'établissement en France des fabriques de soie, de glaces, de tapis. « La France n'est pas propre à de telles babioles, disait-il ; cette vie sédentaire, des manufactures ne peut faire de bons soldats. »
Henry IV, qui avait, en matière d'économie politique, des idées beaucoup plus larges que son ministre, s'opposa à ses prohibitions, augmenta les privilèges des métiers, et favorisa la fabrication française, en défendant l'introduction des objets étrangers. C'est à lui que les fabriques de soieries de Lyon et de Tours durent leur prospérité, par les encouragements qu'il donna à l'éducation des vers à soie, et en faisant planter cinquante mille mûriers.
Nous avons vu, en parlant de la fabrique des Gobelins, quelle lutte le roi eut à soutenir contre son ministre, lorsqu'il s'agit de réorganiser cet établissement : « Je ne sais pas, disait Henri IV à Sully, quelle fantaisie vous a prise de vouloir, comme on me l'a dit, vous opposer à ce que je veux établir, pour mon contentement particulier, l'embellissement et enrichissement de mon royaume, et pour oster l'oysiveté de parmy mes peuples . - Si je serais, quant à ce qui regarde votre, très marry de m'y opposer formellement, quelques frais qu'il y fallut faire ... mais de dire qu'en cecy, à vostre plaisir, soit joint la commodité, l'embellissement et enrichissement de vostre royaume et de vos peuples, c'est ce que je ne puis comprendre. Que s'il plaisait à votre majesté d'escouter en patience mes raisons, je m'assure, cognoissant, comme je le fais, la vivacité de vostre esprit et la solidité de vostre jugement, qu'elle serait de mon opinion. - Oui cela, je le veux bien, reprit le roy, je suis content d'ouyr vos raisons; mais aussi veux-je que vous entendiez après les miennes; car je m'asseure qu’elles vaudront mieux que les vostres .... » (Œconomies royales, t. V.)
L'ordonnance de 1601 (11 septembre) fut l'événement le plus favorable à la prospérité d'Aubusson. En défendant l'entrée en France des tapisseries étrangères, le roi débarrassait les fabriques de la Marche de la concurrence des Flamands, contre lesquels elle ne pouvait lutter que par le bas prix de ses produits. Voici le texte de cette ordonnance, qui énonce les différents genres de tapisseries usités à cette époque :
« De par le roy, deffences sont faites à tous marchands tapissiers et autres, de quelque estat et condition qu'ils soient de faire dorenavant apporter, venir et entrer dans ce royaume, aucunes tapisseries à personnaqes, boccaqes ou verdures, des pays étrangers, lesquelles Sa Majesté a défendues sous peine de confiscation d'icelles, dont le tiers appartiendra à sa dicte Majesté, un autre au dénonciateur, et l'autre à ceux de la compagnie des maîtres ouvriers et tapissiers auxquels sa Majesté l'a affecté; ce qui sera publié en tous lieux et endroits que besoin sera, pour avoir la dicte deffense lieu, du jour que la publication en sera faite ..... »
Si l'édit fut rigoureusement appliqué, Aubusson et Felletin jouirent d'une espèce de monopole qui explique le nombre d'ouvriers qu'elles occupaient. D'après M. Pérathon, ce chiffre aurait été, en 1637, en y comprenant les apprentis, de 2000 pour la seule ville d'Aubusson. Les ouvriers des Gobelins ne faisaient qu'ouvrages de prince, et les haute-lissiers de Paris ne pouvaient pas entrer en concurrence, comme prix de revient, avec les tapissiers d'Aubusson qui, travaillant sur des métiers à basses lisses, produisaient plus vite, et, par conséquent, à bien meilleur marché. Déjà avant cette époque, les marchands d'Aubusson venaient à Paris vendre leurs produits. Par un arrêt du conseil, du 1er février 1620, les tapissiers d'Aubusson et lieux circonvoisins furent maintenus dans l'exemption des droits de douane, pour les tapisseries qu'ils feraient transporter à Paris, provenant de leurs manufactures, comme il sen avaient joui par le passé. »
Les fabriques de la Marche avaient une partie de la riche clientèle des églises, ce qui prouve que leurs produits jouissaient d'une certaine célébrité.
M. Louis Paris en cite un exemple (Toiles peintes de la ville de Reims, Paris, 1843) :
« Des dons faits à cette époque.augmentèrent la précieuse collection de l'église métropolitaine de Reims: le chapitre lui-même pourvoyait à ses besoins, en ce genre. Nous voyons notamment un traité fait par devant notaire, à la date du 17 janvier 1625, par lequel un sieur Lombard, marchand tapissier en la ville d'Aubusson, diocèse de Limoges, s'oblige à faire et fournir au chapitre dans le délai de six mois : quatre pièces de tapisseries de Paris, semées de fleurs de lys jaunes, la première, à la figure de l'Assomption de Notre-Dame ; la deuxième, à la figure de la Vierge, qui tiendra Notre Seigneur Sur son bras ; la troisième, à la figure de saint Nicaise, et la quatrième plus grande, à la figure de monsieur Saint-Rémy. »
L'histore ne nous dit pas de quelle grandeur étaient ces quatre pièces, mais, si M. Lombard devait, dans le délai de six mois, qu'il avait demandé pour livrer la commande, faire préalablement exécuter les dessins que les tapissiers devaient reproduire, il est douteux qu'il ait pu livrer ses tentures à l'époque fixée, surtout si elles étaient faites en travail de Paris; c'est-à-dire en haute lisse; ce qui est fort difficile à reconnaître même à l'œil le plus exercé.
Cette facilité de production avait eu pour suite un abaissement dans le prix de vente des tapisseries. Un autre acte notarié, passé à Bellegarde, en 1634, et que nous transcrivons en entier, prouvera à quel prix étaient tombées les Verdures :
« A été présent, en personne, Jean du Pont, le jeune, fils de feu André, tapicier, résidant en ceste ville de Bellegarde, en Franc-Alleu, pays d'Auvergne, lequel, de son bon gré et volonté, a confessé avoir vendu et vend par ces présentes à sire Annet Railly, marchand, aussi résidant audit Bellegarde, présant et acceptant, scavoir: quarante haulnes de tapicceries en verdure, bonne marchandise, laquelle tapiccerie le dit du Pont a promis bailler et délivrer audit Railly, en ceste, dite ville, dans les premiers jours de febrier prochain venant, sans qu'il en puisse vendre ailleurs, que premier, il n’aye délivré et paié ladite tapiccerie ; et ce, moyennant la somme de quarante solz pour chascune haulne en carrée. En payement, et par avance, le dit du Pont, a confessé avoir heu et reçu du dit Railly la somme de trente-sept livres tournois, Iesquelles seront présentées sur les premières pièces de tapiccerie qu'il délivrera, et le surplus que se montera la dite besogne, ledit Railly a promys payer lors et quand il lui délivrera icelle, au prix de quarante solz pour . chacusne haulne.
« A l'entretennement de ce que dessus, lesdites parties se sont obligées, par arrest de leurs personnes et biens.
« Juré et reconnu ce faict, et passé au dict Bellegarde, en la maison dit notaire, en présence de Francois Mourellon, fils, à M. Michel et Georges Gommomet de Bussière-Nouvelle qui ont signé avec ledit Railly,et le dit du Pont a dit ne savoir signer. »
C'est un sentiment de tristesse qu'on éprouve en lisant attentivement cet acte; cette mention : ne scait pas signer, en parlant de du Pont, explique bien des choses. Le fabricant est complètement à la merci de l'acheteur, avec les conditions qui sont stipulées dans le marché. C'est de la bonne marchandise, en verdures que Du Pont doit fournir à Railly, pour la somme de quarante sous tournois l'aune carrée, et sur le payement de laquelle livraison, il a reçu une avance de 37 livres tournois! Cette commande de quarante aunes carrées qui devait être livrée dans l'espace d'un mois, prouve ou que du Pont avait beaucoup d'ouvriers à sa disposition, ou que les matières, chaîne et trame, n'étaient pas d'une grande finesse, et que le dessin de ces verdures était peu compliqué.
Les tapissiers d'Aubusson n'étaient guère plus lettrés que ceux de Bellegarde, ce qui ne les empêche pas de conclure des marchés par devant notaire et d'engager résolûment leurs personnes et leurs biens pour,garantir I'exécution de leur traité, comme le prouve le contrat que nous transcrivons ici:
« Le vingtième jour d'octobre 1746; à Limoges, maison et pardevant le notaire royal, soussigné, avant midi, fut présent Gilbert Roquet, marchand tapissier, de la ville de Busson, demeurant en cette ville, lequel de son plein gré et volonté a promis et promet par ces présentes, le révérend père Étienne Saige, recteur du collége des révérends pères de la compagnie de Jésus, établis au dit Limoges, présent et acceptant, lui faire une pièce de tapisserie, pour l'ornement de son église, représentant la dispute de l'enfant Jésus entre les docteurs, toute pareille de bonté, de qualité et façon à une autre pièce que ledit Roquet leur a faite,représentant l'Adoration des trois Rois, et leur rendre la dite pièce, bon et dûment faite, et parfaite, dans le jour et fête de saint Ignace, au mois de juillet prochain, et fournira, à cet effet, tout ce qui sera requis et nécessaire, sans que ledit père recteur soit tenu d'aucune chose quelle qu'elle soit, que seulement fournir un dessin de la dite pièce. La dite convention faite et acceptée, moyennant le prix et somme de vingt-quatre livres l'aune en carré, sur lequel prix total ledit révérend père recteur a payé audit Roquet, la somme de cent livres en bonne monnaie, bien nombrée par lui prise et reçue, qui s'en est contenté; le surplus payable; aune par aune, à proportion que ledit Roquet travaillera. A quoi faire et entretenir lesdites parties respectivement obligées, savoir ledit Roquet en sa personne et biens et ledit révérend père, recteur, les biens et revenus temporels dudit collège. »
Malgré le bas prix auquel ils livraient leurs marchandises, les fabricants d'Aubusson, paraît-il, savaient satisfaire leurs clients. La première pièce représentant l'Adoration des trois Rois avait été trouvée bonne, puisque la convention est que la seconde sera toute pareille de bonté. Peut-être la satisfaction du Révérend père venait-elle de la précaution qu'il avait prise de fournir lui-même le dessin de ladite pièce ?
Un inventaire du château de Saint-Priest (Loire); 21 décembre 1654, mentionne dès tapisseries d'Aubusson, que la désignation de vieilles et fortes vieilles, paraît faire remonter au règne de Henri IV, ou à l'époque des Valois:
« Chambre de Jarez ou du marquis de Saint-Priest, item. Neuf pautres ou pièces de vieille tapisserie d'Aubusson.
« Grande salle du château ou salle de réception, item, Sept pièces de tapisserie Aubusson en bergerie, scènes pastorales ou verdures.
« Chambre de la châtelaine, item. Cinq pièces de tapisserie Aubusson, en bergerie, pareille à icelle de la grande salle.
« Autre chambre, au-dessus de l'église, item, Deux pièces de tapisserie de Felotin, en bergerie.
« Chambre du grand Tremouchon, et plus, huit pièces de tapisserie Aubusson, fort vieilles. »
Les dessins de verdures étaient, pour la plupart, empruntés aux estampes flamandes de Pierre Breughel et de Paul Bril. Les douze mois de Pierre Stéphani, popularisés par le burin de Gilles Sadeler, se rencontrent fréquemment, ainsi que les quatre saisons de l'année, d'après Bassan. Quant aux bergers, ils étaient presque tous originaires du pays qu’arrose le Lignon.
La faveur qui avait accueilli l'œuvre de d'Urfé avait donné naissance à tonte une école de romans bucoliques. Sur beaucoup de tentures de l'époque, on retrouve des scènes inspirées par les bergeries de Racan ou par l'Astrée.
Dans une de ces chambres de tapisserie, on voit le berger Amindor, botté et éperonné, coiffé d'un feutre, la plume au vent, et l'épée au côté, accompagnant la bergère Sylvie (habillée comme Anne d'Autriche), dans son délicieux palais, qui est une construction du XVIe siècle, avec tours, créneaux et mâchicoulis ; plusieurs petits ponts rustiques sont jetés sur une rivière, bordée de roseaux, dans laquelle s'ébat tout un monde de volatiles, cygnes, hérons, canards, etc. Plus loin nous voyons Hylas et Céladon, jouissant de la belle veue de ces oyseaux célestes, terrestres et aquatiles, Si les traits de ces personnages ne sont pas encore irréprochables comme dessin, on reconnaît cependant que les peintres de tapisseries commencent à acquérir quelques notions de la perspective. Les premiers plans sont vigoureusement accusés et les teintes claires et effacées sont assez bien ménagées pour les lointains.
En comparant ces tapisseries avec celles qu'on fabriquait une trentaine d'années auparavant, on constate un progrès notable dans le tissu et clans la teinture.
Ce progrès était dû à l'arrivée, à Aubusson d'une véritable colonie de Flamands, qui vint s'y établir vers 1646 ou 1648, et qui comprenait, non seulement des tapissiers, mais encore des teinturiers. Il nous est difficile de savoir si ces étrangers vinrent se fixer à Aubusson, entraînés qu'ils étaient par l’espoir du gain, ou bien s'ils quittèrent leur pays à la suite de troubles politiques ou parce que le travail y faisait défaut. Quoi qu'il en soit, il fallait que la fabrique d'Aubusson eût une importance réelle pour attirer ainsi ces artisans d'élite.
Les indications mentionnées par quelques registres de la paroisse, nous donnent la date exacte de l'arrivée des tapissiers flamands à Aubusson:
« 1656. Mariage de Claude Alleaume, flamand, tapissier, résidant depuis cinq ans à Aubusson..
« Cinquième jour d'août a été baptisée Marie, fille à Frédérik Nicolas, maître tapissier, natif de BruxeIles en Flandre, et à Marie Deschamps ses père et mère. (18 décembre 1660 ensevely Jeanne Mage la Flamande âgée de 58 ans. »
Nous retrouvons encore aujourd'hui dans quelques familles les noms de ces Flamands qui s'établirent et se marièrent à Aubusson:
« 1664, 8 septembre. Mariage d'Antoine de Kant (ou Lecante), maître teinturier, né à Bruxelles, avec Catherine Boisvert.
« 1665. Mariage de Maurice Pain, teinturier à Bruxelles, etc.
« 2 décembre 1666, ensevely Frédérik Perklain Flamand, habitué de cette ville depuis les 20 ans derniers, âgé de 55 ans. »
Quelques-uns de ces étrangers appartenaient à la religion réformée. On lit à la date du 9 décembre: « 1674, abjuration de Magdeleine Provosth, âgée de 22 ans. »
A chaque instant on retrouve, dans les termes employés pour la fabrication, le souvenir des Flamands ; outre le métier à basses lisses qui est bien d'importation flamande, à Aubusson on se sert comme à Bruxelles du mot de patron, pour désigner le dessin qu’on place sous la chaîne des métiers à basses lisses.
Le prix des tapisseries, comme cela se pratiquait en Flandre, est fait avec l'ouvrier « au baton.» qui était, avant la Révolution de 1789, le seizième de aune de 44 pouces.
En France, à Paris, les tapissiers sont placés sous le patronage soit de saint François d'Assise ou de saint Louis, roi de France, ou de sainte Geneviève de Paris; à Aubusson, la patronne des tapissiers est sainte Barbe, dont le culte paraît avoir été apporté dans cette ville par les Flamands. Sainte Barbe est très vénérée en Flandre. Dans le Hainaut surtout, il y a peu d'églises, de chapelles de village où l'on ne trouve sa statue ou son image. Sur les tapisseries qui ornaient la chapelle des ducs de Bourgogne on remarquait l'image de sainte Barbe. Charles le Téméraire avait deux statues de saintes dans son oratoire: sainte Catherine et sainte Barbe.
Dans l'inventaire des bijoux, bagues, ornements d'église, tapisseries, et autres joyaux appartenant à Philippe II, fait à Bruxelles en mars 1658 avant Pasques, on mentionne deux statues seulement, celle de la Vierge mère, et une image de sainte Barbe, tenant une tour et une plume (une palme) en argent doré.
A Aubusson, la patronne des tapissiers est aussi représentée tenant une palme de la main droite, et supportant une tour avec la main gauche.
Tapisserie tissée main à Aubusson Patrimoine de l'Unesco en 2009
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