Tapisserie-royale

TAPISSERIE D'AUBUSSON BASSE LISSE


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Plus tard, lorsqu'il fallut traduire en laine les compositions des grands maîtres, le tapissier augmenta le nombre des couleurs de sa palette, qui dut comprendre alors la gamme complète de tous les tons, du clair au brun.
Mais bientôt il fallut renoncer à l'emploi des nuances délicates el claires, qui, plus faiblement imprégnées de matières colorantes que les couleurs plus foncées, ne résistaient pas à l'action de l'air et de la lumière et se fanaient promptement.
On adopta alors de parti pris pour les tentures un coloris de convention à nuances vigoureuses.
Malgré l'habileté des ouvriers à fondre les nuances, malgré l'emploi de couleurs intermédiaires servant à relier, à souder entre eux les différents tons, malgré les progrès de l'art de la teinture, l'aspect des tapisseries restait dur, sec, sans transparence.
Après bien des essais, des mécomptes, au lieu de mélanger ensemble deux brins de laine ou de soie de nuance différente, afin d'obtenir des tons intermédiaires, on songea à appliquer à la tapisserie les procédés qu'emploient les graveurs qui, au moyen de hachures plus ou moins rapprochées, obtiennent la transparence, et des effets de lumière, de demi-teinte et d'ombre.
Le graveur peut, il est vrai, promener son burin sur la planche qu'il entaille dans tous les sens à volonté, tandis que le tapissier, ne pouvant manœuvrer ses broches qu'en ligne droite, est condamné à ne tracer que des barres horizontales; mais, en revanche, il rachète cette infériorité par la facilité d'employer successivement plusieurs tons, qui, par leurs alternances, leurs combinaisons, procurent à son travail, outre la transparence, un accord et un soutien résistant qu'on avait cherchés en vain jusqu'alors,
De 1816 à 1833, la direction supérieure des Gobelins fut confiée à M. le baron des Rotours qui signala son administration par d'utiles innovations, telles que la création d'un cours de chimie appliquée à la teinture, de deux écoles de tapisseries et de tapis; alimentées par le concours de l'école de dessin, elles alimentent à leur tour les ateliers de tapis et de tapisseries.
Mais, malgré les motifs qu'on fit valoir alors, il, nous semble difficile d'approuver (1825) la suppression dans les ateliers des Gobelins des métiers en basses lisses, procédé de fabrication relativement inférieur à celui de la haute lisse, mais qui néanmoins avait produit des œuvres remarquables.
Parmi les travaux exécutés pendant cette période, nous pouvons citer:
Pierre le Grand sur le lac Ladoga, d'après Steuben (1814).
Henri IV rencontrant Sully blessé à la bataille d'Ivry;
Sept sujets de la vie de saint Bruno, d'après Lesueur;
François 1er refusant l'hommage des Gantois; le Martyre de saint Etienne, d'après. Abel de Pujol (1824) ;
Phèdre et Hippolyte, d'après Guérin (1823); la Bataille de Tolosa, d'après H. Vernet (1824) ; François 1er confiant la garde de sa personne aux Rochellais (1827), d'après Rouget.
En 1828, on mit sur métier l'histoire allégorique de Marie de Médicis, d'après Rubens.
Dans la reproduction de ces douze pièces, MM. Buffet, Gilbert, Lucien Deyrolle, etc.:. appliquèrent le nouveau système, dit des hachures à plusieurs tons, et produisirent une des plus belles tentures qui soient sorties des ateliers des Gobelins. Ces tapisseries, qui ornaient le Palais de SaintCloud, ont été heureusement sauvées en 1870, avant l'investissement de Paris, et sont aujourd'hui au garde-meuble.
« Ces tableaux de Rubens succédèrent heureusement, dit M. Chevreul, aux peintures de Rouget, qui à cette époque étaient à la mode, du moins aux Gobelins. Toutes les carnations durent être refaites conformément aux anciennes gammes, parce que les chairs de Rubens sont fraîches et non pas violâtres et rabattues, comme celles des tableaux de Rouget »
Du règne de Louis-Philippe datent l'achèvement des tapisseries des Apôtres, d'après Raphaël; le massacre des Mameluks, d'après H. Vernet; des portraits du Roi et de quelques membres de la famille Royale. On commença une suite de tapisseries d'après MM. Alaux et Couder, destinées au salon dit « de Famille », aux Tuileries, et représentant quelques-unes des résidences royales: les châteaux de Pau, de Fontainebleau, de Saint-Cloud, le Palais-Royal, les galeries de Versailles. «Malheureusement cette partie, la plus riche de la collection, a été détruite en mars 1848, et remplacée par un fond insignifiant » dit M. Lacordaire.
En parlant des progrès réalisés aux Gobelins, il . est impossible de passer sous silence le nom de M. Chevreul, membre de l'Institut, directeur de l'atelier de teinture depuis 1824, inventeur du cercle chromatique, dont nous empruntons la définition à M. Turgan, auteur d'une notice sur les Gobelins (Les grandes usines de France); nous ne pourrions en trouver une plus simple et plus juste:
« La classification est établie sur l'image prismatique qui donne les couleurs simples, fractions d'un rayon de lumière blanche. Si l'on étale circulairement cette image prismatique sur une table ronde, si on la subdivise en 72 nuances de façon qu'il y en ait 23 entre le rouge et le jaune, 23 entre le jaune et le bleu et 23 entre le bleu et le rouge, et si l'on subdivise ensuite chacune de ces nuances en 20 parties se dégradant, du noir qui est à la circonférence au blanc qui occupe le centre du cercle, on aura 20 tons par nuances: ce qui fait 1440 tons pour le premier cercle chromatique, composé de tons francs sans mélange de noir. Chaque ensemble de vingt tons d'une nuance forme une gamme. Si l'on ternit uniformément tous les tons de ce cercle avec du gris normal (c'est-à-dire le gris du noir qui représente une ombre dépourvue de couleur), on aura un second cercle dont les gammes seront ternies à 1/10 de noir, on en construira un troisième à 2/10, un quatrième de même, etc., jusqu'au dixième, où tous les tons seront notablement obscurcis, puisqu'ils seront à 9/10 de noir. En ajoutant aux 14 400 tons ainsi produits les 20 tons de la gamme de gris normal, on aura 14 420 tons pour l'ensemble de la construction chromatique. »
Grâce à cette classification, on peut indiquer, noter exactement une couleur quelconque. A la démonstration théorique du cercle chromatique, M. Chevreul a ajouté la mise en pratique : tous les tons qu'il a décrits existent aux Gobelins en écheveaux de laines colorées; il a su créer la science de la teinture et de la fabrication des couleurs.
Qui ne se rappelle les dernières tapisseries fabriquées dans les ateliers des Gobelins ? leur savante exécution place ses artistes ouvriers au premier rang de l'industrie du monde entier. Citons au hasard : la Pêche miraculeuse, le Christ au tombeau, le Portrait de Louis XIV, d'après H. Rigaud, véritable chef-d'œuvre, l'Amour sacré et l'Amour profane, l'Assemblée des dieux, d'après Raphaël, Psyché et l'Amour, la Sainte-Famille, dite de Fontainebleau; les portraits des grands peintres et architectes qui décorent la galerie d'Apollon, au Louvre, etc.
Dans une sphère plus modeste, mais non moins remarquable, Beauvais soutient dignement sa réputation. Ses fleurs, ses ornements, ses tableaux de chasse, de nature morte perpétuent les noms de Baptiste, d'Audran, d'Oudry, de Desportes, et prouvent que la basse lisse peut traduire avec bonheur et sans être, accusée de témérité, les plus beaux tableaux décoratifs, les œuvres les plus fines de M. de Hondecoeter et de son maître J.-B. Weenix.
Nous voudrions que la ville d'Aubusson fût assez riche pour pouvoir envoyer tous les ans deux de ses meilleurs ouvriers se perfectionner à cette excellente école de basse lisse; nous espérons que le gouvernement, qui n’a jamais rien fait pour Aubusson depuis 1790, ne refuserait pas une subvention, pour conserver une des plus anciennes et des plus nobles industries de la France.
Tapis d'Aubusson et Tapisseries d'Aubusson inscrits au Patrimoine de l'Unesco en 2009
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